Dans notre vocabulaire politique, il existe peu de termes frappés d'un tel discrédit, chargés d'un contenu aussi négatif que celui de "droite". Autant, l'étiquette de "gauche" peut paraître flatteuse, autant celle de droite sonne comme une injure, signifiant communément l'égoïsme des possédants, le triomphe des intérêts voire l'injustice des puissants. L'étude de la vie politique en France depuis 1789 montre d'évidence la permanence et l'importance de cette alternative droite-gauche à laquelle aucun parti, aucune force politique n'a pu échapper jusqu'à présent. Ainsi, les luttes politiques se déroulent dans un espace à deux dimensions.
Mais est-il opportun de penser qu'il existe une droite et une gauche éternelles ? Dans un sens commun, la réponse est clairement négative. Car il convient de rendre compte de la totalité d'un phénomène. Si les notions de droite et de gauche sont des données fondamentales de la vie politique depuis plus de deux siècles, force est de constater qu'elles n'ont pas eu au cours de l'histoire la même signification, ni le même contenu. Il apparaît que droite et gauche soient des positions instables et relatives, et que la frontière qui les sépare se modifie en fonction des enjeux successifs et des affrontements politiques.
La division droite-gauche naît le 11 septembre 1789 lorsque les députés de l'Assemblée constituante se séparent en deux groupes. Les partisans d'un pouvoir royal fort disposant d'un droit de veto absolu sur les lois se placent à la droite du Président. Les tenants d'un régime constitutionnel dans lequel le roi n'aurait qu'un rôle amoindri se groupent à gauche. A l'époque, la droite est contre-révolutionnaire puis s'attache à la défense de la religion dès les premières persécutions issues de la Constitution civile du Clergé. Mais une brutale poussée vers la gauche modifie radicalement la physionomie politique de la France esquissée sous la Constituante. Commence en effet un mouvement de débordements sur la gauche par des partis plus révolutionnaires que ceux en place, mouvement nourri par les événements politiques et la dynamique qui règne. Les glissements successifs qui suivent font basculer à droite des partis nés à gauche.
De cette façon, ce qui divisait droite et gauche au XIXe siècle n'est aujourd'hui plus valable : l'accord est unanime sur la nature du régime politique français, et il en est de même pour le modèle de société préféré et les questions religieuses. L'article 1er de la Constitution de la Ve République énonce que "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale […]". Tout l'espace politique français est bien dominé par les valeurs républicaines franchement entrées dans les moeurs ; et si certains hommes politiques rêvent à une VIe République, ils envisagent bien de conserver la forme républicaine du régime. Des clivages s'opèreraient donc vraisemblablement sur d'autres critères.
Au regard de ces menues considérations, l'acception commune et simple de la "droite" montrerait qu'elle n'est pas homogène sur le plan idéologique. Il semblerait donc qu'il n'y ait pas de droite absolue. Certes pratique, la notion de droite n'est donc pas sans ambiguïtés.
Querelles, oppositions, alliances et regroupements rythment et modifient le paysage politique depuis 1789. Qu'est-ce que la droite en France ? Si cette question est en apparence simple, sa réponse est en réalité délicate. Simple, dans la mesure où la tentation est grande de former des idéaux-types politiques dans lesquels ranger cette droite. Mais délicate, puisque définir ce que recouvre intrinsèquement la droite se heurte à deux angles d'analyse fort différents – l'histoire des idées politiques et la sociologie, qui aboutissent chacune à des conclusions très éloignées.
Là réside donc toute la problématique de définition de la droite en France. Selon la méthode d'analyse adoptée, le visage de la droite change. Dans cette optique, quelle est la pertinence des définitions de la droite développées sous ces deux angles d'analyse ?
Deux analyses opposées de la droite. Deux réponses contraires quant à ce qu'elle recouvre au-delà du langage courant. La démarche adoptée dans ce travail est celle d'une présentation de ces deux angles d'analyse, visant à cerner plus finement le concept de droite. C'est pourquoi, il convient dans un premier temps de s'employer à expliquer et à critiquer une première façon de définir la droite. Celle de l'histoire des idées politiques, proposée notamment par Stéphane Rials. Puis dans un second, d'analyser l'essai désormais classique de René Rémond proposant une généalogie des tempéraments sociologiques.
[...] Bien sûr, le bonapartisme ne se réclame ni de droite, ni de gauche. Mais il ne peut cependant échapper à cette classification si habituelle. Sous le second Empire, la droite traditionnelle et la droite orléaniste sont considérées comme étant dans l'opposition. Grâce à ses traits conservateurs et démocratiques, le bonapartisme trouve sa stabilité, son succès et sa fidélité dans divers milieux. Dans les campagnes, le bonapartisme est relativement bien accueilli. En témoignent les résultats des plébiscites à l'époque, plébiscites qui caractérisent explicitement le régime bonapartiste. [...]
[...] La seconde tendance, le parti de la résistance, accède au pouvoir. Casimir Périer devient Président du Conseil. La résistance ne veut pas d'une "monarchie honteuse" et souhaite mettre en place le cadre d'une véritable monarchie avec un programme clair qu'il énonce en ces termes : "au-dedans l'ordre sans sacrifice pour la liberté, au dehors la paix, sans coûts pour l'honneur". Ces deux tendances manifestent clairement l'aile gauche (le mouvement) et l'aile droite (la résistance) de l'orléanisme à ses débuts. L'auteur des Droites en France s'attache expliquer quelle est la "clientèle" orléaniste. [...]
[...] Bien sûr, le régime accentue rapidement son caractère monarchique, notamment avec le sacre et le couronnement en 1804, avec la création d'une noblesse impériale, ou encore avec le mariage de Napoléon avec Marie-Louise en 1810, qui lui vaut de devenir gendre de l'empereur d'Autriche et neveu de Louis XVI. Mais tout l'éloigne des idées chères à la droite traditionnelle, la véritable droite. Ainsi, la signature du Concordat par le premier Consul en 1801 maintient la vente des biens nationaux et reconnaît le catholicisme comme la religion de "la majorité des Français", et non plus religion d'Etat. La nouvelle Constitution qui est rédigée renforce le pouvoir exécutif au détriment du pouvoir législatif et crée une administration centralisée. Le découpage administratif hérité de la Révolution est conservé. [...]
[...] Soit une seule droite véritable. Soit trois droites, héritières de courants variés. En choisissant de prendre pour point de départ la pluralité de droites, l'essence de la droite n'apparaît pas absolue. Ses réalités aujourd'hui ne sont d'ailleurs pas immuables. Il convient donc de prendre en considération chacune d'entre elles, pour saisir plus précisément ce que peut signifier "la droite". Ces droites, diverses par leurs fondements idéologiques, ont certes atténué leurs oppositions. L'Union pour un Mouvement Populaire a eu en 2002 la volonté de créer un parti unique en regroupant à l'époque les forces dites de droite. [...]
[...] Mais pour peu de temps. La droite véritable ne meurt pas à proprement parler. Sa survie, bien que difficile, est d'ordre intellectuel. Avec la ligue d'Action française, qui plaide pour la monarchie traditionnelle et condamne violemment la démocratie et le parlementarisme, les idées de la droite traditionnelles retrouvent un certain souffle. Elle estime que la tradition française s'arrête à la veille de 1789. Charles Maurras renouvelle la tradition légitimiste. Il fait en effet la synthèse de trois courants de pensée, jusqu'alors différents et souvent contradictoires : le nationalisme "la France seule", le traditionalisme "Réaction d'abord le positivisme où le monarchisme veut être scientifique, et le socialisme[3]. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture