« Il semblerait, à première vue, bien au-delà des forces d'un seul historien de proposer, au cours de sa carrière de chercheur, des interprétations nouvelles ou originales de la Révolution française, du XIXe siècle, des causes de la Grande Guerre et du génocide des juifs pendant le deuxième conflit mondial. C'est pourtant ce qu'a réalisé Arno J. Mayer », nota Nicolas Offenstadt. Arno Mayer, un historien se proclamant « un dissident de gauche » est né au Luxembourg en 1926 et émigre aux Etats-Unis au moment de l'invasion allemande. Son œuvre est en effet indiscutablement originale dans sa pensée et sa volonté de dégager un nombre de tendances historiques homogènes. « La Persistance de l'Ancien régime » est très représentative de l'audace de la thèse mayerienne, dont le contenu il résuma de manière suivante : à la fin de XIXe siècle «les vieilles élites se sont-elles mises à réaffirmer et à resserrer leur emprise sur la société politique afin de mieux asseoir leur suprématie matérielle, sociale et culturelle. Leur action a exacerbé les tensions intérieures et internationales qui ont mené à la Grande Guerre, début de l'acte final de la dissolution de l'Ancien Régime en Europe.» La thèse d'Arno Mayer pose aujourd'hui un problème d'interprétation de la société du XIXe siècle et de son rôle dans l'avènement des crises internationales du XXe, s'inscrivant donc dans la méthode de remise en cause des postulats historiques selon la continuité, la rupture ou l'exception. L'interrogation de Mayer se porte à la fois sur les classes et leur influence relative, sur la situation économique, politique et le développement culturel, ainsi que sur l'importance de ces facteurs dans le cheminement vers la Grande Guerre, le tout réuni par l'esprit de l'Ancien Régime. On se demandera donc en quoi la thèse de Mayer se révèle-t-elle fiable : peut-on constater une persévérance des caractéristiques de l'Ancien Régime dont les conséquences débouchent sur la Grande Guerre? Il semblerait qu'un nombre de caractéristiques de l'Ancien Régime est effectivement maintenu, aussi bien sur le plan économique que socio-politique et culturel (I). Cependant, cette genèse est quelque part contestable : un nombre de développements progressistes et contestataires nous permet de réfuter les dires de Mayer. (II). Ainsi, ses conclusions sur la causalité de la Grande Guerre révèlent un bilan partagé : une importance indéniable des causes internes, notamment politiques, se conjugue avec les causes de nature diplomatique.
[...] Nous voyons donc que La persistance de l'Ancien Régime, originale dans sa thèse qui semble vraie dans une multitude de ces postulats, est insuffisante dans sa déconsidération des tendances générales de ce période et de dévaluation d'un nombre d'exceptions, malgré un exposé détaillé des particularités régionales. Ainsi, l'aboutissement de la logique de Mayer qui conduit à la causalité de la Grande Guerre porte sur un bilan partagé. III. Une guerre de Trente Ans de crise générale : une application discutée de la thèse de Mayer dans la causalité de la Grande Guerre A. [...]
[...] Arno Mayer La persistance de l'Ancien Régime La volonté de nombre remplaçait celle d'élite ; la liberté, l'égalité, la fraternité, anéantissaient l'ordre, la hiérarchie, la discipline. L'univers frappé de démence se retournait, pour ainsi dire, sur lui-même. Les moeurs nouvelles et les coutumes anciennes se heurtaient, de minute en minute augmentait le désordre où s'effondre notre vieille Europe Boni de Catellanne Il semblerait, à première vue, bien au-delà des forces d'un seul historien de proposer, au cours de sa carrière de chercheur, des interprétations nouvelles ou originales de la Révolution française, du XIXe siècle, des causes de la Grande Guerre et du génocide des juifs pendant le deuxième conflit mondial. [...]
[...] La thèse de Mayer ne peut donc pas être assimilé dans sa totalité sur le plan économique car ceci serait nier la croissance économique de XIXe et l'essor industriel. B. L'inévitable affaiblissement de l'Ancien Régime : une poussée libérale et démocratique Mayer nota, malgré le succès de certaines idées libérales, le capitalisme industriel n'a jamais constitué une force matérielle et sociale suffisante pour remettre durablement en cause l'Ancien Régime en faveur de l'ordre bourgeois libéral. Dans l'acceptation de sa thèse sur le plan politique, et en tenant compte de l'accent mis sur la culpabilité des Etats autoritaires de l'Europe Centrale et Orientale dans la formation des conflits de XXe siècle, on peut bien sûr citer l'exemple de la Russie où face à la résistance, la libéralisation est loin d'être une réalité. [...]
[...] La foi durable dans le progrès fait oublier que la terre reste la principale forme de fortune et de revenu des classes dirigeantes jusqu'en 1914 : surtout en Russie, en Autriche-Hongrie et en Allemagne, les élites terriennes soutenues par les grandes banques d'affaires restent intactes et l'agriculture l'activité sociale prépondérante. Ainsi, la Russie compte 66% des emplois dans l'agriculture, tandis qu'Allemagne 40% en 1907. L'ordre terrien prend donc conscience de son identité et agi en conséquence, utilisant les nouvelles technologies à son avantage. B. [...]
[...] Une genèse discutable : les progrès, l'affaiblissement et la contestation de l'Ancien Régime A. Malgré les crises et le développement économique inégalitaire, l'essor industriel européen nouveau est indéniable Jean-Pierre Rioux note, à partir du dernier tiers du 18è siècle, un certain nombre de pays ont connu la plus profonde mutation qui ait jamais affecté les hommes depuis le néolithique : la révolution industrielle. Pour la première fois dans l'histoire, le pouvoir humain de production y est libéré; les économies peuvent désormais fournir, en les multipliant sans cesse jusqu'à nos jours, des biens et des services mis à disposition d'hommes toujours plus nombreux. [...]
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