Tout commence en 1808, lorsque Napoléon Bonaparte envahit l'Espagne. Le roi Charles IV abdique pour son fils Ferdinand VII qui est à son tour contraint, par Napoléon, d'abdiquer pour être remplacé par Joseph Bonaparte, laissant les colonies d'Amérique latine livrées à elles-mêmes. L'assise de la monarchie espagnole est nettement moins forte voire inexistante, et se développent ainsi des pensées libérales tendant à l'indépendance des provinces d'Amérique latine, pensées en partie inspirées par les grands principes qui ont alimentés les révolutions française et américaine. Ces idées novatrices sont essentiellement le fruit de grands penseurs hispano-américains, qui devinrent les principaux acteurs de l'indépendance, tels Simon Bolivar, José de San Martin ou Antonio José de Sucre.
C'est sur cette base que vont se dérouler les guerres d'indépendance en Amérique latine de 1810 à 1830, pour déboucher sur la création d'Etats libéraux indépendants. Le processus d'indépendance n'a pas été exactement le même dans tous les Etats d'Amérique latine, chacun ayant ses propres particularités. Il n'en demeure pas moins que ce long processus a conduit à créer le même type d'Etat sur tout le continent : des organisations politiques instrumentalisées par les Créoles dans le but de préserver leur domination sur les Indiens et les Noirs.
En effet, la volonté des créoles de conquérir l'indépendance a été la conséquence soit d'une diminution du pouvoir espagnol (du au recul de l'influence monarchique avec la chute du Roi d'Espagne) faisant craindre une possible révolution des populations opprimées (ce qui s'est passé au Mexique), pouvant ainsi les faire accéder au pouvoir et donc renverser le rapport de force existant entre créoles et indigènes ; soit d'une complaisance de la monarchie pour les basses populations (nouveau code des esclaves, brevet de blancheur, instruction du peuple), conduisant les Créoles à vouloir renverser le pouvoir espagnol pour mieux garder leur domination (c'est le cas du Venezuela).
Ainsi se sont construits au 19e siècle en Amérique latine des Etats d'inspiration libérale assez particuliers dont il parait intéressant d'étudier les caractéristiques de manière précise.
De fait, il convient de se pencher sur la manière dont ces nouveaux Etats, affaiblis par les guerres d'indépendance, ont réussi à asseoir leur légitimité somme toute peu évidente (I), tout en restant l'instrument d'une domination oligarchique, n'étant rien de plus que le reflet de l'ancienne société coloniale (II).
[...] Certains Etats, comme le Chili, l'Argentine, le Venezuela ou la Bolivie avaient en partie aboli l'esclavage assez tôt, durant la guerre d'indépendance (même si la liberté n'était accordée qu'en échange d'un enrôlement dans l'armée), mais il aura fallu attendre le milieu du XIXe siècle pour que cette abolition soit effective au Pérou (1851), en Argentine (1853), au Venezuela (1854) ou au Brésil (abolition en 1888). En effet, les Créoles avaient besoin d'une main- d'œuvre leur permettant d'exploiter les richesses présentes dans les champs ou les mines d'argent. Il leur fallait donc une main-d'œuvre servile, ce qui ne leur permettait pas de rendre l'égalité effective. En 1846 éclate une guerre entre le Mexique et les Etats-Unis, qui se traduit par la perte de près de 50% du territoire mexicain. [...]
[...] Les révolutions américaines et françaises inspirent très largement les libéraux. Aussi, pour conquérir l'indépendance des Etats d'Amérique latine, les Créoles ont du faire appel à l'aide des Noirs et autres Indiens, aide obtenue grâce à certaines promesses d'aspect libéral. C'est ainsi que les Créoles n'hésitèrent pas à promettre l'abolition de l'esclavage pour les Noirs, la liberté, l'égalité des droits, la fin des servitudes et des tributs pour les Indiens, autant de principes issus de la logique bolivarienne (courant de pensée libéral inspiré par Simon Bolivar). [...]
[...] La construction d'une identité nationale unificatrice Afin de légitimer l'existence des ces Etats nouveaux, on veut unifier la population en créant la nation : c'est l'association contractuelle d'individus libres et égaux vivants sous les lois qu'ils se sont volontairement données Cependant, cela n'est que purement théorique car les indépendances ne modifient pas la structure interne du pouvoir mais cela parait néanmoins séduisant. Les grandes figures militaires permettent de rassembler les individus autour d'une même nation. En 1811, les patriotes reprennent la déclaration d'indépendance américaine qu'ils traduisent mot à mot et proclament ainsi l'indépendance du Venezuela. L'armée est celle qui a permis cette liberté, on fait des militaires des héros avec l'exemple de Simon Bolivar qui libère le Venezuela. [...]
[...] Partout, se produisent des insurrections de ce type. Elles sont appelées guerres de couleur Ces révolutions indiennes se poursuivront jusqu'en 1920 Les Créoles avaient donc en quelque sorte maquillé une illusion libérale afin de pouvoir bâtir des Etats à leur propre convenance, négligeant ainsi la véritable population et monopolisant le pouvoir dans leurs seules mains. Le pouvoir étatique aux mains d'une élite L'inégalité de fait produite par l'instauration de ces Etats faussement libéraux a inévitablement conduit à la mise en place d'une véritable oligarchie Créole, écartant littéralement toutes les autres populations, qu'elles soient Noires, Indiennes, métis ou mulâtres, du pouvoir. [...]
[...] Aussi, on peut se demander, comme l'a fait John Lynch, si la volonté d'étouffer toute aspiration de promotion sociale chez les gouvernés n'a pas favorisé la pénétration étrangère en annulant toute possibilité de sursaut national contre la sujétion économique et politique Bibliographie Ouvrages - François Chevalier, L'Amérique latine : de l'indépendance à nos jours. Paris PUF Nouvelle Clio Nouvelle édition - Bertrand Michel, Marin Richard Ecrire l'histoire de l'Amérique latine : XIXe-XXe siècle, Paris, CNRS Ed. - Lynch John, L'indépendance de l'Amérique espagnole (1808-1826) in Revue L'Histoire, 32, mars 1981, p. 48-49 - Revue L'Histoire, 322, juillet 2007, (dossier spéciale Amérique latine), p. [...]
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