Confrontation militaire, Russie, USA, triangle iranien, territoire chiite, puissances coloniales, Moyen-Orient, hydrocarbures, crise syrienne, Bachar al Assad, aviation russe, Hezbollah, printemps arabe, Libye, occupation du Golan, forces démocratiques syriennes, OTAN
Le cri de désespoir lancé en 2015 par le régime de Bachar el Assad, ravagé par six années de guerre, fut le signal d'une intervention russe décisive. L'aviation russe dévastait les positions djihadistes tandis que des contingents de "conseillers militaires" iraniens rejoignaient les milliers de combattants du Hezbollah libanais déjà au chevet du régime syrien. Pour les analystes traditionnels, l'implication iranienne est l'un des axes de la stratégie russe en Syrie, il semble au contraire que l'Iran tienne les cartes en main depuis le début. En réalité, tandis que les puissances occidentales s'étaient lancées dans la conquête de l'Orient dans la perspective d'une exploitation effrénée des hydrocarbures, l'Iran installait discrètement son échiquier géostratégique.
Et depuis des décennies, l'Iran tire patiemment les ficelles au sein de "son" territoire chiite en expansion. Certes les Empires coloniaux planifiaient de longue date les étapes successives du morcellement de l'Orient en territoires de plus en plus petits, États inclus dans les zones franco-britanniques respectives. Il est vrai aussi, les deux anciennes puissances coloniales qui représentaient le monde européen face à l'éternelle rivale du Proche-Orient avaient pu mettre à profit leurs énormes acquis stratégiques pour décerner au monde arabe le rôle de réservoir stratégique en hydrocarbure. Les Empires coloniaux, si bienveillants à l'égard des minorités vivant dans les futurs États arabes aux frontières définitivement tracées, y avaient favorisé la montée au pouvoir de dirigeants issus de ces franges de population autrefois marginalisées.
[...] Ainsi une confrontation entre la Russie et les États-Unis, latente depuis deux ans, pourrait précipiter le monde dans une guerre dévastatrice. La prise d'Abou Kemal, qui a permis à l'armée syrienne d'atteindre la frontière, avec l'aide des milices chiites se trouvant en Irak, permet déjà non seulement la liaison entre Téhéran, Bagdad, Damas et Beyrouth, mais menaçait en plus les ravitaillements, depuis la Jordanie, des FDS Forces Démocratiques syriennes voire des forces américaines présentes à Raqqa. Dès lors, le déclenchement de l'opération militaire syrienne contre Abu Kamal, dernier bastion de l'État islamique, aurait pu déboucher sur une confrontation militaire directe entre d'une part les forces américaines et les FDS, de l'autre les forces russes et leurs alliés. [...]
[...] L'option était sur la table, or l'administration américaine a choisi une tactique plus élaborée consistant à soutenir à tout prix "l'alliance arabo-kurde" du FDS. Dans les prochaines semaines, la Turquie est elle-même prise de court. Incapable d'attaquer les forces soutenues par les USA, peu enclin à se mettre la Russie à dos, Erdogan s'est contenté pour l'instant d'appeler Poutine pour lui demander de stopper l'offensive victorieuse de l'armée syrienne à Idleb, sanctuaire des derniers "rebelles" incluant les "modérés" anti-Assad alliés de la Turquie. [...]
[...] Les premiers visés étaient les pays les plus hostiles à l'hégémonie occidentale. C'est précisément dans ces États fragiles gérés par des pouvoirs issus de minorités locales, que la situation semblait la plus favorable à l'implosion dans un contexte favorisé par la promotion soudaine d'idéaux de liberté chers à la Révolution française. Dès 2010, des insurrections populaires sont soutenues par des leaders de la population majoritaire faisant défection à l'État - cas de la Syrie - ou par un groupe de tribus jusqu'alors dominés par une minorité ethnique - cas de la Libye - afin de revendiquer les idéaux de liberté démocratique préconisés par le monde libre puis de faire basculer ces pays dans l'insurrection généralisée, dans l'espoir que les puissances occidentales prolongent leurs discours par une intervention salutaire, et enfin subir les phases de fragmentation en suspens. [...]
[...] Guerres du Liban de l'Europe et de l'Est de 1840 à 1992. op. cit. p L'accord avait fait émerger l'Alaouistan, les petits territoires de Damas et d'Alep, un État sunnite et un État chrétien (NDLR) et en suspens, la question du Kurdistan syrien. Quelques mois plus tard, le pays druze était conçu (qui sera lui-même amputé de sa partie sud suite à suite de la Deuxième Guerre israélo-arabe). Dix ans plus tard, la province d'Alexandrette était arrachée d'Alep pour être annexée à la Turquie. [...]
[...] Selon Georges Corm, dès les années 1920 la France avait projeté de morceler la Syrie, tout comme les six autres États voisins, sur base confessionnelle par des accords élaborés en 1916 conjointement par le Britannique Sykes et le Français Picot, projet qui sera ensuite momentanément abandonné[2]. II. Printemps arabe et débuts de l'expansion iranienne À l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, la puissante Amérique avait ensuite hérité du dossier. Le processus de fragmentation, interrompu par les bruits de botte des années 1930, allait passer à la vitesse supérieure début XXIe, à la faveur de renversements de régimes initiés par le discours de G.W. Bush en 2004[3]. [...]
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