A la Libération, la priorité donnée à la reconstruction du pays et l'exaltation de la France résistante relèguent le régime de Vichy dans l'ombre des « années noires ». C'est le temps des tabous. Pourtant, avec le temps, le souvenir de Vichy refait surface, suscitant polémiques et conflits de mémoire.
L'historien Henry Rousso a ainsi parlé du « passé qui ne passe pas ». Aujourd'hui, dans quelle mesure la France assume-t-elle son passé dans la Seconde Guerre mondiale ? Pour répondre, il convient d'étudier la France de la Libération, les années de troubles de la mémoire collective et les années de réveil des consciences (...)
[...] La journée du 8 mai devient fériée en 1953. Les cendres de Jean Moulin, qui devient le symbole de tous les héros de la Résistance, sont transférées au Panthéon (1964). Le cinéma glorifie l'action des résistants avec des films comme La Bataille du rail (1946) et L'Armée des ombres (1969). Par contre, les deux millions de prisonniers ne peuvent prétendre au prestige des poilus de la Première Guerre mondiale et se considèrent comme relativement oubliés par la mémoire collective, de même que les travailleurs du STO, sur qui pèse un soupçon de lâcheté, et qui réclament, en vain, un statut d'égalité avec les autres déportés. [...]
[...] Des collaborationnistes notoires sont fusillés, comme l'écrivain Brasillach ou le Secrétaire d'Etat De Brinon. Puis l'épuration s'atténue. Les verdicts deviennent plus cléments à mesure que le temps passe : ainsi, Xavier Vallat et Darquier de Pellepoix, anciens Secrétaires d'Etat à la question juive, échappent-ils à la peine de mort. Pour ne pas désorganiser l'appareil productif, l'épuration économique reste modérée : seul un petit nombre d'entreprises, comme Renault, sont sanctionnées pour leur attitude pendant la guerre. Et les lois d'amnistie de 1951 et 1953 libèrent la plupart des personnes encore détenues depuis la fin de la guerre. [...]
[...] Le traumatisme est également matériel. Les destructions touchent 25% des édifices des chemins de fer et 80% des ports, l'indice de la production industrielle a chuté de moitié par rapport à 1938, le déficit agricole est d'un tiers dans des produits de base (pain, lait, viande) : La population compte deux millions de sans foyer et reste soumise au rationnement jusqu'en 1949. Le traumatisme est enfin moral : La découverte de l'enfer concentrationnaire nazi, le retour des survivants, et l'utilisation de la bombe atomique provoquent un ébranlement des consciences, dont beaucoup d'intellectuels se font l'écho (Albert Camus dans Combat). [...]
[...] La mémoire du génocide est désormais constitutive de l'identité juive. Le silence sur l'antisémitisme de Vichy se rompt peu à peu mais les gouvernants refusent toujours de reconnaître une responsabilité officielle de l'Etat français, considérant que la République ne peut être tenue pour responsable des actes commis par le régime de Vichy. CONTRE LE NÉGATIONNISME , AU NOM DE LA VÉRITÉ ET DE LA MÉMOIRE . Ce silence officiel de l'Etat et la résurgence de l'extrême droite, incarnée par le Front national, donnent naissance au négationnisme qui, avec Robert Faurisson, nie la réalité des chambres à gaz. [...]
[...] En 1990, la loi Gayssot condamne tout propos négationniste. Les années 1990 voient la vérité s'imposer. En 1992, François Mitterrand assiste pour la première fois à la commémoration de la rafle du Vel'd'hiv'. En 1993, le 16 juillet devient journée nationale du souvenir des persécutions racistes et antisémites. Enfin, en 1995, Jacques Chirac reconnaît que la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français et par l'Etat français et que la France a une dette imprescriptible à l'égard des Juifs L'Eglise exprime sa repentance pour le silence d'une partie du clergé, la police demande pardon. [...]
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