expliquer la phrase d'Alain Garigou : "c'est en votant que les Français, comme les autres peuples confrontés à l'élargissement du suffrage, sont devenu électeurs" (p 16) Alain Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel en France, 1848-2000, Paris, Seuil, 2002.
[...] Ainsi et par exemple, l'étranger restait encore longtemps considéré avec méfiance, au regard de l'ancienne loi censitaire qui leur refusait le droit de vote. Il est, ici, important de rappeler le poids reporté des mécaniques à l'œuvre de l'ancien protocole censitaire, comme la protection des classes dominantes et le système d'allégeance, héritage féodal, qui fut immédiatement à l'œuvre dès les débuts de l'application du suffrage universel. Dans ce contexte post- insurrectionnel, la foule restait par ailleurs, un ensemble disparate mal connu aux tempéraments et agissements craints. [...]
[...] Alain Garrigou, Histoire sociale du suffrage universel en France, 1848- 2000, Paris, Seuil Depuis 150 ans, le suffrage universel définit en France le cadre normatif stabilisé de la vie politique. Or, s'il est aujourd'hui institutionnalisé et représente la souveraineté populaire acquise de haute lutte, son Histoire et son instauration même prouvent combien tout n'est pas allé de soi. En effet, après les troubles révolutionnaires, il fut d'abord remplacé sous le Directoire, par l'ancien mode du suffrage censitaire et ce n'est que sous l'impulsion de la Révolution de 1848, qu'il fut adopté et, enfin, passé en acte. [...]
[...] Alain Garrigou remarque avec justesse combien l'individualisation du vote fut un procédé long et presque artificiel, en l'absence de précédent. Les hésitations entre les formules d'apostrophes « Messieurs », « Messieurs, les concitoyens » trahissent ces difficultés de transition entre l'ancien héritage censitaire d'Ancien Régime, arrimé à la fonction nobiliaire et le bond en avant que constitue alors le suffrage universel. Les différences de classes et le sentiment d'appartenance sociale forgés tout le long de l'industrieux XIXe composent alors la seule norme de représentativité des français. [...]
[...] Et Alain Garrigou de relever ce non-sens en relevant que c'est là le retour paradoxal du cens à l'intérieur même du suffrage universel. En effet, déjà affaibli par un système ayant considérablement et mécaniquement tiédi les débats et intérêt populaire- comme en témoigne les taux d'abstention, « mal » qui désormais, en Europe, cristallise autant les attentions et les commentaires des médias sinon plus que les résultats eux- mêmes, le suffrage universel est en lutte avec un désintérêt croissant de son électorat. [...]
[...] La procédure d'appel présente aux premières heures du suffrage universel, illustre bien combien l'enjeu réel consistait d'abord à conduire, guider et discipliner le peuple français. Mais le plus difficile fut de faire naître le sentiment électoral, dans une procédure normée. La carte d'électeur a joué ce rôle donnant aux classes sociales un statut nouveau et indépendant de légitimité électorale. Ritualisé puis sanctuarisé, notamment par l'usage des enveloppes et de l'isoloir, le vote populaire acquit donc, une solennité et une moralité, à part. [...]
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