Les ambitions des musées au XIXe siècle

Résumé du document

L'instinct de collection semble presque aussi vieux que l'humanité elle-même et remonte en tout cas à la plus haute Antiquité. Les Grecs et les Latins ont connu des collectionneurs passionnés, rois (Alexandre), fonctionnaires (Verrès), ou particuliers (Cicéron). Mais l'idée de faire profiter le public des agréments de cette réunion est infiniment plus moderne et ne date guère, en France, que des dernières années de l'Ancien Régime.

Nourri de la foi dans la science et ses progrès, grandissant au milieu d'une compétition internationale acharnée en matière de collections (notamment archéologiques), le musée européen connaît sans doute son apogée autour de 1890. Cette évolution est liée au mouvement des nationalités, à la ferveur civique qu'entretiennent ses mises en scène mais aussi au développement de l'instruction et de la culture dans la masse.

Quelle place prend alors le musée dans la société du XIXe siècle en Europe ? Quels sont les facteurs de ce changement ? Si l'on passe du collectionnisme à la muséologie c'est par une implication croissante de la société dans le patrimoine culturel de la nation. Partant, le musée acquiert le rôle de promouvoir la nation au présent et d'en véhiculer les valeurs. Quelles sont alors précisément les ambitions des musées au XIXe siècle ?

Extraits

[...] Mais à partir du XVII ème siècle, et avec toutes les grandes découvertes de la science moderne, un tel désordre est plus possible : désormais, il faut classer et ordonner. Qu' est-ce qu' une collection êtres naturels sans le mérite de l 'ordre ! énonce alors Diderot. En effet, cette volonté de "mettre un peu ordre", de classer, ordonner, de hierarchiser les collections, constituera une des premières ambitions des musées du XIXème siècle. Ainsi, de plus en plus de bâtiments sont édifiés à cet effet, pour marquer les seuils entrée ( . ) aux bien spirituels [ . [...]

[...] ] nouveaux monuments dédiés ( . ) au vertige du temps A la faveur des remodelages de l'urbanisme, le musée est devenu un monument spécifique, souvent palais et temple, orné d'un grand décor érudit et philosophique, mais aussi un bâtiment de plus en plus fonctionnel. Le musée devient définitivement un espace public et les nouvelles constructions favorisent les formes architecturales traditionnellement consacrées à cette vocation. Le style néoclassique avec ses grandes verrières et ses larges espaces de circulation, qu'avait illustré l'Altes Museum, inauguré à Berlin en 1830, sert de modèle, évoquant l'image du temple civique. [...]

[...] Dagonet in Le Musée sans fin 3 II. UNE IMPLICATION CROISSANTE DE LA SOCIÉTÉ DANS LE PATRIMOINE DE LA NATION apport des collections privées est alors la Révolution qui ouvrit réellement au peuple les portes des collections, collections notamment royales, et dévolut à la Nation les biens artistiques des collectivités et des individus qu' elle condamnait. Les plus anciens des musées français ne sont guère antérieurs à la Révolution, mais il ne sont que la dernière étape de l'évolution des collections royales ou princières. [...]

[...] De nouvelles techniques sont mises en œuvres comme des moulages ou la photographie. Dans toute l'Europe, les musées d'art industriel, d'art, ou d'arts décoratifs, conçus d'abord comme des encyclopédies connaissent un destin semblable. Le musée de Céramique fondé en 1805 et installé dans l'enceinte de la manufacture de Sèvres, en est un bon exemple. Classés par techniques, époques et aires géographiques, il a d'abord pour but d'instruire les ouvriers. Ces musées ouvrent tard le soir pour que les ouvriers puissent compléter leur formation et y consacrer du temps. [...]

[...] Cependant, jusqu'au milieu du siècle, comme on l'a dit, il n'y a pas encore de volonté démonstrative. On reste dans une optique de panthéon des grands hommes, le collectionnisme est encore omniprésent. Dans la seconde moitié du siècle, apparaît ce cheminement, mais aussi, concernant l'histoire, une nouvelle mise en valeur qui est celle de l'écrit avec l'art pour élaborer un nouveau récit. Une histoire nationale aux accents plus ou moins populaires peut dès lors apparaître qui constituera un enjeu décisif dans la vie intellectuelle, mais aussi politique de chaque pays. [...]