Au XIXème siècle, la France renoue avec un passé colonial interrompu en 1763 par le traité de Paris qui avait permis à l'Angleterre de s'installer au Canada et en Inde. La France, après sa défaite de la guerre de Sept ans ne possède plus que des postes stratégiques isolés, des comptoirs ou des îles hérités de l'Ancien Régime et dispersés à travers le monde: la Guyane, les Antilles, Saint-Pierre-et-Miquelon, l'île Bourbon dans l'océan Indien, Saint-Louis et Gorée en Afrique. Avec la Restauration et la monarchie de Juillet, l'héritage grandit au large des côtes africaines (estuaire du Gabon, Grand Bassam), en Abyssinie, dans l'océan Indien (Nossi-Bé, Mayotte), dans l'océan Pacifique (archipel des Marquises, des Gambier), en Algérie où la France s'installe d'abord à Alger le 5 Juillet 1830, puis à Oran et Bône. En Juillet 1834, la France décide d'instituer un gouverneur dans les « possessions françaises dans le Nord de l'Afrique », après qu'une commission eût penché pour une occupation plus importante. Dès l'occupation d'Alger, d'Oran et de Bône affluent en effet, dans les fourgons de l'armée, des Français et des Européens, qui s'y installent et s'emploient à y trouver fortune. Cette décision de 1834 est importante car elle inaugure un nouveau type de colonisation avec occupation territoriale de l'intérieur. Peu après, en 1837, les Français s'emparent de Constantine, la capitale du beylik le plus important de la Régence. On tourne ainsi le dos à la formule des comptoirs: c'est une innovation majeure par rapport au passé, poursuivie par les Républiques suivantes. La IIIème République, qui s'achève en 1946, naît en 1870. A cette date, la France possède des colonies plutôt qu'un empire colonial, en ce sens que ce sont des éléments dispersés. De plus, les différents régimes précédant cette république parlementaire ont montré par leurs hésitations qu'ils n'avaient pas de véritable politique coloniale. En revanche, la IIIème République, du moins à partir de 1880, a témoigné d'une volonté de puissance que l'on retrouve chez les autres Etats européens. Il en a découlé un appareil administratif complexe. Le terme d'administration est utilisé ici dans son acception la plus large et recouvre toutes les formes d'organisation imposées par la métropole, des plus primitives de l'âge de l'implantation, aux plus évoluées, englobant des corps politiques, des instances ministérielles aux échelons les plus bas, se confondant largement avec les structures indigènes traditionnelles.
Une interrogation peut alors être soulevée: en quoi le système administratif des colonies françaises sous la IIIème République trahit-il une expansion métropolitaine au détriment des populations indigènes?
Afin de tenter d'y répondre, l'hétérogénéité de la vie administrative pourra tout d'abord être explicitée (I), avant de préciser qui en sont les acteurs ainsi que le rôle joué par chacun d'eux (II).
[...] Le droit d'initiative est, en fait, toujours tenu étroitement sous tutelle. On peut distinguer deux cas types: celui où la compétence des autorités coloniales et des autorités indigènes est clairement définie; celui où le partage n'est pas fait, ce qui permet l'intervention du colonisateur dans tous les domaines. Ces dispositions doivent être théoriquement inscrites dans les traités de protectorat. Ces derniers n'ont jamais constitué une catégorie de territoire homogène au sein de l'empire colonial français. L'on décidait d'un tel type d'organisation lorsqu' un Etat ou une autorité politique, acceptant de reconnaître la souveraineté tutélaire de la puissance coloniale, préexistait à l'arrivée des métropolitains. [...]
[...] Après le départ de Lyautey, ses successeurs multiplièrent les interventions directes métropolitaines, dont la plus célèbre est le fameux dahir berbère qui, en 1930, tendait à enlever au sultan ses pouvoirs sur les tribus berbères, que l'on prétendait rétablir ainsi dans leurs droits historiques. Le but était en fait de diviser Arabes et Berbères. Parmi les divers protectorats français, l'autre cas extrême est celui de l'Annam, théoriquement Etat protège, mais où s'affirment très vite les prétentions à l'administration directe. Le Laos, le Cambodge et la Tunisie avaient des situations intermédiaires; les droits des autorités autochtones y étaient moins ignorés qu'en Annam, mais moins bien précisés qu'au Maroc. [...]
[...] Une interrogation peut alors être soulevée: en quoi le système administratif des colonies françaises sous la IIIème République trahit-il une expansion métropolitaine au détriment des populations indigènes? Afin de tenter d'y répondre, l'hétérogénéité de la vie administrative pourra tout d'abord être explicitée avant de préciser qui en sont les acteurs ainsi que le rôle joué par chacun d'eux (II). I - Les conditions de la vie administrative; une hétérogénéité propice aux inégalités A - Les régimes d'exception originels L'entreprise coloniale n'a jamais été la mise en place immédiate d'un système administratif cohérent. [...]
[...] En Tunisie, on fut moins respectueux des apparences d'une autorité beycale, il est vrai fort limitée. Les Français, en Tunisie comme au Maroc, se sont ingérés dans l'administration elle-même, en mettant un haut fonctionnaire à la tête de tous les services, en flanquant les caïds de contrôleurs civils, en chargeant un secrétaire général du gouvernement de surveiller les rapports de l'administration centrale et de ses agents locaux. C'est ainsi la mise en œuvre des idées assimilationistes, dont les partisans se réclamant d'un universalisme jacobin, veulent promouvoir les idéaux des Lumières, par une administration directe et centralisatrice. [...]
[...] Il est, somme toute, normal que l'administration de populations considérées comme arriérées et en tout cas dépourvues de toute maturité politique reconnue, soit beaucoup plus proche de l'administration des sujets des monarchies traditionnelles que de celle des citoyens des régimes parlementaires contemporains. Il importe de préciser que cette concentration de l'autorité aux mais du haut personnage responsables se retrouve dans tous les empires coloniaux. L'origine du droit L'évocation du rôle des gouverneurs a cependant laissé entrevoir que la législation pouvait être forgée selon des processus forts différents. Les juristes français ont volontiers assimilé la colonisation d'Ancien Régime à l'assujettissement, où tout était fait du prince ou de ses agents. [...]
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