Pour en finir avec ces belles photographies ou cartes postales montrant des ouvriers du textile qui semblent heureux de travailler chez un patron si bon et tolérant, pour en finir avec ces lieux communs qui parlent des patrons du textile comme des bienfaiteurs, c'est à dire Laniel, Mommers ou autres Fournet. Du rôle économique capital qu'ils ont eu et des formidables fortunes qu'ils ont amassé, il est temps de parler de ces hommes, femmes et enfants, ouvriers du textile qui vivaient et souffraient en silence et pauvrement.
Il ne s'agit pas ici de faire du misérabilisme. Il s'agit uniquement de rappeler à notre mémoire que sur le millier d'enfants utilisés dans les manufactures du Calvados, plus de la moitié l'étaient dans l'arrondissement de Lisieux. Le chiffre est difficilement précis (le chiffre officiel est de 1047 enfants en 1857). Malheureusement, ce chiffre est bien au-dessous de la vérité : Il ne tient pas compte des centaines de fillettes qui travaillaient la dentelles, ni des enfants travaillant à domicile dans le textile et ni des rattacheurs, puisque ces enfants, bien que travaillant en usine, ils étaient payé par l'ouvrier dont ils dépendaient.
L'objet principal de cet article, dont le ton pourra surprendre, ne sera donc pas Monsieur Jean-Lambert Fournet mais essentiellement la condition ouvrière et le début du syndicalisme dans les manufactures de notre arrondissement. Le ton pourra surprendre, mais l'auteur n'est pas d'humeur.
Mais pour être complet, et puisque c'est lui qui a inspiré cet article, nous allons retracer succinctement la vie de ce manufacturier, ni plus ni moins réactionnaire et asservisseur que ses confrères. On constatera, avec amusement ou cynisme, que les préoccupations patronales n'ont guère évolué en 160 ans, en 1841 c'est la restriction à 48 heures pour le travail des enfants qui agace le patronat, en 2006 c'est les 35 heures.
[...] C'est ainsi qu'en 1867, le sous-préfet de Lisieux constate de façon autiste que : . les enfants ne sont nullement maltraités dans les ateliers, les maîtres ayant beaucoup d'égard pour eux ( ) [Les enfants sont victimes] de la négligence, la cupidité et surtout l'indigence des parents qui ont pour conséquences désastreuses, notamment lors du conseil de révision, sur l'état des jeunes conscrits Car, ce qui inquiète le sous-préfet, ce n'est pas tellement les accidents eux-mêmes, un enfant c'est comme une pièce de machine, quand sa casse, on la change, mais c'est l'incidence que cela a sur la capacité à son arrondissement de fournir à l'Etat son quota de chair à canon. [...]
[...] Tout ouvrier voyageant sans livret est réputé vagabond et condamné comme tel. Il sera aboli en 1890. L'ouvrier du textile lexovien, et des villes alentour, reste frileux devant l'engagement et la responsabilité syndicale. Il a peur de l'engagement quand il n'est pas directement concerné. D'ici à dire que rien n'ait changé L'effondrement de l'industrie textile à Lisieux et la perte de plus de la moitié de ses effectifs en une dizaine d'années en sont probablement l'explication. Si certains oublient que la peur n'évite pas le danger, d'autres gardent l'esprit syndical, même s'il n'est pas voyant. [...]
[...] Le salaire d'un ouvrier du textile parvient tout juste à le nourrir, lui et sa famille. Une période de chômage, une maladie, la grossesse de la compagne ou un accident peut bouleverser à chaque instant cet équilibre financier précaire. En 1847 la période est idéale économiquement et politiquement pour les manufacturiers. François Guizot, ancien député de la circonscription de Lisieux - Pont-l'Évêque devient chef du gouvernement et sa politique est très favorable à la bourgeoisie alors que les familles d'ouvriers tisserands vivent de plus en plus de privations avec résignation. [...]
[...] Le sous-préfet parvient, après des palabres houleuses, à convaincre les ouvriers de reprendre le travail pour le liquidateur . C'est, selon le sous-préfet, le seul moyen qu'ils ont pour toucher l'arriéré des salaires. Aucune poursuite ne sera engagée. Le calme avant tous. En 1858, le Préfet du Calvados envisage, face au socialisme qui menace, selon lui, la religion, la morale, la raison et la classe aisée, de mettre en place une compression et une force brutale qui seules peuvent mettre le péril rouge à terre Le sous-préfet de Lisieux, lui se montre imperturbable et pense que la menace est, dans son arrondissement, pas réellement plausible : Si nos ouvriers sont généralement rouges, ils ne le sont pas cependant avec enthousiasme comme la plupart des grandes villes industrielles. [...]
[...] Un manufacturier est en litige avec ses ouvriers. Il est poursuivi un jour dans les rues de la ville par certains de ses ouvriers et trouve son salut en se réfugiant dans une maison. Les ouvriers brisent les vitres et font le siège. Le sous-préfet parvient à ramener le calme après une conciliation entre lui et huit représentants des ouvriers. Alors que l'affaire semble oubliée, les ouvriers apprennent trois jours plus tard l'arrestation de leurs 8 camarades qui avaient négocié avec le sous-préfet. [...]
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