En ce début de millénaire, la tendance historique semble être à la rétrospection. Les ouvrages retraçant le vingtième siècle abondent, parmi eux L'Age des Extrêmes de l'historien britannique Eric Hobsbawm. Entre 1962 et 1987, Hobsbawm a publié trois ouvrages majeurs sur le dix-neuvième siècle (sa spécialité) dans lesquels il met en lumière les conséquences de la Révolution française, l'essor du capitalisme et la montée en puissance de l'Europe. Dans L'Age des Extrêmes, Hobsbawm se place en spectateur privilégié et "engagé" (p.24) du siècle qui l'a vu grandir. L'auteur admet d'ailleurs, dès les premières pages du livre, que son écriture s'inscrit dans « une démarche autobiographique » (p.22) et que malgré son statut d'historien, il ne peut « s'abstenir de juger » (p.24).
Sous titré « Histoire du Court Vingtième Siècle », L'Age des Extrêmes se concentre sur la période allant du début de la Première Guerre Mondiale à la chute de l'URSS en 1989. L'auteur insiste sur le déclin de l'Europe et sur l'importance de la révolution d'Octobre dans la survie du capitalisme. Par ailleurs, il considère la crise économique du début des années 1930 comme un évènement central du siècle (p.124).
Dans L'Age des Extrêmes, Hobsbawm envisage l'histoire comme un tout qui engloutit l'évènement. L'auteur s'inscrit ainsi dans une perspective de « longue durée » telle que l'a définie l'école des Annales. Les historiens des Annales proposent une « histoire subjective fondée sur des sources objectives. » Dans « Le Court Vingtième Siècle », la subjectivité de Hobsbawm - ses affinités avec la gauche - est indéniable ; une grande partie de son livre est ainsi consacrée à l'avènement et la chute du communisme dont il s'efforce de nuancer les aspects négatifs.
Dans son autobiographie , Hobsbawm souligne l'influence de l'école des Annales sur les historiens des années 1950. Hobsbawm inscrit L'Age des Extrêmes dans une perspective braudelienne dans le sens où l'histoire est ici envisagée comme une « histoire totale », un ensemble dans lequel tous les évènements historiques, toutes les transformations sociales sont interdépendantes. C'est ainsi que l'avènement au pouvoir d'Hitler en 1933 ou les camps de concentration ne sont pas considérés comme des éléments à part, ils sont au contraire traités comme des évènements s'inscrivant dans une dynamique générale de montée en puissance du fascisme dans l'Europe des années 1930 et 1940. Cette notion de « longue durée » qui implique un traitement non singulier des évènements est indissociable du tournant social qu'a pris l'historiographie au milieu du siècle. (...)
[...] Bibliographie Corpus : Hobsbawm, Éric, L'Âge des Extrêmes Histoire du Court XXè siècle, Éditions Complexes, Co- édition Le Monde Diplomatique, traduction française : 1999 (éd originale : 1994) Autres ouvrages : Cabanès, Jean Louis, Robert Kopp et Jean-Yves Mollier, Les Goncourt dans leur siècle : un siècle de Goncourt, Presses Univ. Septentrion Hobsbawm, Éric, Franc-tireur autobiographie, Ramsey (éd originale : 2002) Articles et revues : Braudel, Fernand, L'Histoire Totale, Sciences Humaines, no 23, mars 1996 Hobsbwam, Éric, Le Pari de la Raison Manifeste pour l'Histoire dans Le Monde Diplomatique, décembre 2004 Hobsbwam, Éric, L'Âge des Extrêmes échappe à ses censeurs dans Le Monde Diplomatique, septembre 1999 Rousso, Henry, L'Histoire du Temps Présent, vingt ans après dans le dossier L'histoire du Temps Présent, Hier et Aujourd'hui dans Le Bulletin de l'IHTP, no 75, juin 2000 Kurth, James, 20th century AD dans le National Interest, Été 1995 Hobsbawm, Éric, L'Âge des Extrêmes Histoire du Court XXè siècle, Éditions Complexes, Co-édition Le Monde Diplomatique, traduction française : 1999 (éd originale : 1994) Éric Hobsbawm est considéré par beaucoup comme l'un des plus grands historiens vivants. [...]
[...] S'en suit l'âge de la débâcle (début des années 1970 1991), synonyme pour les puissances européennes de décolonisation et de déclin. Après un bref aperçu de la situation dans le Tiers Monde, Hobsbawm se concentre sur les crises économiques des années 1970 et la chute du socialisme, limite temporelle de l'ouvrage. Le siècle s'achève ainsi dans un climat de crise à la fois morale et sociale (p.31). Bien que Hobsbawm n'adopte pas une attitude condescendante envers les pays les moins développés, l'histoire du vingtième siècle semble être pour l'auteur, avant tout, l'histoire des pays occidentaux. [...]
[...] En outre, la prise de position politique de Hobsbawm dans L'Âge des Extrêmes est perceptible tout au long de l'ouvrage qui s'apparente plus, par moments, à une ode au communisme qu'à un ouvrage historique sur le vingtième siècle. Dans la Préface, Hobsbawm reconnaît avoir accumulé sur des vues et des préjugés (p.13). Dans son autobiographie, il souligne l'influence que les écrits marxistes compris ceux de Staline) ont eue sur sa façon de voir le monde[8] Très rapidement, le communisme devient le fil rouge de l'ouvrage dans lequel la révolution d'Octobre est présentée comme l'évènement principal du siècle : Le résultat le plus durable de la révolution d'Octobre, dont l'objectif était le renversement mondial du capitalisme, fut de sauver son adversaire, dans la guerre comme dans la paix, en l'incitant, par peur, après la seconde guerre mondiale, à se réformer. [...]
[...] Dans L'Histoire du Court Vingtième Siècle», Hobsbawm propose une rétrospective détaillée de ce siècle qui finit mal (p.38). Pour ce faire, l'auteur s'attache à expliquer les causes des changements majeurs survenus au cours du siècle : le déclin de l'Europe, la suprématie du capitalisme et des États-Unis ainsi que la désintégration du bloc soviétique. Il conviendra de souligner que l'approche de l'auteur n'est pas simplement historique, elle est également culturelle et, à un moindre degré scientifique. En effet, il consacre deux chapitres à l'art (chapitres 6 et 17) et un chapitre aux sciences (chapitre 18). [...]
[...] La première partie, L'Âge des catastrophes (1914- 1945), met en lumière l'effondrement de la civilisation occidentale. Dans un contexte de guerres mondiales guerres de masse p.72-73) et de dépression économique, Hobsbawm analyse les causes de l'essor du fascisme : Les anciens soldats qui avaient traversé ( ) retirèrent parfois de l'expérience partagée de la mort et du courage un sentiment de supériorité incommunicable et barbare ( ) qui devait nourrir, après coup, les premiers rangs de l'extrême droite (p.50) Plus loin, Hobsbawm insiste sur les conséquences de la crise économique dans la montée en puissance du fascisme, sans cette crise, il n'y aurait certainement pas eu de Hitler. [...]
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