Le 24 février 1847, Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils, âgé de neuf ans, le comte de Paris. La Chambre démissionne tandis qu'un gouvernement insurrectionnel se forme. Avec le concours des républicains, un gouvernement provisoire (Arago, Lamartine, Albert) de onze membres voit le jour. Le droit au travail, le suffrage universel (2 mars), la liberté totale de la presse et l'abolition de l'esclavage (4 mars) furent proclamées dans les jours qui suivirent.
Chargé de la répression, le général Cavaignac (le "bourreau de juin") est désigné président du Conseil, le 28 juin 1848 tandis que la Constituante s'affaire à élaborer les textes constitutionnels de la IIe République, votés le 4 novembre 1848 et promulgués le 12. Cette Constitution de 1848 est ambiguë: à l'image de la IIe République à la fois républicaine, idéaliste de février à mars 1848 en ce qu'elle met en avant la liberté, l'égalité et la justice sociale; bourgeoise et modérée de juin 1848 à décembre 1850 en ce qu'elle fait primer l'ordre et la justice sociale au détriment de la liberté politique.
Ainsi, il serait bon de s'interroger sur la valeur et l'équilibre de cette Constitution qui résulte de la IIe République au bilan si contrasté. S'avère-t-elle aussi précaire que la IIe République, régime d'à peine quatre années qui discrédite par sa chute, la première véritable expérience à la fois démocratique et républicaine ?
[...] La Constitution de 1848: pleine d'incompatibilités A. Le "monstre constitutionnel" A compter de février 1848, neuf mois auront suffi pour faire vaciller le régime. Plébiscitée le 4 novembre de la même année par des parlementaires soucieux de conférer au pays une stabilité politique, la Constitution réunit le paradoxe de poser plus de questions qu'elle ne semble en résoudre. En l'occurrence, le mot de "monstre constitutionnel" dont Bastid affuble cette Constitution n'a rien d'anodin. Car ce texte hybride est le produit d'intérêts politiques et de sources intellectuelles antagonistes. [...]
[...] La Constitution du 4 novembre 1848 Le 9 juillet 1847, une vaste "campagne des Banquets" est lancée. Elle réunit l'opposition républicaine - avec à sa tête Barrot laquelle revendique contre l'absence de réforme électorale. Obtenant l'annulation de ses réunions, Guizot récolte les premières émeutes. Le 22 février 1848, malgré ses ordres, la Garde nationale n'agit pas. Les insurgés obtiennent alors sa démission au profit de Molé. L'émeute devient la révolution prophétisée par Tocqueville en janvier avec barricades, batailles de rues et fusillades. [...]
[...] Une loi du 31 mai 1850 raye près de trois millions de citoyens, parmi les plus pauvres, des listes électorales. Le refus de l'Assemblée de réviser la Constitution qui interdit au président de se représenter précipite le coup d'Etat du 2 décembre 1851. Ultime paradoxe: c'est en défenseur de la souveraineté du peuple, source de la République, que Bonaparte viole la Constitution. B. L'inéluctable initiation de la République Ce qui a manqué à la République, ce ne fut pas une meilleure Constitution, mais l'adhésion du peuple qui plébiscitait sans remords l'Empire. [...]
[...] Mais il convient de noter qu'à l'instar du régime américain, la Constitution de 1848 s'inspire d'une présidence forte et populaire, au mandat court. La crainte d'une Assemblée dotée de tous les pouvoirs, sur le modèle de la dictature de la Convention montagnarde, renforce l'exécutif, élu par le peuple, pour éviter sa subordination. L'ancienne opposition dynastique conduite par Barrot et Thiers, "républicains du lendemain", réussit même à intégrer dans la Constitution des mécanismes parlementaires - origine parlementaire des ministres, initiative législative partagée, contreseing obligatoire des actes présidentiels - sans parvenir toutefois à maintenir le bicaméralisme. [...]
[...] La symbolique de la légende napoléonienne, qui exalte l'honneur du pays et les victoires passées, a fait le reste (Marx). Car le nom de Napoléon suffit à réunir sur lui "une gloire nationale, une garantie révolutionnaire, et un principe d'autorité" (Guizot). La république de février comptait sur les instituteurs, missionnaires investis d'un nouveau sacerdoce, pour convertir les campagnes, mais la loi de Parieur de janvier 1850 démantèle l'école républicaine en renforçant le contrôle de l'Eglise sur l'enseignement primaire. De cette exigence d'une éducation politique consubstantielle à l'exercice de la citoyenneté, la IIIe République saura tirer les enseignements, avec entre autres les fameuses lois de Ferry ("Démocratie, c'est démopédie", Jules Simon). [...]
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