Commentaire et explication historique de l'allocution prononcée par le général de Gaulle le 30 mai 1968. Le revirement opéré par de Gaulle en vingt-quatre heures donne à ce texte une tonalité très dynamique, ce sont « des mots de combats », écrit Jean Lacouture. Le Président condamne les manœuvres intentées contre l'Etat et prononce la deuxième dissolution de l'Assemblée depuis son arrivée au pouvoir, dix ans auparavant. De Gaulle fait état de la décision qu'il a prise de dissoudre l'Assemblée (ligne 1 à 9), puis fustige violemment ce qu'il a dénommé la « Chienlit », en particulier les communistes (ligne 10 à 20), pour finir sur un appel à l'action civique sur un ton digne de celui du 18 juin 1940 (ligne 21 à 35)
[...] L'incertitude est totale pendant plusieurs heures : le Premier Ministre en personne ignore quel est le but du Président. De Gaulle est allé voir le général Massu : est-ce une manière de s'assurer de la fidélité de l'armée en cas de guerre civile ? La tentation de se retirer ? Une pause face à un climat éreintant ? Difficile de savoir si ce court arrêt qui s'apparente à une fuite à Varennes, est une manœuvre tactique, ou si le chef de l'Etat a vraiment eu besoin des conseils de Massu. [...]
[...] Par conséquent, ce ne sont ni les grèves, ni les occupations, ni les barricades du Quartier Latin qui peuvent prétendre incarner cette même légitimité. Par cet exorde, Charles De Gaulle donne une plus grande solennité à son message : c'est à lui qu'il incombe de maintenir la République (l. 21). Pour cela il a envisagé toutes les éventualités et sa disparition troublante à Baden-Baden le confirme : la décision de ce 30 mai n'a pas été prise à la légère, j'ai pris mes résolutions (l.2) déclare-t-il, et il les exposent avec rigueur. [...]
[...] En effet, le général de Gaulle se livre dans son allocution à une véritable vindicte contre les communistes et contre ceux qu'il a stigmatisés sous le terme de chienlit selon son statement du 21 mai : La réforme, oui, la chienlit, non ! De la ligne 14 à 20 il fait un tableau dramatique de la situation où certains entendraient bâillonner le peuple français tout entier (l.15), l'empêcher de s'exprimer (l.15), de vivre étudier et de travailler (l.16-17). En fustigeant ainsi les neufs millions de grévistes, qu'ils soient salariés ou étudiants, de Gaulle se pose en défenseur de l'ordre, mais aussi, et c'est habile, de la liberté. [...]
[...] En 62, la dissolution prononcée par le président répondait à la motion de censure contre le Gouvernement, en 68, elle intervient après la censure de la rue. Si les élections qui ont suivi la première dissolution ont été un succès, ce n'est probablement pas dans le but de conforter une majorité déjà forte au Palais Bourbon que celle-ci est décidée. En vérité, en disant aussi laconiquement Je dissous aujourd'hui l'Assemblée Nationale de Gaulle permet au pays de sortir de sa situation mi-insurrectionnelle pour revenir sur un terrain bien connu, celui de la compétition électorale (Pierre Viansson-Ponté). [...]
[...] Allusion aux "commissaires de la République", créés par le GPRF, entre 1944 et 1946, et qui avaient pour mission de "de rétablir la légalité républicaine et satisfaire aux besoins de la population"(ordonnance du 10 janvier 1944). Les tâches que de Gaulle assigne aux préfets dans son discours, assurer l'existence de la population et empêcher la subversion »(l.25-26) ne sont donc pas nouvelles. Mais dans un contexte où les étudiants, les humoristes, les adversaires politiques et une grande partie de la population concentrent leur critique sur exercice solitaire du pouvoir l'Etat-UDR, la censure et la répression, c'est un moyen de rappeler qui a restauré les libertés en 1944. [...]
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