Historiquement, les bourgeois furent d'abord les habitants des villes qui avaient obtenu des privilèges et des libertés au sein du système féodal. Ensuite certains s'imposèrent à la Monarchie en étant légistes ou administrateurs, et dans le pays grâce à leurs activités économiques et financières, puis en participant au mouvement de la pensée et des arts. L'époque des lumières, à Paris comme en province, coïncide avec l'affirmation d'une catégorie de notables cultivés qui préfigure une hiérarchie sociale dégagée des critères de la société d'ordre. Au lendemain de la Révolution et tout au long du XIXe siècle, la bourgeoisie s'affirme, palier par palier, comme la classe triomphante.
Pour ce qui est de la délimitation temporelle de notre étude nous nous reporterons à Jean Lhomme qui, dans son ouvrage, propose, de manière pertinente il nous semble, la période allant de 1830 à 1880. Présentée comme porteuse des valeurs de la Révolution, dont la mission était de former l'avant-garde de l'ensemble du peuple, la bourgeoisie au cours du XIXe siècle monopolisa tous les rouages du pouvoir – ou quand une domination de classe se substitue à une ancestrale domination de castes. Sous quelle forme cette suprématie s'est-elle présentée tout au long de cette période ? Nous tenterons d'exposer les diverses formes de domination de la grande bourgeoisie.
[...] Cependant, à partir de 1848, et la revendication du droit au travail, les conservateurs et les libéraux prennent conscience de la demande d'Etat toujours croissante du prolétariat. Problème masqué jusque-là, par la répression que subissait le monde ouvrier, tels les mutuellistes de Lyon dont la grève en février 1834 devait conduire à une répression féroce des mobilisations, essentiellement ouvrières, dans l'ensemble du pays. En avril 1834 on compta plus de 300 morts et 600 blessés à Lyon, plusieurs dizaines de morts à Paris ; arrestations, dont la moitié à Paris, plus de inculpations. [...]
[...] Bref, tout un mythe de la fluidité sociale de la bourgeoisie s'offrit comme preuve de l'égalité et comme justification du système politique et social de la Monarchie censitaire. Guizot l'exprimait parfaitement dans cette phrase qui lui est attribuée : Enrichissez-vous par le travail et par l'épargne et vous deviendrez électeur La presse bourgeoise se fit l'écho de cet habile discours de contournement du problème. Ainsi en 1847, cet article dans le Journal des Débats : Il n'y a pas de classe en France dans le sens rigoureux du mot. La bourgeoisie n'est pas une classe, c'est une position ; on acquiert cette position, on la perd. [...]
[...] THOMAS, Jean-Louis, Jean-François Cail, un acteur majeur de la première révolution industrielle, l'Association CAIL DAUMARD, Adeline, Les bourgeois et la bourgeoisie en France depuis 1815, Champs, Flammarion p.138. DAUMARD, op. cit. p En s'appuyant sur les observations des syndics de faillite. LHOMME, op. cit. MORAZÉ, Charles, Les bourgeois conquérants, Armand Colin Selon l'expression du sociologue Raymond Bourdon. [...]
[...] Tout au long du XIXe siècle, la bourgeoisie eut une vision toute relative du rôle de l'Etat. Pour reprendre Charles Morazé[9] : La bourgeoisie française de 1830 fait bloc pour réclamer l'aide de l'Etat à son profit au nom de la Nation et pour refuser cette aide aux ouvriers au nom de la Liberté. Aux thèmes de la liberté, de l'individualisme, de la non-intervention de l'Etat dans les affaires économiques constituant l'alpha et l'oméga du discours libéral et offrant, en principe, à chaque citoyen l'égalité des chances devant la réussite, la législation économique du XIXe siècle offre un cinglant démenti. [...]
[...] Sous quelle forme cette suprématie s'est-elle présentée tout au long de cette période ? Nous tenterons d'exposer les diverses formes de domination de la grande bourgeoisie. Tout d'abord, son décisif pouvoir économique moteur de la révolution industrielle, ensuite son pouvoir politique fruit et consolidateur du premier. Enfin, nous tâcherons d'évoquer son pouvoir social ; un pouvoir multiforme qui lui permit, entre autres, de perpétuer son pouvoir politique, malgré sa faiblesse numérique, après l'avènement du suffrage universel (masculin). Au commencement était l'argent. [...]
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