L'Autriche-Hongrie, prison des peuples?

Résumé du document

L'Autriche-Hongrie est un Etat formé au lendemain des guerres napoléoniennes qui s'affirme comme une grande puissance dominant l'Europe centrale. Sa cohésion repose sur le principe de légitimité dynastique. Depuis 1526, la dynastie des Habsbourg, qui règne sur l'Autriche, hérite aussi des couronnes de Bohême et de Hongrie. A ces trois royaumes s'ajoutent la Galicie, conquise à la fin du XVIIIème siècle et les provinces italiennes, annexées suite au Congrès de Vienne en 1815. L'ensemble forme un Empire multinational et multiculturel peuplé de divers groupes qui partagent une langue, des coutumes, et une histoire propre. La population d'Autriche-Hongrie est donc subdivisée en plusieurs peuples, contraints par les mêmes lois et cohabitant sur le même territoire mais dont les liens avec la dynastie sont plus ou moins forts.
En 1848, le « printemps des peuples » secoue violemment l'édifice consolidé par le chancelier Metternich et montre que la cohésion de l'Empire est émoussée par l'affirmation du principe des nationalités. Ainsi, l'Autriche est présente au Parlement de Francfort qui s'est donné pour mission de réaliser l'unité allemande. Parallèlement, en Bohême, un Comité national organise un congrès panslave à Prague présidé par Palacky dont le but est d'obtenir l'égalité des droits avec les Allemands. Le royaume de Hongrie réclame l'indépendance : une armée nationale est levée et un Comité de défense national constitué avec Kossuth à sa tête. Les italiens se tournent quant à eux vers les tenants d'une Italie unifiée qui combattent contre l'occupant austro-hongrois derrière Victor – Emmanuel. Enfin, les nombreuses minorités du royaume de Hongrie revendiquent le droit à une autonomie culturelle et surtout l'égalité entre les peuples. Ces mouvements témoignent de la volonté des peuples d'affirmer leur identité et de leur désir de liberté. La difficulté à satisfaire les revendications est d'autant plus grande que la notion de peuple dans la mosaïque de l'Autriche Hongrie appelle une définition complexe. En effet, de nombreuses communautés historico-culturelles cohabitent mais beaucoup ne sont pas des entités ethniques attachées à un territoire précisément délimité. Cependant en 1914, l'Empire austro-hongrois n'a pas disparu malgré les revendications des peuples et le triomphe du principe de l'Etat- Nation dans la majeure partie de l'Europe.
L'Autriche Hongrie réussit-elle à satisfaire les appétits de liberté des peuples ou bien l'éclatement est-il contenu au prix de l'oppression de certains peuples ?
Face aux mouvements nationaux, l'Empire est contraint d'emprisonner les peuples dans un cadre rigide pour maintenir son unité et échoue à réformer les institutions du pays pour répondre aux attentes des peuples (I). A partir de 1867, l'Empire prend des dispositions favorables à l'épanouissement des nationalités dans le cadre de l'Empire avec le compromis Austro-hongrois (II). Toutefois les dispositions favorables à l'épanouissement des peuples génèrent la montée de sentiments nationaux qui soulignent les difficultés de cohabitation au sein d'un même Etat (III).

Extraits

[...] Des crises éclatent témoignant des difficultés croissantes de cohabitation des peuples dans le même Etat. Ainsi, en avril 1897, le comte polonais Badeni, alors premier ministre, publie des ordonnances sur les langues en Bohême qui provoquent un affrontement violent entre Tchèques et Allemands. La première institue l'égalité de l'allemand et du tchèque en Bohême et la seconde demande aux fonctionnaires de pouvoir justifier à partir du 1er juin 1901 de leur connaissance des deux langues. Or la plupart des allemands de Bohême ne connaissent pas le tchèque, ce qui signifie qu'à terme ils n'auront plus accès à la fonction publique. [...]

[...] La prison des peuples change de visage après le Compromis austro-hongrois de 1867. La sensation d'oppression ressentie par les peuples diffère selon leur localisation - en Autriche ou en Hongrie - et surtout selon leur capacité à s'affirmer face aux autres peuples. Dans la partie autrichienne, l'épanouissement des peuples va de pair avec la montée d'un sentiment nouveau d'emprisonnement. Certains peuples sont étouffés par le peuple qui domine géographiquement la région : c'est le cas des ruthènes qui sont polonisés en Galicie et des Slovènes qui subissent dans une moindre mesure une germanisation. [...]

[...] Mais l'analyse s'arrête en 1900, et reste trop factuelle, sans problématisation suffisante. L'angle d'attaque est plus celui de la modernisation économique que de la question des nationalités. BERENGER Jean, L'Autriche-Hongrie, Armand Colin, Paris Ce livre est entièrement consacré à la période et aux thèmes abordés dans la dissertation. Très (trop) détaillé. BERNARD Michel, L'Europe des nationalismes aux nations, Sedes, Paris Une partie entière du livre (60 pages) est consacrée aux peuples de l'Autriche-Hongrie. L'auteur s'attache à présenter les principales nationalités. [...]

[...] En 1903, Ernest Denis écrit dans La Bohême depuis la Montagne blanche. II La renaissance tchèque, vers le fédéralisme : Les crises violentes de ces dernières années ont produit dans l'Europe entière une impression pénible et il est devenu de mode de prévoir le morcellement prochain de la monarchie des Habsbourg Mais à chaque crise, l'Empire réussit toujours à trouver une solution qui lui permet de sauver son unité ce qui souligne la solidité des cadres qui maintiennent les peuples en son sein. [...]

[...] Ainsi, les Hongrois qui ont connu l'oppression sont à leur tour oppresseurs des nationalités. S'ils reconnaissent l'existence des peuples croate, roumain et slovaque, ils renient leur nationalité à l'image du comte Albert Apponyi qui déclare à Charles Benoist en 1897 : Il n'y a qu'une nationalité : tout ce qui est en Hongrie est hongrois. [ ] une nationalité croate, ou roumaine, ou slovaque, nous n'en connaissons pas, jamais nous n'en reconnaîtrons.» Or un peuple ne peut se sentir libre si sa culture n'est pas reconnue et si on lui impose une identité qui n'est pas la sienne. [...]