Durant la guerre de 14-18, plus de huit millions de Français furent mobilisés ; quatre millions furent envoyés au combat et environ un tiers mourut le long des 800 kilomètres de front dévasté. Ces hommes, qu'on appelle les Poilus, vivaient dans la boue ou la poussière, rongée par les poux et les rats. Bruit des combats, odeurs de putréfaction, souffrance et blessures, expérience de la mort, celle des copains, la leur bien trop proche, malgré tout cela ils devaient tenir bon. Ainsi fut, pendant des années, le cadre de la vie quotidienne des tranchées. Durant cette tragédie, des hommes de tout âge et de toutes conditions pataugeaient dans la même boue. Il y avait au sein de ces soldats des tranchées, une grande diversité des origines, ainsi qu'une diversité des conditions d'existence au feu : les embusqués de l'Arrière ne subissaient pas les mêmes difficultés que les soldats de premières lignes. Le ch'timi sans nouvelles des siens n'avaient pas les mêmes préoccupations que l'artiste de Montparnasse, mais pourtant tous deux vivaient la même expérience au sein des tranchées.
C'est dans le même esprit patriote et la même hostilité voire la haine de l'ennemi qu'ils survivaient ; ces soldats, loin de toutes civilisations, loin de toutes sociétés ont tenu dans la fraternité du groupe avec lequel ils combattaient, vivaient, mourraient. La transposition des situations, le cadre de vie similaire, l'uniforme unique permettaient d'amortir le choc dus aux origines sociales et géographiques différentes voire totalement opposées de ces hommes qui étaient avant-tout des soldats.
Le brassage obligatoire des soldats a fait naître dès l'hiver 1914, une espèce nouvelle, « l'homme des tranchées », qui même après son retour à la vie civile, restera mutilé physiquement et/ou psychologiquement.
Nous verrons dans une première partie, la vie quotidienne des soldats dans les tranchées (diversité des origines des soldats, rôles différents, inégalité face à la guerre) ; puis nous aborderons le brassage social de ces soldats (conditions de vie, fraternité et nivellement des classes, une nouvelle espèce : l'homme des tranchées) ; et enfin en dernier point, nous analyserons le retour à la réalité de la vie civile (rejet de la société, arrière et permission, les anciens combattants).
[...] La part du danger, le risque de mort augmente ou diminue suivant l'affectation. L'artilleur tire (rite quotidien à heure fixe), puis quitte son emplacement pour aller dans un abri car il est repérable sinon, et surtout pour échapper aux représailles sur les tranchées et sur l'abri. Les conditions de vie varient donc selon le métier ; c'est le cas pour le fantassin selon son grade et son emploi. Il y a une différence aussi entre les grades, entre un officier, un sous-officier, un caporal et un soldat. [...]
[...] Le brassage est un mot qui s'utilise avant tout pour parler de la bière : mélange du malt et de l'eau pour l'obtention du moût dans la fabrication de la bière. Dans un sens plus général, c'est tout simplement l'action de brasser, dans le sens de mélanger. Ici on l'emploie, à mon avis, dans le même sens que le brassage des cultures. C'est donc le mélange réalisé à partir d'éléments disparates, le fait de mélanger de grands groupes de personnes en atténuant leurs différences. [...]
[...] Il y a un sentiment général de nécessité et une accoutumance au pire persiste : fatalisme et même indifférence, insensibilité et parfois irréalité, face à la guerre et la mort. La raison de la guerre est oubliée, les soldats se battent par nécessité, discipline. On peut observer une disparition du patriotisme enjoué chez les soldats qui marquent un premier décalage avec les civils de l'arrière, que la fierté fait tenir. Les soldats ont aussi conscience d'être une classe fermée, un monde à part. [...]
[...] Ce système des anciens combattants est essentiel pour le prolongement de l'impact de la guerre et en même temps on ressent un reproche vis-à-vis du gouvernement (A. PROST les appelle les rouspéteurs Les anciens combattants dénoncent les partis, opposent leur silence au bavardage des élus et soulignent leurs vertus face à la corruption des élus. En même temps, la solidarité du souvenir leur permet de se retrouver. Bien que le brassage social fut nécessaire durant la guerre, cette image de l'homme des tranchées, au-delà des origines et des classes sociales, disparue très vite au retour à la vie normale et à la vie en société. [...]
[...] D'après certaines études (dont celles des docteurs Huot et Voivenel[2]), les trois quarts des combattants sont des paysans. Sur les restant sont des employés et des petits industriels et le reste (environ 5 est représenté par les gros industriels, les fonctionnaires, les professions libérales et les intellectuels. Il est intéressant de noter que ces sont souvent des officiers ou des sous-officiers. La diversité géographique : le recrutement se fait selon la géographie. Les unités sont typées selon les provinces, puis le brassage national s'effectue au sein des tranchées. [...]
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