A la fin du XIXe siècle, l'idéologie antisémite n'exprime pas en France, pas plus qu'ailleurs en Europe, un phénomène nouveau. Ce qui est nouveau, c'est le terme lui-même. Il apparaît en Allemagne en 1873 sous la plume du journaliste Wilhelm Marr, dans le libelle La victoire du judaïsme sur le germanisme, à l'époque où s'y déclenchent les campagnes de propagande antijuive. Peu de temps après, on retrouve cette terminologie nouvelle dans la plupart des principales langues européennes : l'actualité politique et sociale impose l'adoption d'une formule originale. Mais, ce qui est surtout nouveau, c'est l'usage qui est fait de l'antisémitisme et la fonction qu'on lui attribue.
Historiquement, il y eut avant tout un anti-judaïsme accusant les juifs d'être un peuple « déicide ». Cet antijudaïsme purement religieux se mua peu à peu en un antijudaïsme économique : certaines professions leur étant refusées, les juifs sont « hommes d'argent » banquiers ou usuriers et, de ce fait, servent de boucs émissaires, face aux difficultés politiques, économiques ou sociales. Avec la diaspora, les juifs sont dispersés dans le monde et accoutumés aux réactions haineuses des populations autochtones. Au XIXe siècle se forme un antisémitisme raciste donné pour scientifique. Des théories sur l'inégalité des « races » humaines rendent les juifs menaçants pour l'ordre et la société. Les juifs émancipés « aux valeurs cosmopolites et antinationales » sont des concurrents étrangers.
[...] L'émancipation est totale à Vienne en 1867, en Prusse en 1869, en 1871 dans l'Allemagne unifiée. En revanche dans certains pays de l'Est, on assiste à un antisémitisme d'Etat : l'exclusion juridique persiste, et l'on voit naître, nous l'avons vu, des pogroms. En Russie, en 1882, le nouveau statut des Juifs leur interdit la propriété, en 1887 est créé un numerus clausus pour leur accès à l'université Une population contrastée Du point de vue des populations, là encore il existe des contrastes importants, qui malgré la formation d'un antisémitisme de masse méritent d'être soulignés. [...]
[...] Aussi l'élimination du Juif, créateur du régime capitaliste à l'image des Rotschild, Pereire, Halevy de l'emprise qui étouffe et dénature les rapports entre les hommes, est-elle le préalable de toute libération[1]. De plus, ces jalousies économiques sont renforcées par l'industrialisation montante. Le Juif est aussi responsable des désordres politiques : on l'accuse de conspiration, de complot : ayant conçu le rêve de la domination universelle les Juifs se sont organisés en une immense société secrète capable toujours de recevoir et faire exécuter partout à la fois le même plan et les mêmes mots d'ordre A la suite de la défaite française de 1871, les Juifs ayant souvent des noms à consonance allemande sont accusés d'avoir affaibli la résistance nationale. [...]
[...] La théorisation de l'antisémitisme : la science au service du politique Le XIXe siècle est, nous le savons, le siècle de la modernité, des découvertes et du progrès, qu'il soit scientifique ou politique. C'est aussi le siècle des idées, en filiation directe avec les Lumières, des nouvelles théories, aussi farfelues soient elles, qui peu à peu forgent une réflexion mêlée à une rigueur scientifique, qui dévia parfois en un scientisme systématique, une obsession du classement et de la hiérarchie. C'est dans ce contexte intellectuel particulier, à comprendre avec l'ère des nationalismes, des comparaisons des peuples entre eux que l'on assiste à la naissance de théories antisémites qui se réclament de vérités scientifiques. [...]
[...] L'antisémitisme transcende les clivages sociaux : division au sein de l'Etat et des populations 1. Le rôle et la participation de l'Etat Le rôle et la participation de l'Etat diffèrent selon les pays concernés, justifiant l'idée sinon d'une hétérogénéité, au moins d'une diversité. En France, l'émancipation a réellement lieu dès le milieu du XIXe siècle, même si elle date officiellement de 1791 quant le Français Juif est reconnu avant tout comme un individu avant d'appartenir à une communauté. Le droit des Juifs apparaît équivalent à celui des autres, à l'exception du serment more judaïco qui disparaît en 1846 grâce à l'avocat Adolphe Crémieux. [...]
[...] L'antisémitisme en Europe au XIXe siècle (1850-1914) A la fin du XIXe siècle, l'idéologie antisémite n'exprime pas en France, pas plus qu'ailleurs en Europe, un phénomène nouveau. Ce qui est nouveau, c'est le terme lui-même. Il apparaît en Allemagne en 1873 sous la plume du journaliste Wilhelm Marr, dans le libellé La victoire du judaïsme sur le germanisme, à l'époque où s'y déclenchent les campagnes de propagande antijuive. Peu de temps après, on retrouve cette terminologie nouvelle dans la plupart des principales langues européennes : l'actualité politique et sociale impose l'adoption d'une formule originale. [...]
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