La signature de cet accord bilatéral conclu entre la France et l'Allemagne le 6 décembre 1938 traduit l'existence d'un contexte favorable à l'apparition d'une entente entre la France et l'Allemagne. Tout d'abord, l'anti-germanisme et le bellicisme français ont cédé la place, sinon à un sentiment germanophile dominant, du moins à une certaine forme de léthargie et de fatalisme dominée par un pacifisme triomphant qui transcende alors les antagonismes politiques.
Les coups de force menés pendant l'année 1938 par Hitler qui ne fait que mettre en œuvre son protocole dit d'Hossbach ne provoquent ainsi plus les mises en garde d'autrefois : la droite au pouvoir, si elle perçoit le renforcement du Reich à travers ses annexions successives, ne les considère pas moins comme inévitables.
En effet, tandis que le peuple autrichien approuvait avec 99,7% des voix exprimées le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne le 10 avril 1938 (jour de la nomination de Georges Bonnet, en pleine crise politique interne), Paul Claudel écrivait : « On nous a bourré le crâne avec l'Autriche qui visiblement a toujours désiré être rattachée à l'Allemagne ».
[...] En effet, en novembre 1937, lors de sa rencontre avec Franz von Papen, alors ambassadeur allemand en Autriche, Bonnet, accompagné de Chautemps, avait émis l'espoir d'un accord conclu entre la France et l'Allemagne afin de procéder à un partage de sphères d'influence en Europe (de la même manière que cela a été effectué plus tard entre les Etats-Unis et l'URSS à Yalta), l'Est revenant au Reich tandis que l'Ouest serait accordé à la France. C'est ce que les deux ministres des Affaires étrangères appellent des relations pacifiques et de bon voisinage entre la France et l'Allemagne c'est-à-dire une situation où l'un des protagonistes n'interfère en aucune façon dans la sphère d'influence de l'autre. Cela ne bride ainsi en rien les volontés expansionnistes nazies et semble apaiser la peur française du bellicisme allemand tout en confortant la puissance de la France pourtant, dans les faits, considérablement affaiblie vis-à-vis de son voisin. [...]
[...] L'accord du 6 décembre 1938 (Von Ribbentrop-Georges Bonnet) Les deux signataires de cet accord bilatéral conclu entre la France et l'Allemagne le 6 décembre 1938 dans le salon de l'Horloge du Quai d'Orsay sont d'une part J. von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Troisième Reich depuis le 4 février 1938 et dont les qualités de négociateurs avaient été appréciées par Hitler lors de ses succès au Royaume-Uni en juin 1935 permettant au Reich d'augmenter de manière significative les effectifs de sa marine, et d'autre part Georges Bonnet, ministres des affaires étrangères français depuis le 10 avril 1938 et anticommuniste notoire rejetant toute idée d'alliance avec l'Union Soviétique, grande absente des accords de Munich des 29 et 30 septembre 1938, et préférant mener une politique d'apaisement avec l'Allemagne. [...]
[...] De même, alors qu'Hitler anticipait la non-intervention de la France au vue de ces accords, la France déclarait la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939. Ce texte n'est donc qu'un chiffon de papier supplémentaire qui ne sert à répondre qu'à des enjeux de court terme et que les deux parties prévoient de bafouer afin de servir leurs intérêts si l'occasion venait à se présenter. Georges Bonnet lui-même est revenu sur ses déclarations relatives aux alliances françaises à l'Est le 26 janvier 1939 devant la Chambre des Députés, ce qui a d'ailleurs engendré un conflit entre von Ribbentrop et Robert Coulondre, ambassadeur français en Allemagne, le 6 février 1939. [...]
[...] Hitler planifiait d'ailleurs dès le 5 novembre 1937 à Berlin une guerre contre la France afin de venger la défaite de 1918. Du côté allemand, von Ribbentrop perçoit l'accord du 6 décembre 1938 comme la confirmation de la reconnaissance par la France des nouvelles frontières de la Grande Allemagne et donc des annexions successives auxquelles elle a procédé au cours de l'année 1938, y compris en ce qui concerne la Tchécoslovaquie. De même, le ministre des affaires étrangères allemand suppose que son homologue français reconnaît officiellement l'Europe de l'Est comme sphère d'influence exclusive du Reich, la France se désolidarisant des traités signés avec les Etats de cette zone, y compris avec la Pologne. [...]
[...] Il se cacherait en dessous de toute pierre plate pour y échapper Le gouvernement français n'était en rien prêt à mettre en œuvre sa politique d'apaisement, encore moins en ce qui concerne la Pologne. Derrière Bonnet, Daladier ne cherchait qu'à gagner du temps tout comme Hitler qui n'avait pas encore garanti ses frontières à l'Est par un accord avec l'Union Soviétique. Ce texte n'aboutit qu'à une conciliation des intérêts français et allemand sur le court terme dans la perspective d'une guerre franco-allemande inévitable. [...]
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