En 1815, le Congrès de Vienne marque le début du XIXème siècle, puisque le XIXème siècle de l'historien commence avec la fin de l'Empire napoléonien et s'achève avec le déclenchement de la première guerre mondiale. Pris sur la longue durée, on peut le caractériser comme un siècle de paix relative, même s'il a certes connu plusieurs conflits locaux ou régionaux mais aucune guerre générale. Il s'agit d'un siècle capital en matière de formation des idéologies, du droit, des États et des nations: à bien des égards, on peut en effet dire que le XIXème siècle débutant vit dans des cadres et selon des modalités hérités du XIXème.
Définir l'Europe oblige à écarter le contestable et à ne garder que le plus sûr. Emmanuel Todd, dans « L'invention de l'Europe », plaide pour un fondement religieux déterminant: « C'est l'ensemble du monde structuré, dès le XVIème siècle, par la polarité catholicisme/ protestantisme qu'il s'agit de comprendre, dans son développement culturel, industriel et idéologique. » Mais cette définition amène l'auteur à écarter la Grèce pour cause de traditions orthodoxes: la Grèce, dont la culture et les valeurs ont constitué l'un des principaux ciments de l'Europe – et accessoirement lui ont fourni son nom. L'Europe n'est-elle pas fondamentalement une communauté de culture (« La culture [est] la langue commune de l'Europe » affirme Fernand Braudel), partagée par un ensemble de nations ou de peuples qui ont un passé en commun? Un passé plus souvent fait de guerres que de paix, un passé partagé pour le meilleur et pour le pire, et qui resurgit à chaque fois qu'on le croit oublié. Communauté de culture, l'Europe est contrainte de vivre avec et de son histoire, révélateur d'un avant toujours présent. La culture européenne est celle du passé et des racines, du souvenir et de la mémoire. Ainsi, c'est peut-être l'Histoire qui apparaît comme le dénominateur commun de l'Europe.
Par ailleurs, le « Grand Dictionnaire universel du XIXème siècle » de Pierre Larousse, à l'article « Europe »: « Le lecteur s'attend peut-être à trouver ici de longs développements; mais la réflexion nous a fait comprendre que, sous ce mot, les détails seraient les hors-d'œuvre. L'Europe n'est quelque chose qu'autant qu'elle se nomme la France, l'Angleterre, la Russie, l'Autriche, la Prusse, l'Espagne etc. Le particulier l'emporte sur le général. Il ne saurait en être de même pour l'Amérique, l'Asie, l'Afrique, l'Océanie; là, c'est le général qui a le pas sur le particulier [...]. Au contraire l'Europe n'est guère qu'un nom géographique qui demande à être traité à grands traits. Nous allons donc nous en tenir aux généralités et parler de l'Europe ni plus ni moins que s'il s'agissait de Lons-le-Saunier ou de Longjumeau. » Cela montre, d'une part, qu'une définition en termes d'identité continentale ne vaut que là où le processus de civilisation et de différenciation politique est moins avancé, et cela pose, d'autre part, le problème du statut géographique et des limites de l'Europe au XIXème siècle. Est-ce à dire que l'Europe du XIXème ne constitue en aucun cas une certaine réalité politique?
Dans ce cadre, et si l'on s'attache au congrès de Vienne et au contexte dans lequel il a eu lieu, cela suscite des questions concernant l'idée d'Europe qui domine au moment du congrès de Vienne. Par ailleurs, en si l'on étudie le congrès de Vienne et son contexte, il n'est pas possible d'isoler la Sainte Alliance et la Quadruple Alliance, qui deviendra une pentarchie avec l'admission de la France, de la dynamique du congrès : elles en sont la continuation voulue et logique. Reconstruire l'Europe, politiquement, géographiquement et culturellement, est donc l'objectif du congrès de Vienne qui se réunit en le 1er novembre 1814 – même si les grandes puissances européennes, principaux acteurs de ce congrès, y sont réunies dès le mois de septembre. Il convient alors de se demander quel rôle cet événement, qui marque le début du XIXème siècle de l'historien, a eu dans l'élaboration d'une prise de conscience européenne voire dans la construction européenne.
Ainsi, il paraît alors pertinent d'étudier l'état de l'Europe et de l'idée européenne à la veille du congrès de Vienne, puis l'idée européenne qui domine ce congrès et dans quelle mesure il y a là un début de construction européenne, et enfin quelles en sont les limites, puisqu'il semble toutefois qu'une certaine conception européenne soit à mettre à bas pour progresser vers une Europe unie.
[...] / Mougel, F.: Précis d'histoire européenne 19e-20e siècle. Paris, Armand Colin Benda, Bernanos, Jappers, Spender, Guéhenno, Flora, Rougemont, Salis, Lukacs: L'esprit européen Rencontres internationales de Genève 1946. Neuchâtel, Éditions de la baconnière Berstein, Serge/ Milza, Pierre: Histoire de l'Europe contemporaine De l'héritage du XIXe siècle à l'Europe d'aujourd'hui. Paris, Hatier Berstein, Serge/ Milza, Pierre (dir.): Histoire du XIXe siècle. Paris, Hatier Bitsch, Marie-Thérèse: Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours. Bruxelles, éditions Complexe Brugmans, Henri: L'idée européenne 1918-1965. Bruges, Collège de l'Europe Caron, J. [...]
[...] Communauté de culture, l'Europe est contrainte de vivre avec et de son histoire, révélateur d'un avant toujours présent. La culture européenne est celle du passé et des racines, du souvenir et de la mémoire. Ainsi, c'est peut-être l'Histoire qui apparaît comme le dénominateur commun de l'Europe.[1] Par ailleurs, le Grand Dictionnaire universel du XIXème siècle de Pierre Larousse, à l'article Europe Le lecteur s'attend peut-être à trouver ici de longs développements; mais la réflexion nous a fait comprendre que, sous ce mot, les détails seraient les hors-d'œuvre. [...]
[...] Paris, Armand Colin, 1996. [...]
[...] Les questions d'intervention lors d'insurrections en Europe questions qui seront débattues lors des différents congrès et conférences successifs soulèvent certains problèmes: s'il y a intervention, quelle doit-elle être? Celle des puissances agissant individuellement? Celle de ces mêmes puissances agissant au nom du concert européen Certes, l'Angleterre, d'emblée, se montre rigoureusement hostile à l'intervention collective et Castelreagh, dans une note du 5 mai 1820, indique que la Quadruple Alliance a eu pour but de briser les ambitions françaises, de protéger l'Europe contre un pouvoir révolutionnaire à forme militaire mais qu'elle n'a jamais été destinée à constituer une union pour le gouvernement du monde ou pour la superintendance des États L'Angleterre ne participera donc pas à des décisions collectives ayant pour but d'abattre des régimes libéraux. [...]
[...] Tous ont les mêmes goûts, les mêmes passions, les mêmes mœurs, parce qu'aucun n'a reçu de formes nationales par une institution particulière Bien sûr, il s'agit sans doute d'un excès d'optimisme, qui sera un temps repris par les révolutionnaires français, par exemple par Saint-Just: L'Europe n'est qu'un peuple mais ces idées sont toutefois assez révélatrices du contexte intellectuel lié à l'idée européenne régnant à la fin du XVIIIème siècle, à la veille du congrès de Vienne.[5] Mais cette Europe nouvelle en devenir peine à se dégager du cadre ancien. La contradiction entre l'ordre établi et l'ordre raisonnable est trop forte pour que le passage s'effectue sans heures ni étincelles. D'où la Révolution française. S'agit-il alors d'une certaine construction européenne? Certes, les chefs de la Révolution française, au départ, se réclament moins d'un nationalisme français que du cosmopolitisme des philosophes, leurs maîtres. [...]
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