La Constitution de 1875, qui institue la Troisième République, n'est définitivement abandonnée qu'après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, elle prend fin dans la pratique en 1940, lorsque le régime en place est remplacé par le régime de Vichy. Jacques Donnedieu déclare ainsi dans son cours de droit public à l'IEP de Paris : « La Constitution de 1875 est morte deux fois : en 1940, parce qu'elle était trop démocratique ; en 1945, parce qu'elle ne l'était pas assez. » Cette citation soulève deux paradoxes.
D'une part, il s'agit d'étudier en quoi une Constitution peut être « trop démocratique », alors même que la démocratie parfaite est le régime vers lequel tendent presque tous les Etats modernes. D'autre part, il est légitime de se demander comment un même texte peut être, à cinq ans d'intervalle, trop démocratique puis trop peu démocratique. Cette seconde réflexion montre qu'il ne s'agit pas seulement d'étudier le contenu théorique de la Constitution de 1875 mais également son évolution, et la pratique du pouvoir qu'elle engendre. De même, le contexte d'application de cette constitution permet d'appréhender les visions paradoxales qu'elle suscite. Un même texte ne peut en effet aboutir à deux conceptions opposées que s'il est interprété par des acteurs de deux manières opposées.
Ainsi, en quoi la pratique du pouvoir a-t-elle engendré un « excès » de démocratie, responsable en 1940 de la perversion de la Constitution qui institue le régime de Vichy, alors qu'elle était qualifiée, au contraire, de « pas assez » démocratique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ?
[...] Ainsi, le Maréchal Mac-Mahon, président de la République et homme de la droite conservatrice, se sépare du président du conseil Jules Simon, de la gauche républicaine à qui il reproche de ne pas défendre les intérêts présidentiels. Un ministère de droite est alors constitué, celui d'Albert de Broglie ; le parti républicain exprime son mécontentement par le manifeste des 363. En conséquence, le Maréchal dissout, sur avis conforme du Sénat, la Chambre et de nouvelles élections législatives sont organisées. Cette campagne est marquée par le mot célèbre de Gambetta, de la gauche républicaine, adressé au Maréchal : Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre Le succès républicain d'octobre oblige de Broglie à démissionner, puis, deux ans plus tard, le Maréchal Mac-Mahon se retire. [...]
[...] La IIIe République est fondée par l'amendement proposé par le député Henri Wallon, qui stipule que le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat la chambre des députés réunis en assemblée nationale Mais cet amendement n'est adopté qu'à une voix de majorité à raison de 353 oui contre 352 non. La précarité de la majorité républicaine explique que la constitution rédigée en 1875 soit un texte de compromis. Les mesures institutionnelles conservatrices La constitution de 1875 est originale dans sa forme : elle ne contient pas de préambule, et elle est composée de trois lois constitutionnelles adoptées à trois dates différentes, le 24 février, le 25 février, et le 16 juillet. Sur le fond, elle contient de nombreuses mesures orléanistes. [...]
[...] En ne respectant pas les droits et les principes politiques admis, comme nous l'avons vu, mais aussi en violant les droits de l'homme. La collaboration avec les nazis et les déportations des juifs oppose ce régime aux valeurs fondamentales de la Révolution. Le régime de Vichy ne peut donc pas se satisfaire d'une constitution démocratique, celle de 1875, qui est contraire aux idées qui le caractérisent. Toutefois, aucune nouvelle constitution ne voit le jour. En ce sens, la Constitution de 1875 n'est pas définitivement morte. B. [...]
[...] La Troisième République se caractérise par des majorités fragiles et artificielles, et par des crises qui secouent le pays entier. La République est alors objet de critiques comme en témoigne la crise boulangiste (1885-1889) menée par le général revanche Boulanger contre les institutions. Son programme dissolution, constituante, révision allié à une fibre sociale certaine, séduit les électeurs mais cette étincelle réactionnaire et populiste s'éteint relativement vite. L'affaire Dreyfus, du nom d'un officier juif et alsacien de l'armée accusé à tort d'avoir transmis des dossiers militaires à l'Allemagne, est l'occasion d'une nouvelle mise en cause de la République. [...]
[...] La Constitution de 1875 est morte deux fois : en 1940, parce qu'elle était trop démocratique ; en 1945, parce qu'elle ne l'était pas assez. Jacques Donnedieu de Vabres Introduction La Constitution de 1875, qui institue la Troisième République, n'est définitivement abandonnée qu'après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, elle prend fin dans la pratique en 1940, lorsque le régime en place est remplacé par le régime de Vichy. Jacques Donnedieu déclare ainsi dans son cours de droit public à l'IEP de Paris : La Constitution de 1875 est morte deux fois : en 1940, parce qu'elle était trop démocratique ; en 1945, parce qu'elle ne l'était pas assez. [...]
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