La transition démocratique initiée avec la « révolution des œillets », le 25 avril 1974, finit d'ébranler la présence coloniale portugaise en Afrique. Ce malgré l'effort entrepris en dernier ressort par le régime salazariste, se traduisant par le resserrement de son emprise, à la fois par une colonisation de peuplement (« portugalisation ») et un intégrationnisme politique, en réponse à l'emprise des grandes compagnies à capitaux étrangers ainsi qu'à l'archaïsation progressive des colonies jusqu'à la fin des années 1960. Parallèlement, le développement de mouvements nationalistes, FRELIMO au Mozambique, MPLA , FNLA et UNITA en Angola, a favorisé l'émergence rapide d'une élite gouvernementale, elle-même produit de l'histoire coloniale, au lendemain des indépendances le 25 juin (Mozambique) et le 11 novembre (Angola) 1975. Cependant, ces deux Etats nouvellement indépendants vont faire la douloureuse expérience de la guerre civile, l'Etat-FRELIMO faisant face à la guérilla conduite par la RENAMO de 1977 à 1992, et l'Etat-MPLA s'opposant à l'UNITA de 1975 à 2002.
S'agissant du Mozambique, la guerre civile trouve ses origines dans le contexte d'un face à face entre l'Etat-FRELIMO marxiste-léniniste et la Rhodésie du Sud, Etat ségrégationniste étouffant le nationalisme zimbabwéen soutenu par le FRELIMO, qui durcit les conditions de l'enclavement rhodésien en fermant sa frontière, et par conséquent l'accès au port de Beira, en mars 1976. Face à cette diplomatie offensive, la Rhodésie contribue à la formation de la MNR/RENAMO, qui profite alors de l'effet-frontière pour mener des incursions en territoire mozambicain. En mars/avril 1980, avec le succès des nationalistes zimbabwéens, qui obtiennent leur indépendance, la RENAMO est alors placée sous la tutelle de l'armée sud-africaine. Les années 1980 verront les offensives combinées se succéder : en 1981, l'Afrique du Sud lance des raids au Mozambique, alors que la RENAMO menace le corridor de Beira en 1982 et lance une attaque d'ampleur en 1986, après avoir mis fin aux premiers pourparlers de paix. La fin annoncée du régime d'apartheid en Afrique du Sud prive la RENAMO de son principal soutien au tournant des années 1990. Toutefois, surprenant jusqu'à ses parrains, elle parvient à s'ancrer au Mozambique et à étendre ses activités sur 80% du territoire, menant une guerre « en peau de léopard », ce jusqu'à la progression des pourparlers de paix sous l'égide de la communauté Sant'Egidio, de l'Italie et des représentants religieux mozambicains. La nouvelle Constitution de 1990 instaure le multipartisme, alors que le cessez-le-feu est finalement officialisé le 15 octobre 1992. Les violations qui s'ensuivent conduisent à l'établissement d'une force de maintien de la paix, l'ONUMOZ, déployée en 1993, permettant l'organisation des premières élections pluralistes en octobre 1994. Dans ces conditions, la RENAMO opère une mutation politique en participant aux élections législatives (40% des voix), n'empêchant pas l'élection de Joachim Chissano, leader du FRELIMO, mais ayant toutefois réussi à intégrer la vie politique mozambicaine.
Opérer une analyse comparée de ces deux guerres civiles conduit à mettre en parallèle leur origine, leur déroulement et leur règlement. Nous choisissons ici de nous concentrer sur les acteurs, FRELIMO/RENAMO au Mozambique et MPLA/UNITA en Angola, moyen le plus pratique pour effectuer une analyse synthétique. Cette mise au point permettra d'enrichir la réflexion sur la question suivante : peut-on expliquer la simultanéité et la longueur exceptionnelle de ces conflits par des facteurs communs ?
[...] Cette période cruciale de la première moitié des années 1990 constitue sans doute l'indice le plus sûr des similarités et des différences fondamentales entre l'Angola et le Mozambique : s'apercevant que les pourparlers en faveur de la paix se déroulent en même temps, avec des difficultés comparables, on peut supposer que les deux guerres civiles présentent des facteurs explicatifs communs ; toutefois, leurs trajectoires radicalement différentes, avec la conclusion d'un accord de paix au Mozambique et la poursuite des combats pendant encore dix ans en Angola, nous montrent que les différences sont au moins aussi importantes. Ayant pointé plus haut l'importance de la guerre froide, des nationalismes et d'autres facteurs communs aux deux situations, nous allons à présent tenter de savoir si l'on peut expliquer la simultanéité et la longueur exceptionnelle de ces conflits par ces mêmes facteurs. II. Des facteurs explicatifs communs de la simultanéité et de la longueur des deux guerres civiles ? Facteurs idéologiques. Nationalisme et guerre froide nationalisme Le nationalisme n'apparaît pas comme un facteur commun au Mozambique et à l'Angola. [...]
[...] On voit donc s'opérer une mutation idéologique de la RENAMO tout au long de la guerre civile, censée lui conférer cette légitimité qui lui fait tant défaut à sa création. D'ailleurs, en s'autonomisant quelque peu de ses parrains (Rhodésie du Sud après 1980, puis Afrique du Sud très rapidement), et en s'implantant directement au Mozambique, on peut considérer que la RENAMO a réussi sa mutation. En Angola, le MPLA se constitue, tout comme le FRELIMO, autour de ces deux identités nationaliste et marxiste ; il est d'ailleurs né de la fusion entre le Parti Communiste Angolais (PCA) et l'UPLA[8]. [...]
[...] Forces Armées Mozambicaines. L'échec des accords de Bicesse de 1991, prévoyant la démobilisation, le désarmement et la formation d'une armée un MNOPQ^_³´ÈÉÏÐÙÚR S er-5žŸ»ôâоⴧ“ ique (Forces Armées Angolaises), est en partie dû à la réticence de l'UNITA sur ce point. R.Marchal et C.Messiant, op. cit p.51-76. Ibid p.61. Ibid p.170. A.Vines, La troisième guerre angolaise, p.27-39, in L'Angola dans la guerre, Politique Africaine, P.Chabal, Pouvoir et violence en Afrique postcoloniale, Politique Africaine, p.58. [...]
[...] On peut donc affirmer que la guerre civile angolaise présente une facette politique bien plus développée qu'au Mozambique, ce qui s'explique aisément par la nature de chacun des belligérants. Toutefois, on peut faire l'hypothèse d'un croisement des trajectoires de l'UNITA et de la RENAMO au cours de ces longues guerres civiles : faiblement politique, cette dernière construit peu à peu un discours proprement mozambicain, alors que dans le même temps l'UNITA se conçoit d'abord comme porteuse d'un projet politique global, avant de se marginaliser et de ne plus concevoir son identité indépendamment de sa composante armée[12]. [...]
[...] La RENAMO peut alors se targuer de rétablir les solidarités communautaires en tuant ces nouveaux chefs, tout comme l'opposition à la collectivisation des terres lui permet de se présenter comme soutien de la paysannerie. Toutefois, l'idéologie bricolée à la hâte et rarement suivie des faits (les massacres et les pillages contredisent le discours libérateur) favorise l'émergence de nouvelles forces armées entre la RENAMO et le FRELIMO : les milices populaires (comme les 5.000 à 9.000 Naparamas), instrumentalisées par le régime afin de prouver le rejet de la RENAMO par les populations ; la Rombezia, née d'une scission de la RENAMO, et qui se bat pour l'autonomie de la Zambezia Ce dernier exemple montre bien comment la RENAMO est parvenue à investir le champ politique mozambicain, et à susciter de nouvelles formes d'engagement et de revendications d'importance dans le pays. [...]
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