Entre une haute bourgeoisie détentrice de pouvoir et de capitaux et le monde ouvrier, identifié par un type de travail, un mode de vie et une sociabilité, des catégories professionnelles et sociales s'intercalent de plus en plus au XIXe siècle que l'on désigne par le terme de « classes moyennes ». La sophistication grandissante de l'organisation économique et étatique, la poussée des activités tertiaires, ont fait surgir ces nouvelles catégories.
Les classes moyennes ne tiennent leur position sociale ni du capitalisme foncier ou mobilier, ni d'un travail matériel visible (vivent d'autres choses que de leurs "bras", de leur force au travail). Elles n'emploient donc pas ou peu les autres, ne bénéficient pas des dénominations prestigieuses de "patrons" ou "propriétaires". Elles ne travaillent pas à l'usine (dans les ateliers) même si leurs revenus sont parfois inférieurs à ceux des ouvriers qualifiés. Elles ne doivent leur position qu'à leur mérite, à leur accès à une instruction supérieure à la moyenne des classes populaires. On les appelle aussi les « cols blancs », opposée aux « cols bleus » de l'usine, on les désigne aussi par « petite bourgeoisie », opposée aux élites.
C'est finalement un ensemble flou et hétérogène, une catégorie « fourre-tout » du fait de la diversité des métiers et des conditions et niveaux de vie. On peut néanmoins saisir ces « classes moyennes » par leurs compétences ou « capacités » (les professions libérales et intellectuelles), les lieux du travail (la boutique et le bureau avec petits commerçants et employé-e-s de la vente et du bureau), les statuts (salariés du privé et fonctionnaires).
La première moitié du XIXe siècle se caractérise par la quasi-absence de classes moyennes : c'est la montée de l'urbanisation et de l'industrialisation qui va générer les classes moyennes lors de la seconde moitié du siècle. Les classes moyennes sont en effet des groupes typiquement urbains, habitent la ville, lieu de l'essor des activités tertiaires.
I) Le XIXe siècle : l'âge d'or des professions libérales.
A. Définition et recensement
Les capacités : le fait d'être capable, c'est-à-dire d'exercer des droits politiques (mais sans forcément les avoir). Progressivement, sont reconnus le savoir et le statut du médecin, de l'avocat, de l'ingénieur : on garantit la qualité de ces nouvelles professions par des niveaux d'études et des diplômes obligatoires pour exercer la profession. Ainsi, les capacités recouvrent ceux qui ont un diplôme universitaire et qui l'exploitent professionnellement (...)
[...] Mais pour le reste, on reste dans les milieux d'élites. Christophe Charle a montré que plus les professeurs d'Université étaient issus de milieux modestes, plus ils devaient innover, explorer de nouveaux domaines et élever le niveau d'exigences scientifiques. Un professeur d'université gagne 6 à 11.000 francs en province et de 12 à 15.000 francs à Paris. Et les ingénieurs : v. élites même si tous les ingénieurs ne sont pas de grands chefs d'entreprise. En fait, tant que les ingénieurs sont rares, ils sont le substitut du patron dans l'entreprise. [...]
[...] Ainsi, si les centres urbains concentrent les commerces de luxe, le commerce d'alimentation est réparti dans tous les quartiers ( 4.300 épiceries à Paris à la fin du siècle). Mais aussi : les salons de coiffure : à Paris en 1890, une dizaine de salons pour dames; en plus 1800 salons mixtes. Qui sont-ils ? - les épiciers : La mise de fonds pour l'épicerie est faible. On s'installe avec une dot, un héritage, un crédit de la famille ou des amis. [...]
[...] Les employé-e-s Jusqu'en 1880, le terme employé sert à désigner les serviteurs de l'État, comme dans le roman de Balzac, les Employés qui signifie en fait les fonctionnaires Ce groupe prend une importance croissante à partir des années 1880, du fait de la complexité progressive des tâches de gestion et de l'alourdissement des charges administratives. Ainsi, l'entreprise industrielle a besoin de plus en plus de comptables, de commis aux écritures, d'agents commerciaux et de secrétaires : Exemple au Creusot, on comptait 510 employés pour 8533 salariés en 1881 ( 5.8 en 1911, on passe à 11%. Mais développement aussi dans la banque, la finance, le commerce, les transports. [...]
[...] En fait, une grande confusion règne dans l'exercice de la médecine : pour les médecins issus de l'université, il est nécessaire de se démarquer des autres médecins, pharmaciens, charlatans et guérisseurs de toutes sortes, qui agissent dans les campagnes mais aussi dans les quartiers populaires des villes. Le nombre de médecins augmente fortement sous la Restauration. Vers 1850, l'idée de l'encombrement de la profession devient même un leitmotiv de la profession médicale. En fait, la clientèle solvable est bien inférieure aux potentialités de l'offre médicale. [...]
[...] Donc les employé-e-s des grands magasins : on est vraiment pas loin de la condition ouvrière. Les salaires sont médiocres, le sont encore plus à la fin du siècle : les trois quart des employés de Paris touchent un salaire inférieur à 1800 francs par an. Or, les employé-e-s des entreprises tertiaires sont relativement peu syndiqués par rapport aux ouvriers. L'organisation corporative est très tardive : syndicat des employés et du commerce et de l'industrie en 1887, à partir de 1890 pour les coiffeurs. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture