Les années 1940-1944 continuent de hanter la conscience des français : années de honte et de gloire entrecroisées, synonymes de sacrifices, de larmes et de sang pour les uns, et de lâche soulagement et d'égoïsme recroquevillé pour les autres. Une fracture semble s'être installée en France entre ceux qui refusent l'humiliation et poursuivent la lutte, armée ou non, contre la barbarie totalitaire, et ceux qui s'accommodent de la défaite, et qui tentent d'exploiter les chances offertes par une victoire allemande qu'ils croient acquise. Or il convient de s'éloigner des clichés, qui tendraient à voir le résistant comme un jeune passionné, écoutant fébrilement la BBC et prenant les armes pour rejoindre le maquis ou encore la représentation caricaturale de l'imagerie populaire montrant le « collabo » moyen avec le béret basque bien planté sur l'oreille droite, un pain de marché noir sous le bras, Je suis partout dans la poche et faisant la queue devant une Kommandantur pour dénoncer son voisin. La Résistance ainsi que la Collaboration sont au contraire diverses, multiformes, ayant chacune des acteurs aux objectifs et agissements différents. On peut se demander, de l'un et de l'autre côté, quelles sont les exactes motivations des hommes, qui sont-ils, de quelles manières l'engagement dans la résistance et dans la collaboration se manifeste. Afin d'y répondre et en essayant de mettre en relief la chronologie des faits, on pourra s'interroger sur ce que « collaborer » et « résister » ont signifié, notamment par rapport aux différentes idéologies et conception de la France et de la guerre, puis en quoi ces deux termes recoupent chacun derrière eux des hommes aux motivations, aux intérêts et aux agissements différents et enfin on insistera sur des aspects parfois négligés de la Collaboration et de la Résistance, ainsi que sur l'attitude de la majorité des français durant cette période.
[...] La Collaboration s'organise dès l'année 1940 : elle a tout d'abord et avant tout revêtue la forme d'une collaboration d'Etat. Les Allemands attendaient seulement une simplification des tâches, le maintien de l'ordre et la remise en route de l'économie. Mais voilà, et c'est le drame de l'Occupation, Vichy n'a pas été une simple administration. Les Allemands n'ont jamais accordé une quelconque importance à l'aspect politique et n'ont pas discuté d'Etat à Etat. C'est le gouvernement de Vichy qui a recherché une négociation avec l'occupant. [...]
[...] Au niveau militaire, on voit certains militaires comme le général Weygand ou l'amiral Darlan, chef de la flotte, se résigner ou accepter la défaite, tandis que d'autres désirent agir comme le général de brigade de Gaulle, qui fait un acte de rébellion insurpassable : le refus d'obéir, en temps de guerre et face à un désastre, au gouvernement légal. Résister est donc au départ, en 1940, refuser l'humiliation de la défaite et de l'occupation. L'appel du 18 juin 1940 est en cela remarquable et donne à cette entreprise une grande puissance symbolique. Au niveau militaire et dans les premiers jours de l'armistice, l'attitude de beaucoup de gradés montre bien la difficulté de prendre des décisions, de choisir une attitude plutôt qu'une autre. Le cas du général Noguès, commandant général en Afrique du Nord en 1940 est assez significatif. [...]
[...] On peut donc bien voir que résister et collaborer implique des choix très différents, des l'annonce de la défaite française, entre ceux qui l'acceptent et ceux qui la refusent. En réalité, même si, on le verra ensuite, les partisans de la Résistance et de la Collaboration sont animés de motifs très différents, on peu malgré tout distinguer deux conceptions de la France qui s'opposent. La Résistance et la Collaboration ont été multiformes, diverses en leur seing mais relativement cohérentes malgré tout, et relèvent de deux conceptions de la France opposées. [...]
[...] On l'a vu plus haut, il convient de distinguer dans la troupe des collaborateurs des collaborationnistes. Ceux-ci, par sympathie pour le nazisme ou par idéologie ont lutté aux côtés des Allemands de manière conséquente. Parmi les plus connus on peut citer Jacques Doriot, Marcel Déat, Fernand de Brinon Ces collaborationnistes (qui viennent d'horizon politique différents, beaucoup sont issus des ligues des années trente, dont l'Action Française, qui a fourni des personnages comme Joseph Darnand, ou Lucien Rebatet) se sont organisés au sein de partis ou mouvements politiques, installés à Paris et autorisés à partir de 1941 par les Allemands, comme le Rassemblement National Populaire de Déat, Le Francisme de Marcel Bucard ou encore le Parti populaire français de Doriot. [...]
[...] De son côté, la Résistance est encore peu organisée en 1940. Charles de Gaulle, on le sait, terminait son appel du 18 juin 1940 par une profession de foi : Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas Cependant, cette résistance met du temps à se mettre en place. Le 15 décembre 1940 le groupe du musée de l'Homme sortait à Paris un des premiers journaux clandestins ; l'un de ses membres s'était rappelé l'inscription burinée par les huguenotes persécutées et emprisonnées à Aigues-Mortes : Résistez ; et optent finalement pour le titre Résistance On peut dire alors que les hommes de l'ombre et les hommes et femmes de l'ombre n'ont pas seulement inventé un mot mais ont surtout inventé façonné un système clandestin qui a sa spécificité dans l'Europe asservie ou vassalisée. [...]
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