Pourquoi le Conseil d'Etat pendant cette période a-t-il fait l'objet d'aussi nombreuses études de la part des historiens, mais également de controverses impliquant certains des acteurs de l'époque ? Pour certains, le Conseil d'Etat fut une institution emblématique ayant fourni au régime de Vichy tant les instruments que les hommes pour mettre en œuvre la rénovation nationale. Ainsi, pour Robert O. Paxton, la « vieille garde » du Palais Royal a-t-elle joué un rôle privilégié dans « l'ordre nouveau » appelé de ses vœux par le Maréchal Pétain. Pour autant, cette thèse est contredite par une partie Conseil d'Etat lui-même. Ainsi, pour Michel Debré, la principale préoccupation d'Alfred Porché, qui fut vice-président de l'institution de 1938 à 1944, fut « de faire oublier le Conseil d'Etat par le nouveau régime ». Le Conseil d'Etat aurait ainsi été, pendant ces années sombres, le gardien des principes républicains
[...] En juin 1942, le Conseil d'Etat regagne Paris et le Palais Royal. Dès lors, séparé du pouvoir par la ligne de démarcation, les activités du Conseil évoluent de l'activité consultative vers l'activité contentieuse et ce, dans une atmosphère plus sereine. Jean Massot place cette chronologie au cœur même de son raisonnement. Pour lui, le retour de juin 1942 constitue un véritable tournant où se cristallisent notamment les velléités résistantes du Conseil, encouragées par l'éloignement d'un gouvernement de plus en plus coupé de l'opinion publique et confronté aux plus noirs aspects de la collaboration. [...]
[...] En ce qui concerne les lois d'exception, le Conseil d'Etat mit en place pendant toute la période une commission chargée de l'examen de toutes les questions concernant le statut des Juifs C'est sûrement sur ce point que l'attitude du Conseil fut la plus discutable. On peut notamment mentionner les points suivants : Le Conseil d'Etat eut à déterminer, selon les articles 4 et 5 du statut des Juifs du 3 octobre 1940, le numerus clausus dans les professions d'auxiliaires de justice mais également à déterminer les conditions dans lesquelles aura lieu l'élimination des Juifs en surnombre Il eut à le faire également pour les professions libérales, commerciales, industrielles et artisanales après promulgation du second statut du 2 juin 1941 (qui, comme le premier, ne lui fut pas soumis au préalable pour examen). [...]
[...] Pour certains, le Conseil d'Etat fut une institution emblématique ayant fourni au régime de Vichy tant les instruments que les hommes pour mettre en œuvre la rénovation nationale. Ainsi, pour Robert O. Paxton, la vieille garde du Palais Royal a-t-elle joué un rôle privilégié dans l'ordre nouveau appelé de ses vœux par le Maréchal Pétain. Pour reprendre la terminologie de Jean-Pierre Azéma : certains des vieux Romains de la vénérable assemblée vinrent se ranger du côté des jeunes cyclistes technocrates de Vichy. [...]
[...] L'arrêt précise que seule une loi aurait permis d'imposer une telle atteinte au principe fondamental d'égalité devant la loi. En revanche, confronté à une disposition législative formelle heurtant les principes républicains, le juge n'a pu l'écarter, en vertu de la conception traditionnelle de la séparation des pouvoirs. Cette conception est très clairement précisée dans l'arrêt Arrighi du 6 novembre 1936 : le juge administratif s'interdit d'apprécier, par voie d'action ou par voie par d'exception, la validité d'une loi, même si celle-ci est clairement contraire à des principes constitutionnels. [...]
[...] De la même façon, le Conseil d'Etat a largement déploré l'engagement de certains de ses collègues dans des fonctions compromettantes (à l'instar de Georges Dayras, secrétaire général du ministère de la Justice). On peut également considérer qu'il se trouve, du moins en partie, engagé par le rôle joué par certains de ses membres comme l'un de ses présidents de section, Jean-Marie Roussel, qui présidait la commission de révision des naturalisations. Le Conseil d'Etat fut l'un des corps de l'Etat le plus touché par les mesures d'épuration. On ne saurait pour autant y voir la preuve qu'il faut plus largement compromis dans son ensemble. [...]
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