Il n'y a pas de plus bel exemple de ce que le terrorisme est nul en termes de gains politiques que l'histoire contemporaine de la Tchétchénie. Ni Beslan ni Budyonovsk ni Nord-Ost ni les multiples attentats dans le métro de Moscou n'auront au fond changé quoique ce soit : la Fédération, militairement plus forte, démographiquement plus nombreuse l'aura emporté sur la petite république sécessionniste, bafouant ce faisant le principe constitutif d'une République fédérale, soit son droit à la sécession.
Il aura fallu à la Russie tout de même deux guerres pour venir à bout des résistants tchétchènes, et ce, en partie grâce aux talents d'un jeune combattant d'origine arabe : Khattab. Ce dernier peut d'ailleurs être pris comme un exemple emblématique du guérillero fonctionnant à la manière d'un entrepreneur, colportant le savoir nécessaire à l'établissement de franchises. Franchises de quoi ? De quelle organisation ? Al Qaida ? Khattab a reconnu avoir rencontré Ousama ben Laden en Afghanistan. Travaillait-il pour lui et son organisation ?
[...] L'Afghanistan était alors un des pays les plus pauvres du monde. La résistance s'organisa dans les montagnes. L'occupation soviétique dura dix ans. C'est en Afghanistan que Khattab apprit l'art de la guerre : comment abattre un hélicoptère en vol avec un RPG, les points faibles à viser dans l'armature d'un char, comment poser une mine, comment en désamorcer une autre. Surtout, Khattab apprit à apprivoiser la mort[2]. Quand les Soviétiques se retirèrent d'Afghanistan en 1989, Khattab demeura au pays un temps. [...]
[...] Bassaïev, lui, est mort six fois en tout. La première fois, en 1999, les médias russes, sur la base d'une source crédible avaient annoncé sa mort, supposément à la suite de combats meurtriers entre deux factions rivales de combattants tchétchènes. Bassaïev était apparu quelques jours plus tard à la chaîne de télévision tchétchène pour mettre fin à la rumeur de sa mort. L'année suivante, des sources anonymes avaient affirmé que Bassaïev était mort d'un empoisonnement du sang à la suite d'une explosion qui avait emporté sa jambe. [...]
[...] La présence russe apporta un mouvement de contestation chez des intellectuels musulmans réformistes inspirés par la Turquie ottomane. Les djadids (c'est-à-dire les modernes) n'étaient pas des nationalistes. Ce qu'ils voulaient c'était une sorte de grand califat islamique à l'échelle de l'Asie centrale. En riposte, les Russes encouragèrent le camp des musulmans conservateurs. Les djadids étaient contenus pour un temps, mais l'idée d'un grand califat était une idée toujours bien vivante. Les djadids profitèrent de la guerre civile entre blancs et rouges pour édifier des gouvernements provisoires. [...]
[...] L'histoire de l'Afghanistan en est une de perpétuelle résistance. Les envahisseurs au XIXe siècle avaient été britanniques, puis russes au moment où se jouait un Grand Jeu entre l'Angleterre et la Russie pour se disputer, par armées locales interposées, le contrôle sur cette zone tampon entre l'Inde et la Russie. Les troupes britanniques avaient finalement dû renoncer et gardèrent un souvenir cuisant de la retraite de Kaboul quand une colonne de plusieurs milliers de soldats avec leur famille avait presque entièrement été décimée par une foule hostile. [...]
[...] cit., p Khattab connaissait depuis l'Afghanistan les mécanismes de financement utilisés par les Moudjahidin. Hormis l'argent que ces derniers recevaient de la CIA via les services secrets pakistanais (l'ISI ou Inter Services Intelligence), les Moudjahidin encaissaient beaucoup d'argent de riches donateurs saoudiens. De la même manière que ceux qui, en Occident, parrainent un enfant du tiers-monde sont portés à donner davantage lorsqu'ils voient des preuves de la réalité de leur contribution, les donateurs saoudiens aiment à voir des films vidéo montrant une attaque contre un convoi russe ou la décapitation d'un soldat infidèle. [...]
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