Il ne semble pas que les contemporains aient immédiatement mesuré l'étendue et la portée de ces bouleversements. Plongés dans le tourbillon des grandes guerres de l'Empire, beaucoup n'ont vu dans la révolte des « patriotes » américains qu'une séquelle lointaine des luttes entre l'Europe et Napoléon. Pour les hommes d'État anglais, les mieux renseignés sans aucun doute et les plus attentifs aux événements du Nouveau Monde, c'était avant tout l'occasion longtemps attendue d'élargir l'empire commercial de la Grande-Bretagne par la conquête économique d'un marché aux dimensions continentales. Mais il fallait le coup d'oeil de Napoléon pour prévoir dès 1812 - et alors que les insurgentes étaient encore loin de l'avoir emporté - que l'indépendance de l'Amérique espagnole allait modifier, à long terme, le rapport des forces dans le monde, pour le plus grand profit non de l'Angleterre, mais des États-Unis. La disparition de l'empire espagnol est en effet, pour quelques décennies, un succès pour l'expansion mercantile de la Grande-Bretagne ; mais, sur le plan politique, elle assure pour l'avenir l'hégémonie des États-Unis sur le continent américain et traduit ainsi, fondamentalement, un échec des puissances européennes (...)
[...] Ferdinand VII n'eut ni la générosité ni l'intelligence de faire à ses sujets américains les quelques concessions qui auraient pu récompenser les loyalistes de leur fidélité, et rallier, parmi les hésitants et les vaincus, ceux qui n'aspiraient qu'à la paix. Ce conservatisme étroit ainsi que les excès de la répression ne pouvaient que servir la cause des patriotes. Ceux-ci reprennent la lutte dès 1816. San Martín, solidement installé à Mendoza, a su préparer, à l'écart des querelles politiques de Buenos Aires, une armée efficace et bien entraînée. [...]
[...] Ni le congrès, ni Miranda n'étaient de taille à mener efficacement la lutte. Les premières défaites de Miranda, le tremblement de terre de mars 1812 - exploité par les loyalistes comme un signe du ciel - jettent le désarroi et la dissension dans le camp des patriotes. Monteverde contraint Miranda à capituler (juillet 1812), tandis que la plupart des chefs insurgés sont pris ou s'exilent en Nouvelle-Grenade, où les patriotes sont encore les maîtres. C'est de ce refuge que Bolívar reprend l'offensive en mai 1813 ; une brillante campagne de quelques semaines lui rouvre le chemin de Caracas où il rentre en vainqueur le 6 août. [...]
[...] C'est le résultat de ce double conflit, interne et externe, qui détermine pour plus d'un siècle la signification sociale et internationale de l'indépendance de l'Amérique espagnole et oriente de façon décisive l'avenir des nouvelles nations. Les origines Il existe un schéma traditionnel des origines de l'indépendance hispano- américaine : c'est celui qu'a établi dans le courant du XIXe siècle une historiographie d'inspiration libérale et de caractère le plus souvent polémique, schéma encore généralement accepté. Pour n'en retenir que les traits essentiels, disons qu'il attribue à trois causes principales la naissance des mouvements d'indépendance : les abus du régime colonial, l'influence des Lumières, l'exemple des révolutions américaine et française. [...]
[...] Le premier est le Mexique, dont le destin se joue, comme en un champ clos, pendant les onze années qui séparent l'insurrection paysanne de 1810 et le coup d'État conservateur de 1821. En Amérique du Sud, les deux centres moteurs de l'émancipation sont le Venezuela, autour de Caracas, et le Río de La Plata, autour de Buenos Aires : c'est de ces deux foyers que Bolívar, par l'Équateur, et San Martín par le Chili, conduiront l'assaut final contre le Pérou. [...]
[...] Le Pérou était indépendant, mais il n'est pas inexact de dire que la liberté lui avait été imposée, de l'extérieur, par des armées étrangères. Peu auparavant, le Mexique avait lui aussi obtenu son indépendance dans des conditions paradoxales. Les créoles attachés au maintien de l'ordre social traditionnel avaient pratiquement écrasé le mouvement révolutionnaire. La tentative du libéral espagnol Mina de rallumer l'insurrection se solda en 1817 par un nouvel échec ; seuls quelques guérilleros échappèrent encore à la répression. Mais la révolution libérale espagnole de 1820 modifiait du tout au tout le climat politique : elle redonna de l'espoir aux partisans des réformes libérales et consterna les conservateurs. [...]
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