La mémoire collective associe aujourd'hui Winston Churchill à la victoire alliée en 1945, le rangeant parmi ces héros de guerre à qui il convient de rendre hommage : elle ne se trompe pas! Elle ne se trompe pas et pourtant elle ne rend pas compte de toute la complexité du personnage : la personnalité du héros de la seconde guerre mondiale ne se saisit qu'en étudiant le Churchill d'avant guerre.
Petit fils de l'illustre Duc de Malborough, Winston Churchill est l'une de ses âmes bien nées, l'un de ses enfant de l'aristocratie anglaise à qui toutes les portes militaires et politiques seront ouvertes. Il ne demande rien et pourtant il reçoit tout. L'avenir s'annonce donc doré et prometteur pour le jeune Winston.
Mais il en est autrement de l'Angleterre car si la naissance de Churchill a coïncidé avec "l'apogée de l'ère victorienne", sa jeunesse va au contraire avoir pour cadre le lent déclin de la Grande Bretagne. Ce déclin, Churchill s'en inquiète et c'est précisément cette inquiétude, cette crainte qui vont faire du jeune aristocrate comblé un patriote ardent, un combattant doué d'une énergie sans borne que la seconde guerre mondiale viendra consacrer et que l'histoire retient aujourd'hui.
Il est en effet d'usage de distinguer deux phases dans la vie de Churchill, celle du politicien d'envergure nationale avant 40, celle du mythe d'envergure mondiale après 40. Cette distinction, sans conteste pertinente, ne souligne néanmoins pas assez la continuité des principes et de l'énergie qui animent Churchill. Car distinguer l'homme du désastre des Dardanelles et le stratège avisé, le réactionnaire rétrograde et le visionnaire impulsif, le vieil impérialiste anachronique et le sauveur de son pays et de la liberté du monde, c'est suggérer une métamorphose de Churchill en 1940 alors qu'en réalité, seuls les faits ont changé : cet homme exceptionnel rencontrant alors enfin des circonstances à sa mesure.
C'est donc précisément sur cette permanence que nous avons voulu mettre l'accent en présentant dans un premier temps l'homme politique imprégné de l'Angleterre Victorienne, avant d'exposer dans un second temps le grand chef de la résistance et de la victoire alliée.
Au cours de cet exposé, nous ne distinguerons donc pas deux Churchill mais deux Angleterre, l'une qui lui a permis d'accéder à une renommée nationale, la seconde, en pleine guerre, qui lui a donné un destin mondial.
[...] Mais dans un pays décidé à maintenir la paix coûte que coûte, ses prophéties retentissent dans le vide Cette traversée du désert va durer jusqu'au jour où se produit in extremis un réveil des énergies dans le pays, après Munich en 1939 : la voix solitaire a vu ses prophéties réalisées. Il s'opère alors un complet renversement en sa faveur : ainsi, lorsque l'Angleterre se cherche un chef de guerre, c'est nécessairement vers Churchill qu'elle se tourne. Le 10 mai 1940, celui-ci est nommé Premier Ministre. [...]
[...] En 1921, face à l'affaire irlandaise qui fait perdre à l'Angleterre son autorité auprès des puissances étrangères qui la jugent paralysée par cette question qui tourne à la guerre civile, Churchill fait montre d'un grand pragmatisme : il défend l'indépendance de l'Irlande Des erreurs sanctionnées La série des déceptions a commencé dés 1915, lorsque Churchill a suggéré une expédition franco-anglaise aux Dardanelles. L'opération est échec et donne lieu à de vives polémiques. Jugé responsable, Churchill est contraint à la démission. En 1924, il va à nouveau déchaîner les critiques contre lui en rétablissant l'étalon-or, mesure conforme à son orthodoxie financière mais qui aggrave encore la crise qui touche le pays. Sur le plan impérial, son opposition forcenée à toute libéralisation du régime de l'Inde démontre une irréductible fermeture à l'évolution des colonies vers l'autonomie. [...]
[...] - il a réussi à mettre en place un commandement unifié (il est ministre de la Défense et les trois ministres de la Guerre, de la Marine et de l'Air sont sous ses ordres), structure de commandement qui va se révéler très efficace Fort de ces atouts, Churchill remporte un important succès diplomatique en 1942-1943 lors du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord (Opération Torch, campagne de Sicile et d'Italie). A l'occasion de cette reprise de l'initiative stratégique par les alliés, Churchill a en effet fait prévaloir sa stratégie périphérique centrée sur la Méditerranée au détriment de la stratégie américaine orientée vers l'action transmanche. Et quand quelques mois plus tard, le front italien s'enlise, pragmatique et lucide, Churchill se rallie sans réserve au projet Overlord. Il y consacrera dés lors tous ses efforts, et ce, jusqu'à la victoire. Stratégiquement, Churchill a donc vu juste. [...]
[...] Dans l'aristocratie, on s'indigne contre Churchill, traître à ses origines. Churchill n'a pourtant pas abandonné ses valeurs comme le montre sa fermeté au ministère de l'intérieur 2 ans après. A cette occasion, il campe en effet un protecteur intransigeant de l'ordre public. Au-delà des apparences, Churchill est donc resté fidèle à sa préoccupation première –voire unique- : la grandeur de l'Empire. En effet, à ses yeux, la paix sociale et l'ordre sont les conditions nécessaires du rayonnement de l'Angleterre. B. [...]
[...] Cette distinction, sans conteste pertinente, ne souligne néanmoins pas assez la continuité des principes et de l'énergie qui animent Churchill. Car distinguer l'homme du désastre des Dardanelles et le stratège avisé, le réactionnaire rétrograde et le visionnaire impulsif, le vieil impérialiste anachronique et le sauveur de son pays et de la liberté du monde, c'est suggérer une métamorphose de Churchill en 1940 alors qu'en réalité, seuls les faits ont changé : cet homme exceptionnel rencontrant alors enfin des circonstances à sa mesure. [...]
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