Daté du 3 juin 1904, ce document est un extrait d'une note de service émanant de la chancellerie allemande. Probablement rédigée par un diplomate en poste aux affaires étrangères allemandes, cette note est adressée au Chancelier de l'Empire allemand Bernhard Von Bülow (1900-1909). Elle expose au Chancelier une analyse diplomatique des conséquences pour les intérêts de l'Empire allemand de « l'accord franco-anglais sur l'Egypte et le Maroc » (ratifié le 8 avril 1904). Mais elle définit aussi une éventuelle ligne de conduite diplomatique. Chancelier sous le règne de l'Empereur Guillaume II (1888-1918), Von Bülow n'est pas étranger aux questions diplomatiques puisqu'il fut d'abord secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de 1897 à 1900. Il sera par la suite le principal protagoniste auprès de l'Italie dans le cadre des négociations pour la Triplice de 1914 à 1915.
Cette note intervient deux mois après la déclaration sur l'Egypte et le Maroc du 8 avril 1904 scellant l'Entente cordiale entre la Grande-Bretagne et la France. Ce traité bilatéral règle les modalités d'occupation de l'Egypte par la Grande-Bretagne et prépare le protectorat de la France sur le Maroc. Les deux puissances impérialistes s'assurent mutuellement de ne pas se concurrencer dans la colonisation des deux pays. Mais aussi de respecter les intérêts économiques de l'autre signataire dans le pays conquis et de mettre en place une entraide diplomatique pour le respect de cette entente. Cet accord s'inscrit dans un contexte d'occupation effective de l'Afrique par les métropoles européennes. En effet, les phases d'exploration sont en majorité achevées sur le continent et la conquête du Maroc par la France fait figure de colonisation tardive. Les puissances impérialistes sont alors rivales dans la conquête du continent. On assiste à une période d'intenses tractations diplomatiques entre les métropoles que certains historiens ont nommé la période des « traités de partage » (Conférence de Berlin 1884 ; Traité anglo-portugais 1891 ; Convention du Niger 1898 ; …etc.). La France qui possède l'Algérie depuis 1830 est voisine du Maroc à l'ouest et désire étendre sa domination sur l'Empire chérifien. Ce dernier, à la suite d'une crise politique et financière est fortement endetté. Cette dette assure à la France une place privilégiée au Maroc dans la mesure où le principal créancier de la dette est le groupe français Paribas. Le Sultan du Maroc Abd-al-Aziz (1894-1908) se trouve dans une situation de dépendance financière vis à vis de la métropole qui lui laisse peu de pouvoir de décision. Par l'accord avec l'Angleterre, la France entend bien poser les bases de sa domination au Maroc et grâce à l'entente elle acquière une liberté de manœuvre diplomatique. Mais pour l'Empire allemand qui est une puissance active dans le concert européen de la colonisation (Cameroun, Sud-ouest africain, Afrique orientale allemande et Togo), cet accord constitue une violation de ses intérêts au Maroc. De plus, il tend à réduire la liberté commerciale sur le continent. Elle dénonce l'appropriation du Maroc sur les bases d'un monopole français et y voit une atteinte à son prestige. La naissance d'une opposition de la part des autorités allemandes va constituer l'épisode de la « question marocaine » sur laquelle se greffent les intérêts nationaux des puissances européennes sur un fond de rivalité franco-allemande.
Ainsi, l'auteur de cette note explique les conséquences négatives de l'accord sur les intérêts allemands et dénonce les prétentions françaises (lignes 1à 8). Il expose ensuite les modalités du préjudice économique et commercial que suppose le monopole français au Maroc (ligne 8 à 17). Puis il rappelle que l'Allemagne en tant qu'Etat-nation et puissance impériale doit défendre ses intérêts et son prestige. Pour ces raisons elle doit s'opposer à la France (ligne 18 à 33). Enfin, il expose la stratégie diplomatique à mettre en œuvre pour montrer ce refus et faire prévaloir les arguments allemands dans le concert des puissances européennes (ligne 34 à 46).
Alors que le Maroc semble au cœur des négociations, ce document démontre que sa colonisation est avant tout un enjeu international dans lequel les intérêts marocains sont occultés et négligés.
Derrière le discours des autorités allemandes, les fondements du refus de l'accord franco-anglais sur l'Egypte et le Maroc doivent être mis à jours au même titre que le préjudice réel pour l'Allemagne. Le Maroc devient donc un objet de la diplomatie allemande mise en œuvre pour répondre à des enjeux européens. Mais ces enjeux, même s'ils n'apportent que très peu de connaissances sur la situation effective du Maroc en 1904, ils révèlent les intentions et les modalités de domination mises en place par les métropoles et surtout la France dans la conquête marocaine.
[...] L'Allemagne est spécialiste de ces transferts de technologie : 1903, obtention de la concession du chemin de fer de Bagdad par l'Allemagne. L'exploitation des ressources minières (ligne 13) : Les métropoles établissent des monopoles de fait pour l'extraction de matières premières dans leurs colonies. Les ressources du Maroc sont alors peu connues (fer, cuivre, plomb, phosphates) mais un protectorat français exclurait toute installation d'entreprises allemandes (ligne 11). L'Allemagne n'a que très peu d'intérêts économiques déjà présent au Maroc, c'est en fait un marché potentiel qui lui échappe au profit de la France. [...]
[...] Il expose ensuite les modalités du préjudice économique et commercial que suppose le monopole français au Maroc (ligne 8 à 17). Puis il rappelle que l'Allemagne en tant qu'Etat-nation et puissance impériale doit défendre ses intérêts et son prestige. Pour ces raisons elle doit s'opposer à la France (ligne 18 à 33). Enfin, il expose la stratégie diplomatique à mettre en œuvre pour montrer ce refus et faire prévaloir les arguments allemands dans le concert des puissances européennes (ligne 34 à 46). [...]
[...] La libre concurrence (ligne 43) relative à l'article 4 qui constitue un véritable leitmotiv de la diplomatie anglaise (la stratégie consiste à soutenir le libéralisme anglais pour dénoncer les intentions monopolistiques de la France). L'acquisition par l'Espagne de Tanger, etc. (ligne 43) relative aux articles 7 et le but étant pour l'Angleterre de confirmer l'installation espagnole au Maroc pour calmer le différent anglo-espagnol à propos du Rocher de Gibraltar détenu par les forces britanniques depuis 1704. L'auteur prend donc parti pour l'Angleterre (ligne dans la mesure où les revendications allemandes doivent trouver un appui dans l'Angleterre pour isoler diplomatiquement la France. [...]
[...] Cette période de vives tensions franco-allemandes qui se soldera par le protectorat français de 1912, en échange de la confirmation de l'implantation de l'Allemagne au Congo, joua un rôle important dans la marche qui conduira à la Première Guerre mondiale. [...]
[...] L'Allemagne et le Maroc (1904) Introduction Daté du 3 juin 1904, ce document est un extrait d'une note de service émanant de la chancellerie allemande. Probablement rédigée par un diplomate en poste aux affaires étrangères allemandes, cette note est adressée au Chancelier de l'Empire allemand Bernhard Von Bülow (1900-1909). Elle expose au Chancelier une analyse diplomatique des conséquences pour les intérêts de l'Empire allemand de l'accord franco-anglais sur l'Egypte et le Maroc (ratifié le 8 avril 1904). Mais elle définit aussi une éventuelle ligne de conduite diplomatique. [...]
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