Le 18 mars 1962, lorsque les accords d'Evian sont signés, le général de Gaulle entend tourner la « page coloniale » pour promouvoir l'image d'une France nouvelle, leader du Tiers-monde à l'image des discours de Mexico et de Phnom Penh en 1966.
Mais quatre décennies plus tard, une loi dite « mémorielle » fait resurgir la question au sein des débats politiques : la loi du 23 février 2005. Si cette loi a été approuvée, il n'en reste pas moins que le président de la République Jacques Chirac a dû désavouer sa majorité - près d'un an plus tard - en abrogeant son article 4 (...)
[...] On a donc eu un véritable consensus politique pour oublier ce passé. C'est la raison pour laquelle ce n'est qu'en juin 1999 que la France reconnaît avoir été en guerre contre l'Algérie. Face à cette attitude, l'on est en présence d'une importante partie de la population d'origine algérienne pour qui, jusqu'à présent, la guerre de libération a fondé et légitimé l'existence de la nation algérienne. Ainsi, comme le souligne l'historien Benjamin Stora dans La Gangrène et l'oubli , lorsque l'histoire n'est pas unanimement partagée, chacun s'impose en acteur de l'histoire, cherchant à faire reconnaître ses souffrances oubliées voire ignorées. [...]
[...] De plus, ce même désir les a incités à demander que leurs souffrances passées soit officiellement reconnues. Il faut noter que cette population représente aujourd'hui entre 7 et 8 millions de personnes d'après les dernières données de l'INSEE, soit deux fois plus que dans les années 1980. C'est ce qui explique en partie le retentissement croissant de leurs revendications. Au-delà de ces données, ce qu'il est important d'observer, ce sont les conséquences induites par ces revendications eu égard au modèle républicain. [...]
[...] On remarque ainsi que, pour sortir de la guerre des mémoires, l'État tente d'intégrer les différentes mémoires à l'histoire de la République. Il s'agit d'une démarche dont l'intention est bien fondée mais elle apparaît contestable et contestée à bien des égards. Cette contestation provient surtout du monde enseignant, professeurs d'histoire en première ligne. Ces derniers, à l'image de Gérard Noiriel, reprochent à l'État de déformer l'histoire, violant ainsi la neutralité dont se réclament les historiens. Ils reprochent surtout à l'État d'ordonner une façon de transmettre l'histoire. [...]
[...] Aux origines de la guerre des mémoires. Il s'agit d'étudier ici la manière dont le nouveau visage de la société française ainsi que le passé colonial de la France ont contribué à engendrer cette guerre. A. Une société plurielle Comme le rappelle l'historien Pascal Blanchard dans son œuvre majeure De l'indigène à l'immigré, la France a accueilli des immigrés par vagues successives. La particularité des dernières vagues d'immigration réside dans le fait que les immigrés sont massivement venus des colonies. [...]
[...] Surtout, il tend à montrer que le discours officiel ignore le nouveau visage de la société française, dont plusieurs millions de membres sont issus des colonies et en constituent les traits. En effet, ces derniers manifestent, par des voies diverses, leur désir de faire reconnaître officiellement leurs mémoires et souffrances oubliées ou ignorées, afin de s'intégrer dans la société. Les mémoires étant multiples, ce phénomène prend l'allure d'une véritable guerre des mémoires caractérisée par leur mise en concurrence. Ainsi, pourquoi cette guerre des mémoires surgit-elle aujourd'hui? Comment se manifeste-t-elle? [...]
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