Le roman de Zola intitulé La Terre (1887), qui se déroule dans la Beauce, dépeint une société rurale traversée par des conflits purement individuels autour de la terre (par opposition aux luttes sociales des mineurs dans Germinal). Pourtant, la Beauce est une région d'agriculture capitaliste où l'on trouve une minorité de gros exploitants et un très grand nombre de salariés agricoles.
Pourquoi les tensions sociales que pouvaient provoquer des rapports de production capitalistes n'ont-elles jamais débouché sur des conflits de grande envergure ? En effet :
- Les troubles révolutionnaires n'ont pas véritablement affecté la région.
- Les levées en masse sous le Premier Empire n'ont donné lieu qu'à de très rares cas de désertion. Plus généralement, il n'y a pas d'hostilité à l'égard de la conscription.
- Les paysans beaucerons paient sans contester l'impôt des 45 centimes sous la IIème République.
- Sous la IIIème République, le vote à gauche s'arrête au radicalisme.
- On n'observe aucune grève de salariés agricoles en Eure-et-Loir de 1890 à 1935.
- Cela s'explique par la présence d'une importante paysannerie parcellaire, à la fois salariée et propriétaire, qui a servi de réservoir de main d'œuvre aux grandes exploitations capitalistes et d'« amortisseur » social : il n'y a pas de conflits sociaux, car il n'y a pas de véritable prolétariat rural.
[...] On assiste à un cercle vertueux de la croissance, qui aboutit à un doublement des rendements en un demi- siècle. Ce sont bien les fermiers qui ont été les agents de ces transformations des méthodes de culture. Les sociétés d'agriculture dominée par des grands propriétaires n'ont qu'une audience très limitée, et l'action de l'Etat et des préfets est trop discontinue pour avoir joué un rôle important. Le premier comice de Chartres est organisé en 1836, à une date où les mutations agricoles sont déjà bien engagées. [...]
[...] L'importance de la paysannerie parcellaire Il n'y a pas de dépopulation rurale en Beauce. Le taux de natalité recule, mais reste cependant supérieur à la moyenne nationale. La baisse de la fécondité est sensible à partir de la fin du XIXème siècle, mais elle est surtout le fait des fermiers et des commerçants. Les salariés agricoles, en revanche, n'ont pas modifié leurs comportements démographiques. L'enfant, placé comme domestique dans les grandes fermes reste pour eux une source de revenu leur permettant d'améliorer leur condition. [...]
[...] Cette structure renvoie à la faiblesse de l'exploitation moyenne dans cette région : si l'exploitation est petite, la seule force du travail du couple et de leurs enfants suffit, s'il s'agit d'une grande ferme, on fait appel à des domestiques. L'espoir d'accéder à l'indépendance commande les rapports au sein de la famille. La femme joue un rôle important : au sein de la petite paysannerie, ses qualités domestiques et sa force de travail conditionnent aussi la réussite sociale, chez les fermiers, la dot de l'épouse fournit une bonne partie du capital d'exploitation. [...]
[...] ( Les ouvriers agricoles beaucerons ont préféré la terre à la lutte des classes écrit Jean-Claude Farcy. La rigidité globale des structures sociales et agraires (le partage du sol entre la petite et la grande culture n'évolue pas sensiblement) va de pair avec une certaine souplesse dans l'histoire personnelle des individus. La mobilité sociale intragénérationnelle (à l'échelle de l'individu) l'emporte sur la mobilité sociale intergénérationnelle (à l'échelle de l'individu et de ses descendants) : lorsque des salariés agricoles parviennent à devenir cultivateurs, leurs enfants doivent recommencer la trajectoire professionnelle de leur père, travailler comme domestiques pour pouvoir à leur tour accéder à la petite propriété. [...]
[...] ( L'agriculture beauceronne devenue plus intensive. Les rendements en blé progressent de plus d'un tiers de 1882 à 1892 (les récoltes en blé sont excellentes après les plantes sarclées). La petite exploitation s'est aussi adaptée au marché, en s'efforçant de suivre les innovations. L'organisation professionnelle La crise fait ressentir le besoin d'une meilleure organisation professionnelle. Jusque là, les seuls groupements professionnels étaient les comices agricoles, qui se donnent une mission de vulgarisation agricole, notamment en matière de mécanisation. Les notables propriétaires qui en étaient à l'origine sous la monarchie de Juillet cèdent la place aux fermiers sous le Second Empire : en 1860, Emile Lelong, un fermier de Maintenon, prend la succession d'un magistrat chartrain à la présidence du Comice de Chartres. [...]
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