"Au nom de la justice et de l'humanité, nous demandons la destruction des lois exceptionnelles qui régissent un système d'injustice et d'oppression.[...] Le gouvernement doit, dans sa justice et sa sagesse, nous donner une législation conforme à nos moeurs, appropriée à nos besoins." Ces revendications, en Martinique puis en Guadeloupe, circulent clandestinement depuis novembre 1923 dans un opuscule - petit livre rouge de 32 pages imprimé à Paris- anonyme et intitulé De la situation des gens de couleur libres aux Antilles Françaises". Y sont rappelées, les diverses dispositions locales, qui, à l'instar des lois somptuaires - annulées sous domination anglaise- excluent arbitrairement les libres de couleur des professions jugées honorables et lucratives (avocat, notaire, médecin, chirurgien, pharmacien, orfèvre, horloger, charpentier, menuisier, serrurier, maçon, etc) , leur interdisent certains lieux publics, ou leur assignent telles ou telles places dans les églises et les théâtres... L'émotion croissante, régnant depuis 1803, fait dès lors place à l'effervescence et à la répression. Ainsi, s'ouvre la dite « affaire Bissette » ou « affaire des mulâtres de la Martinique ». Lui-même homme de couleur libre, concerné par les enjeux qu'il incarne désormais, Cyrille Charles Auguste BISSETTE (1795-1858), devient le symbole insolite de la défense des opprimés et du militantisme pour l'égalité voire la « fusion » des races durant plus d'un quart de siècle. Dans l'affaire Bissette c'est tout le fonctionnement humain, judiciaire, administratif et socio-politique des colonies françaises du XIXè siècle dont il est question.
[...] Sous la Monarchie de Juillet, Bissette participe activement à la vie politique française. Tout d'abord, c'est lors des discussions préliminaires à l'adoption de la Charte de 1833. Lorsque, en 1848, la question de l'abolition de l'esclavage entre dans sa phase finale, il est encore au premier plan alors que, jusqu'en 1924, aucune action ne le distingue particulièrement des autres membres de l'élite de la classe des gens de couleur libres. C'est après sa condamnation, que l'homme, au milieu des crises du système esclavagiste, passe de la notoriété à la célébrité et que l'on peut parler de l'affaire Bissette et de celle de la Grande-Anse. [...]
[...] En jouant de sa popularité, Bissette veut rompre les tensions puis rallier à lui les masses populaires. Il veut, dit-il la paix et une seule famille et clarifie alors ses intentions: Mes amis, ( . )ne devais-je faire de la conciliation que dans mes paroles, point dans mes actes? ( . ) Pour que cette réconciliation générale ( . ) fut sincère et loyale, il fallait la traduire d'une manière sensible aux yeux de tous dans un grand acte public. [...]
[...] Quant à sa carrière politique, Bissette l'entame en 1848 aux Législatives. En mars de l‘année suivante, revenant de l'exil et de la guerre, il est accueilli à Saint-Pierre triomphalement par une foule en liesse. Les anciens propriétaires d'esclaves et la majorité des nouveaux libres adhèrent à la politique dite Bissettiste de Bissette allié à Auguste Pécoul, un colon. À l'opposé, la majeure partie des anciens libres de couleur, les blancs démocrates et quelques nouveaux libres prennent part à celle, dite Schoelchériste de Schoelcher et Perrinon. [...]
[...] Bissette dénonce par écrit l'injustice des condamnations qui frappent les accusés. L'avocat Gâtine participe également à l'action menée par ces derniers. Tous deux protestent contre l'idée de conspiration venant des libres de couleur et l'assignent aux blancs. Rejoint par Fabien, ils adressent une requête au Roi en son conseil à fin d'autorisation de poursuites contre quatre hommes, accusés d'avoir provoqué cette horrible affaire Finalement, on convient que l'affaire de la Grande- Anse était fort peu de choses. En novembre 1836, tous les condamnés de 1834 sont graciés puis complètement amnistiés, à la grande satisfaction de La Revue des Colonies . [...]
[...] III-Du militantisme au Bissettisme "Consentons [ . ]à un mutuel oubli du passé et jetons loin de nous nos funestes divisions, nos préjugés d'un temps qui n'est plus, les vieilles récriminations qui ne font jamais l'affaire des partis et bien moins encore le bonheur du pays qui doit dominer et faire taire toutes les passions." Le projet -que l'on pourrait qualifier de doctrine coloniale- était d'aménager institutionnellement la hiérarchie des gens de couleur et à organiser leur passage insensible dans la classe des Blancs. [...]
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