Au cours du XIX siècle, la Russie semblait prendre une voie un peu à part des grandes puissances : n'ayant pas connu de véritables troubles révolutionnaires jusqu'en 1905 elle restera pendant longtemps, malgré un brève période de réformation sous Alexandre II, un régime autocratique et réfractaire. Suite à la révolution de 1905, le régime paraissait se stabiliser : les concessions politiques de Nicholas II et une importante modernisation économique feront paraître la Russie comme une puissance d'avenir. Ainsi, lors des célébrations de l'anniversaire tricentenaire de la dynastie Romanov en 1913 rien ne semblait prédire une révolution. Cependant, juste quatre ans plus tard, la révolution fera éclater le régime autocratique – l'événement que WERTH appellera une « formidable accélération de l'histoire ». En effet, le 8 mars 1917, lors de la Journée internationale de femmes, une date importante dans le calendrier socialiste, les milliers de femmes traversent Petersburg, criant non-seulement « la paix et du pain », mais aussi « à bas l'aristocratie ». Pas arrêtées par les Cosaques, le lendemain les manifestantes sont rejointes par les ouvriers. Peu à peu, le mouvement gagna en force malgré les multiples arrestations. Cette journée du 8 mars sera le commencement de la fin de l'autocratie : face au risque d'une guerre civile en pleine guerre étrangère, les généraux et la Douma insisteront sur l'abdication de Nicolas II. Les quelques « cinq glorieuses » devenues révolution fut surprenantes : CHAMBERLIN nota, « la révolution en mars 1917 fut l'une des moins encadrée, des plus spontanées, des plus anonymes de tous les temps…Personne ne sut voir que les grèves [du] 8 mars allaient aboutir, quatre jours plus tard, au renversement du gouvernement. » Face à cette expérience, de multiples questions se posent. Pourquoi la révolution, si inattendue, parvient-t-elle en 1917 ? Quel est rôle de la guerre ? Le régime affronté aux multiples oppositions, notamment socialiste, pourquoi son effondrement prend-il une forme spontanée et soudaine ? Ainsi, en mars 1917, une révolution d'en bas et de caractère anonyme, mettant fin au règne autocratique, était-elle inévitable ? En effet, un renversement du régime autocratique semblait peu évitable, sa rigidité ancienne ayant échoué à épouser son temps malgré l'expérience révolutionnaire de 1905 (I). Toutefois, ce n'est qu'avec la Première Guerre mondiale qui contribue à la détérioration économique (II) et à la formation de l'opposition grandissante mais divisée, qu'une révolution, populaire et anonyme, paraisse inévitable (III).
[...] La société civile supplée à l'incurie de pouvoir et le discrédite Dans cette opposition croissante qui facilitera l'explosion de mars 1917, les institutions volontaristes joueront un rôle important dans la discréditation du pouvoir central. Le fait que le gouvernement central ne prît aucune disposition appropriée en matière de secours en cas de famine, de santé publique et d'éducation primaire, rendit les institutions locales indispensables. Le gouvernement central et ses fonctionnaires avaient donc le pouvoir sans compétence et les zemstvos la compétence sans le pouvoir Les inévitables conflits provoqués par cette situation constituèrent l'une des causes de la chute de la monarchie. [...]
[...] Nous pouvons donc conclure que le 8 mars 1917 constitue bien une spécificité dans l'histoire russe ou même internationale. Le début d'une révolution soudaine et spontanée, il manifeste toute une gamme de causalité. Quelque part inévitable suite à un système autocratique peu disposé aux transformations nécessaires, la révolution serait peut-être évitée sans la Première Guerre mondiale qui détériora l'économie et accentuera l'opposition. Le régime naissant des causes si diverses, un régime de compromis et de double pouvoir s'avéra aussi spontané dans ses conséquences que dans ses causes : huit mois plus tard une nouvelle révolution bousculera la Russie dans le camp socialiste. [...]
[...] l'histoire de la Russie de 1850 à nous jours, Paris, Nathan - LARAN, Michel, Russie URSS de 1870 à 1984, Paris, Masson - OXLEY, Peter, Russia 1855 1991 from tsars to commissars, Oxford University Press - RIASANOVSKY Nicolas V., Histoire de la Russie des origines à 1996, Paris, Robert Laffont - SCOT, Jean-Paul, La Russie de Pierre le Grand à nos jours : Etat et société en Russie impériale et soviétique, Paris, Colin Ouvrages spécifiques - DARBY, Graham, The Russian Revolution: Tsarism to Bolshevism, Longman - FERRO, Marc, La révolution russe de 1917, Flammarion - LYNCH, Michael, Reaction and Revolutions: 1881 1924, Hodder & Stoughton - SCHAPIRO, Léonard, Les révolutions russes de 1917, France, Flammarion - VICTOROFF-TOPOROFF, Vladimir La Première année de la Révolution russe, mars 1917-mars 1918, Berne - WALTER, Gérard, Histoire de la Révolution russe L'effondrement de la monarchie : février-mars 1917, Paris, Gallimard - WERH, Nicolas La Russie en révolution, Découvertes Gallimard Sitographie - http://monderusse.revues.org/ “Constituionnalisme de façade” Charlatan présent au cours pour soigner l'hémophilie de seul fils de Nicolas II, Alexis FERRO note, «dès février [mars] 1917, toute la société est en mouvement les nationalités, loi du centre, mal greffées sur le corps de l'Etat russe, puis les campagnes, les usines, les organisations de jeunes et de femmes, ls soviets et les autres comités s'émancipent Ceci constitue le cercle vicieux de Florinsky : chômage et manque de biens face à la demande croissante des biens, le transport détruit, la perturbation de commerce internationale, conduisent à la diminution de PIB, qui à son tour incite des nombreux licenciements et la diminution de production. [...]
[...] De la même manière, le Comité central des industries de la guerre sous direction de Goutchkov, se forma en 1915 pour centraliser l'effort industriel pour la guerre. Le constant mécontentement provoqué par l'incurie du gouvernement central poussa ces institutions authentiquement représentatives à revendiquer une participation dans la gestion du pays. Germes de Parlement, les nombreux fonctionnaires y travaillant devinrent de plus en plus critiques vis-à-vis le gouvernement. Sans rejoindre aux partis libéraux ou socialistes, ils constitueront une importante fraction d'opposition qui contribuera face à la guerre à élargir le fossé entre l'autorité centrale et la société d'une manière immédiate. [...]
[...] Face à la pénurie et aux défaites humiliantes, la révolution éclate spontanément Face à cette pénurie évoquée et selon G.P. Hosking, les soupçons qui divisaient les élites de la Russie les défaites militaires seront décisives dans la formation des attitudes : la défaite de Tannenberg (29 août 1914) et le succès très court de l'offensive de Brusilov (juin 1916), ainsi que plus d'un million de victimes préparera la société à un révolte explosif, soudain et improvisé. N'ayant pas été levés en temps de paix, les difficultés de temps de guerre susciteront un soulèvement à partir de la base, d'une foule anonyme abandonnée à elle-même. [...]
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