Poser la question de l'histoire de l'apprentissage du vote et du suffrage universel peut aujourd'hui paraître incongru, voire relever de l'oxymore, tant la pratique du vote tel qu'il est ritualisé aujourd'hui semble naturelle, comme si le vote était une évidence remontant à Périclès et qu'il était pour ainsi dire hors de l'Histoire. Pourtant, le terme même de « vote », en dépit de sa pérennité depuis l'Antiquité, a subi bien des évolutions : il a changé de fonctions, d'usages et de pratiques. De la même manière, l'expression de « suffrage universel » est récente et a également connu des mutations depuis son apparition sous le Premier Empire et sa popularisation sous la Monarchie de Juillet. Dans son sens primitif, le « suffrage universel » s'oppose au « suffrage censitaire » qui exige des conditions financières pour voter. La Révolution proclame l'universalité du suffrage en 1792 et abolit le cens, tout en maintenant à l'écart du corps électoral les domestiques, les indigents et les femmes.
[...] Et 10% des personnes en âge de voter ne sont pas inscrites sur les listes électorales. Ces taux démentent l'image d'une marche triomphante de la démocratie, qui constituerait le sens de l'histoire. Dans Le Cens caché, Daniel Gaxie analyse le désinvestissement d'une partie des électeurs. Il montre ainsi que l'idéal du citoyen parfaitement autonome et rationnel s'accommode mal de la réalité sociologique de l'électorat. Pour une partie des agents sociaux, le champ politique est perçu comme une nébuleuse complexe et déconnectée des préoccupations quotidiennes. [...]
[...] La Révolution proclame l'universalité du suffrage en 1792 et abolit le cens, tout en maintenant à l'écart du corps électoral domestiques, les indigents et les femmes. Après la Restauration et jusqu'en 1848, la revendication du suffrage universel devient populaire et est inscrite au programme des Républicains. La Constitution de la IIème République le rétablit en 1848 en posant des conditions très libérales à son exercice : le corps électoral passe de électeurs à près de 10 millions. Dans le même temps, toute une littérature se développe pour remettre en cause la dictature de la majorité qui confie le pouvoir à la masse des ignorants. [...]
[...] La dimension écrite du vote permet de garantir le secret. Enfin, la standardisation des bulletins et des enveloppes, fournies par l'administration et non plus par les candidats, a permis d'éviter les pressions exercées par les entrepreneurs politiques sur les électeurs. Alain Garrigou place l'isoloir au centre de sa démonstration dans Le Vote et la vertu, tandis que Pierre Rosanvallon n'y fait allusion qu'à deux reprises dans son ouvrage. Dans un autre registre, Olivier Ihl montre dans La Citoyenneté en fête la manière dont s'épanouit dans les 20 dernières années du XIXe siècle une politique festive qui accompagne la politisation et l'intégration des individus dans la République. [...]
[...] Si on a souvent tendance à présenter l'histoire du SU comme une histoire linéaire et dirigée dans le sens d'une progression de la démocratie, l'évolution de la pratique du vote est en réalité accidentée. Par exemple : une loi électorale de 1850 a réduit le corps électoral d'un tiers. Le retour de l'abstention De même, le retour d'une abstention forte depuis le début des années 1980 rappelle que l'histoire du vote procède par tâtonnements successifs. La baisse de la participation, observée dans des proportions comparables en Europe occidentale et aux États-Unis, prouve que le processus d'intériorisation et d'appropriation du vote n'est pas achevé. [...]
[...] La dimension rituelle de l'élection a donc participé à l'apprentissage du suffrage en fournissant à l'électeur un ensemble de repères. Le vote à l'école Deux institutions ont principalement servi d'instances de formation de l'électeur : l'école, sur laquelle on va s'attarder, et de façon plus marginale l'Eglise. L'institution scolaire a en effet permis la diffusion d'un corpus de valeurs républicaines et démocratiques, notamment au moment de l'enracinement de la IIIe République. Proudhon dit : La démocratie, c'est la démopédie Dans cette perspective, l'école a tenu lieu de medium de transmission du suffrage universel. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture