« La France s'est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s'est proposé pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d'assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société, d'augmenter l'aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l'action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être. »
Tel est le premier article du préambule de la Constitution française de 1848, préambule préfigurant le caractère généreux mais utopique de ce texte. On le présente souvent comme composite (« une véritable mosaïque, un monstre constitutionnel » selon Paul Bastid), empruntant à la tradition révolutionnaire, voire à certains rouages de l'Empire, qui tente de transposer la monarchie parlementaire, et dont la nouveauté est l'institution d'une présidence de la république, et de l'élection au suffrage universel (masculin) direct de cette présidence et des membres de l'Assemblée nationale. La tendance démocratique affirmée du texte n'empêche pas les constituants d'adopter un régime purement représentatif à l'exclusion même d'une ratification populaire de la nouvelle constitution.
On le constate très vite, ce texte comporte de nombreuses limites, et en cherchant à séparer strictement les pouvoirs, il néglige les possibilités de résolution des conflits entre les institutions revendiquant à présent une légitimité égale. Ces « apories », contradictions insurmontables dans le raisonnement, « chemins qui ne mènent nulle part » selon Heidegger, provoqueront, dans un contexte socio-économique particulier, la chute de la République et l'avènement du IInd empire par un coup d'État. Alors quels sont ces éléments viciés de droit constitutionnel qui permettent d'expliquer les défaillances de la constitution de 1848 ? En quoi une mauvaise définition et une excessive séparation des pouvoirs ont programmé la mort de la Constitution ?
Il est tout d'abord intéressant de comprendre le conflit entre les pouvoirs du Président de la République et ceux de l'Assemblée, puis d'expliciter les rôles ambigus du Conseil d'Etat et du pouvoir judiciaire.
[...] Une émanation du pouvoir législatif - Le premier projet de Constitution plaçait le Conseil d'Etat aussitôt après les pouvoirs législatif et exécutif. L'Assemblée unique ayant été adoptée, la commission chargée de la rédaction de la Constitution voulait qu'un autre organisme participe à l'activité législative. Or celui-ci ne doit pas porter atteinte à l'autorité de l'Assemblée nationale, il faut donc qu'il en émane. Marrast, un constituant, expliqua bien quel rôle d'institution neutre chargée de tempérer l'exécutif et le législatif : À côté de l'Assemblée unique, la Constitution place un Conseil d'Etat choisi par elle, émanation de sa volonté. [...]
[...] Le face-à-face peut commencer. Tocqueville résume ainsi la situation du pouvoir exécutif : Dans la sphère du pouvoir législatif, impuissance ; dans celle qui lui est propre, étroite dépendance. Le problème principal apparaît donc clairement : le conflit semble inéluctable, et, pire, il n'existe pas de solution pour le résoudre. C'est là le vice principal de la Constitution de 1848 : en voulant rendre trop indépendant les pouvoirs, en les séparant pour éviter que l'un ne l'emporte et le confisque définitivement, les constituants ont négligé les mécanismes parlementaires essentiels au bon fonctionnement d'un tel régime. [...]
[...] Là se trouvent bien l'incertitude et la contradiction dans la Constitution. Le rôle du vice-président La commission avait prévu un vice-président, nommé par l'Assemblée nationale sur la présentation du président de la République, qui devait remplacer celui-ci en cas d'empêchement et présider le Conseil d'Etat (art. 70). Il aurait ainsi pu s'opposer à toute tentative d'usurpation de la part du président. On reconnaît là l'influence américaine, mais, contrairement au système d'outre-Atlantique, si la présidence devenait vacante, le vice- président n'exerce les fonctions présidentielles que temporairement, avant de nouvelles élections. [...]
[...] On le constate très vite, ce texte comporte de nombreuses limites, et en cherchant à séparer strictement les pouvoirs, il néglige les possibilités de résolution des conflits entre les institutions revendiquant à présent une légitimité égale. Ces apories contradictions insurmontables dans le raisonnement, chemins qui ne mènent nulle part selon Heidegger, provoqueront, dans un contexte socio-économique particulier, la chute de la République et l'avènement du IInd empire par un coup d'État. Alors quels sont ces éléments viciés de droit constitutionnel qui permettent d'expliquer les défaillances de la constitution de 1848 ? [...]
[...] Dans ce cas, la responsabilité du gouvernement n'est pas engagée. (article 75) Le Conseil d'Etat apparaît ainsi comme une institution bâtarde : émanant de l'Assemblée, il se partage entre l'assistance au gouvernement et des délégations de celle-là. Conclusion LA CONSTITUTION A ÉTÉ ADOPTÉE PAR LA PLUPART DES RÉPUBLICAINS DU LENDEMAIN, CAR ELLE LEUR PARAISSAIT CONSACRER LE RÉGIME PARLEMENTAIRE, ET PAR LA PLUPART DES RÉPUBLICAINS DE LA VEILLE PARCE QU'ELLE CONSACRAIT LE SUFFRAGE UNIVERSEL. LES UNS ET LES AUTRES VOULAIENT CROIRE À LA SAGESSE DU PEUPLE, SANS ÊTRE CEPENDANT ABSOLUMENT CONVAINCUS. [...]
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