L'étude de l'antisémitisme dans le discours nazi permet à coup sûr d'exclure d'une éventuelle explication du processus de régression civilisationnel toute reconstruction téléologique, à l'instar d'un Emile Durkheim utilisant volontiers le concept de « mentalité allemande ».
L'antisémitisme nazi est sinon totalement, d'une très large influence hitlérienne : en effet, alors qu'Himmler représentait l'aile germano-nordique et antichrétienne du parti national-socialiste des travailleurs allemands, Goebbels, quant à lui, était plus soucieux d'une mobilisation des masses autour d'une rhétorique socialiste. Hitler fit la passerelle entre les deux mouvances en installant un consensus autour de l'antisémitisme, qu'il théorisa dans Mein Kampf. Dans ce manifeste, étonnement, l'antisémitisme est second, mais en aucun cas secondaire : il est situer au cœur du racisme hitlérien. Le consensus nazi portait alors autour de quatre points : l'idée raciste de la diversité et de l'inégalité foncière des groupes humains, l'idée de la régénération de la société allemande, l'idée d'un antagonisme privilégié entre les juifs et les Allemands et enfin, l'idée d'une expansion impériale garantie par l'assainissement préalable de la société allemande.
L'étude de l'antisémitisme dans le discours nazi permet d'apprécier comment le préjugé antijuif est devenu une sorte de norme dans la société allemande d'après 1933, permettant au régime nazi, dont l'antisémitisme était bien plus radical que celui de la population, de mener sa politique sans rencontrer d'obstacles sérieux et, comment est-on arrivé en définitive à légitimer le massacre. Il convient dès lors de s'interroger sur les ressorts de l'antisémitisme dans le discours nazi, ses registres et sa structure argumentative, persuasive.
Nous verrons dans un premier temps que le discours antisémite puise sa rhétorique dans le christianisme et la modernité pour l'inscrire dans un schéma à la fois raciste et apocalyptique, pour lui donner toute sa portée identitaire. Par l'étude du registre prophétique et de l'utilisation du ressentiment, nous verrons comment le discours nazi parvient à donner à l'antisémitisme non plus seulement sa fonction identitaire, mais à lui faire porter un sens maximaliste, une fonction génocidaire, constituant une régression totale du processus de civilisation.
[...] Au temps de ma lutte pour le pouvoir, ce sont surtout les juifs qui ont ri de la prophétie selon laquelle je prendrais la tête de l'Etat et du peuple tout entier et, entre autres, mènerais à bien la solution du problème juif. Je crois que ces rires retentissants d'alors restent depuis en travers de la gorge des juifs. Aujourd'hui je veux être prophète une fois de plus. Lors de différents discours entre 1939-1940, Hitler fit de multiples variations sur le thème du héros ridiculisé. Se référant à l'époque où il était un inconnu se battant pour sauver l'Allemagne, il soulignait qu'il avait été souvent insulté et moqué ; par les juifs, sans doute. [...]
[...] D'autre part, il ne faut pas oublier que Hitler se tenait dans la tradition du courant Völkish, qui aspirait à une réforme indissociablement politique que religieuse : en effet, parallèlement à son parler chrétien Hitler laissait ses fidèles, Himmler en tête, soutenir la diffusion d'une ethno-religion germano-nordique qui rejetait le christianisme, car perçu comme infecté d'esprit juif. Mais si Hitler utilise la rhétorique chrétienne dans son discours antisémite, il n'en oublie néanmoins pas de reprendre la thématique moderne de l'antisémitisme héritée des Lumières. [...]
[...] Il est entendu ici la révélation de la lutte finale qui engage le sort de l'humanité. Le prophète est celui qui apporte cette révélation, rôle qu'endosse Hitler. En imputant aux juifs la responsabilité d'une éventuelle guerre mondiale, Hitler reprend le thème de la guerre juive d'une guerre fomentée par les juifs, qui est un des thèmes neufs apportés par l'antisémitisme moderne. Mais ce thème est magnifié par Hitler par son inscription dans un schéma apocalyptique, car il met en jeu bien d'avantage que le sort de l'Allemagne. [...]
[...] Nous étudierons alors les dimensions prophétique et apocalyptique du discours antisémite nazi ainsi que son utilisation du ressentiment. L'antisémitisme du discours nazi : entre prophétie et apocalypse Le discours que Hitler prononça le 30 janvier 1939 devant le Reichstag à l'occasion de la commémoration annuelle de son accession au pouvoir, évoque l'extermination des juifs qui adviendrait si une nouvelle guerre mondiale éclatait. On l'explorera ici sous l'angle des représentations et des significations qu'elle véhiculait. Aujourd'hui, je serai encore prophète : si la finance juive internationale en Europe et hors d'Europe réussit à nouveau à précipiter les peuples dans une guerre mondiale, le résultat n'en sera pas la bolchevisation de la terre et la victoire du judaïsme, mais bien l'extermination de la race juive en Europe ! [...]
[...] La seconde fonction de ce discours est pédagogique : c'est une pédagogie à visée identitaire. Hitler propose à ses fidèles et au peuple allemand son interprétation d'une réalité en gestation, celle d'une éventuelle guerre mondiale qui serait l'évidente conséquence de sa propre politique, dont il rejette par avance la responsabilité sur les juifs, qu'il dépeint comme un combat à mort avec eux. En exprimant de manière spectaculaire sa vision d'apocalypse, il encourageait l'adoption de la forme d'antisémitisme la plus porteuse de violence qui fût. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture