Oscillant toujours entre deux grands courants d'interprétations considérant d'un côté Hitler comme un pantin, lui accordant, de l'autre, un dirigisme absolu, les approches historiques du nazisme (ou du moins les plus célèbres) ne se distinguent généralement pas par leur originalité.
Cependant, partant du concept wébérien de « domination charismatique », Ian Kershaw tente, dans Hitler, essai sur le charisme en politique, de comprendre comment et pourquoi Hitler, artiste raté que rien ne prédestinait à un tel avenir, en est-il venu à « présider aux destinées de l'une des nations les plus avancées économiquement et culturellement », en d'autres termes, « comment Hitler a-t-il été possible ? ».
Loin d'accorder à la personnalité même de Hitler une prééminence qui expliquerait tout, Kershaw, britannique médiéviste de formation aujourd'hui professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Sheffield, part toutefois du postulat que celui-ci joua un rôle décisif dans l'histoire allemande de 1933 à 1945 et tente d'expliquer comment il put passer d'un quasi-anonymat à l'exercice d'un pouvoir particulier, d'une « domination charismatique » qui allait changer la face du monde.
Pour Max Weber, le pouvoir est « la chance pour un individu de faire triompher au sein d'une relation sociale sa propre volonté contre des résistances » ; on verra qu'en ce sens, Hitler disposa des pleins pouvoirs avant son accès à la chancellerie le 30 janvier 1933 et jusqu' à son suicide le 30 avril 1945.
La source de ce pouvoir fut, selon Ian Kershaw, l'exercice d'une domination charismatique s'exerçant à tous les niveaux de sa vie sociale. En effet, la domination définie par Weber comme « la chance pour un ordre de rencontrer une obéissance prompte, automatique et stéréotypée chez un groupe déterminé d'individus », peut s'exercer sous une forme dite « charismatique », reposant sur les qualités spécifiques qu'un groupe prête à un « chef » proclamé, qui s'investit d'une mission.
L'auteur ne se contente pas de conter la vie ou la « non-vie » de Hitler. Il entrecroise les éléments biographiques et sociaux afin de montrer en quoi ce type de domination « peut éclairer aussi bien les sources que la nature de son pouvoir ».
Afin de bien cerner l'approche de Kershaw, nous nous sommes reportés à un article de Jean Joana : « Les usages de la méthode biographique en sciences sociales » (Pôle Sud, Revue de Science Politique, n° spécial, Biographies et politique, n°1, 1994). La méthode biographique ne peut se concevoir comme le simple récit d'une vie. Son but est de lire une société à travers un parcours individuel ; c'est, comme le dit JC Passeron « faire l'individuation d'un individu ».
Kershaw adopte donc cette démarche, et repère ce qui dans l'Allemagne de l'après première guerre mondiale permit à Hitler de devenir ce qu'il fut. Etudier Hitler, c'est mettre à jour les interactions entre l'individu et son époque, la société, les avatars politiques et économiques de la période et la culture propre à une nation aussi particulière que l'Allemagne.
Des prémisses de la domination charismatique à son épilogue, l'étude de la personnalité sociale d'Hitler se partage, comme le fit Kershaw dans sa biographie, entre Hubris et Némésis, c'est-à-dire soif de pouvoir et destruction totale.
[...] Mais ses talents d'orateur peuvent au moins contribuer à éclairer, outre les conditions précédentes, le fait que son entourage d'abord, puis la majorité de la population allemande ensuite, vit en lui le dirigeant dont l'Allemagne avait besoin et commença à nourrir une foi quasi religieuse dans cet homme providentiel Il répondit alors aux espérances d'un peuple en détresse. Toujours très précautionneux, Ian Kershaw rappelle aussi l'existence d'un consensus latent exploitable par le slogan nazi de communauté nationale sur lequel Hitler su appuyer ses discours avant et pendant l'exercice de son pouvoir légal. B. L'hubris ou la volonté de puissance démesurée 1. Au bon endroit au bon moment ? [...]
[...] En limitant l'étude à la domination charismatique tout en voulant englober toute la complexité des rapports sociaux, c'était un risque que l'auteur aurait pu prévoir, mais il n'en fit rien. B. Un déclin prévisible : la némésis ou la destruction totale 1. Une autorité éphémère : (La perte d'autorité du Führer) On peut dater le début du déclin de l'autorité charismatique d'Hitler à la défaite de Stalingrad au début février 1943. L'institution mise en place par Hitler, socle de sa domination, s'effondre. [...]
[...] La source de ce pouvoir fut, selon Ian Kershaw, l'exercice d'une domination charismatique s'exerçant à tous les niveaux de sa vie sociale. En effet, la domination définie par Weber comme la chance pour un ordre de rencontrer une obéissance prompte, automatique et stéréotypée chez un groupe déterminé d'individus peut s'exercer sous une forme dite charismatique reposant sur les qualités spécifiques qu'un groupe prête à un chef proclamé, qui s'investit d'une mission. L'auteur ne se contente pas de conter la vie ou la non-vie de Hitler. [...]
[...] Or, n'est-ce pas cette première défaite militaire qui marque, selon Kershaw, le début de déclin du charisme hitlérien, celui-ci étant en partie basé sur des succès militaires ? Cette attitude illustre bien à la fois le début de déclin de son charisme et surtout le côté suicidaire du régime nazi. Hitler aurait pu, à lui tout seul provoquer le début de sa chute et avec lui de toute la société allemande. Bibliographie - Ian KERSHAW, Hitler, 1889-1936 : Hubris, Paris, Flammarion - Ian KERSHAW, Hitler, 1936-1945 : Némésis, Paris, Flammarion - Ian KERSHAW, Hitler, essai sur le charisme en politique, Paris, Gallimard - Jean JOANA, Les usages de la méthode biographique en sciences sociales Pôle Sud, Revue de Science Politique, spécial, Biographies et politique, 1994. [...]
[...] Cette démarche s'avère ambitieuse car elle revient à cerner un fait social total. Défaut d'historien ou aveuglement dû à l'originalité d'une telle approche, elle a pour conséquence de reléguer les horreurs du régime nazi au rang de signe distinctif et d'en disculper pour ainsi dire Hitler. La politique hitlérienne étant fondée sur le devoir d'allégeance, chacun s'efforça d'aller au devant des désirs du chef et donc d'orchestrer ses envies avant même leur formulation. Ce qui accéléra peut-être le processus d'extermination des Juifs. [...]
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