Le 29 octobre 1956, en pleine Guerre froide, alors que l'URSS tente d'écraser dans l'œuf la révolte hongroise sans que les États-Unis ne bougent le petit doigt, va éclater une crise majeure qui impliquera – parfois malgré elles – toutes les grandes puissances de l'époque. C'est la crise de Suez, ou Guerre de Suez. Guerre éclair, menée par les troupes israéliennes, françaises et britanniques opposées à l'Égypte de Gamal Abdel Nasser pour le contrôle du canal de Suez, le Raïs ayant décidé, quelques mois plus tôt, de nationaliser la compagnie en charge de la gestion du canal afin de financer les travaux du barrage d'Assouan.
Mais pour quelles raisons, et dans quel contexte cette guerre a -t-elle eu lieu? Comment y a-t-on mis un terme? Quels étaient les enjeux, secrets ou non, de cette lutte qui ne dura pas plus de dix jours ? Et enfin, quelles en furent les conséquences? Telles semblent être les questions essentielles qui se sont posées après la crise, et qui se posent parfois encore aujourd'hui. Car la crise de Suez a bel et bien bouleversé la situation au Moyen-Orient, sous de très nombreux aspects. D'abord parce qu'elle a contribué fortement à mettre un terme aux hégémonies britanniques et françaises dans cette région du monde. Ensuite parce qu'elle a été un exemple frappant de l'impossibilité pour les deux blocs – américain et soviétique – de s'affronter directement. Et enfin parce qu'elle joua un rôle très important dans le conflit israélo-arabe, conflit non encore résolu à ce jour.
Ce conflit est donc né, comme le mit en évidence Marc Ferro, «de l'interférence de plusieurs zones conflictuelles. En premier lieu, le champ de la guerre froide; ensuite, celui de la décolonisation qui concerne tant l'Angleterre au Moyen-Orient que la France au Maghreb; en troisième lieu, le conflit israélo-arabe. Ces trois champs d'action se télescopent, surtout avant l'expédition, et ils la prédéterminent. » Ce qui rend l'étude et la synthèse de cette crise
plus difficile encore...
[...] Cette explication, c'est une fois de plus Marc Ferro qui peut nous la donner, lorsqu'il écrit que «cette volonté réciproque des USA et de l'URSS, de décider, depuis, à eux seuls, du destin du monde, cette collusion bipolaire, si elle n'est pas vraiment le résultat de la crise de Suez, c'est Suez qui lui a donné corps, de façon spectaculaire. »79. Les jeux étaient faits, puisque les anciennes puissances coloniales venaient de subir un échec cuisant sur ce qu'ils considéraient jusque là comme leur propre territoire, ou du moins comme leur chasse gardée. Les deux blocs se retrouvaient seuls en scène, face aux Etats arabes désireux de faire enfin valoir leurs propres arguments. Car les USA et l'URSS venaient de ENDERLIN Charles, Op. cit., p KISSINGER Henry, Op. [...]
[...] 18- Le Pacte de Bagdad prévoyait une coopération défensive contre la menace soviétique. Signée également par l'Iran et par le Pakistan, elle conférait sans aucun doute une certaine autorité politique aux Britanniques sur la région, ce que Nasser ne pouvait admettre, d'autant qu'elle séparait de ce fait le Moyen Orient et le Maghreb, alors que le Raïs militait pour une prise de conscience d'une vraie identité arabe LLOYD Selwyn, Suez 1956 a personal account , London: Jonathan Cape p MILZA Pierre, Op. [...]
[...] 207- MILZA Pierre, Op. cit., p DELAPORTE Murielle, La politique étrangère américaine depuis Paris : Complexe p Collection Questions au XXe siècle FERRO Marc, Op. cit., pp. 96- Loc. cit., p faire la preuve qu'ils étaient «capables de se faire obéir de leurs satellites qu'il s'agisse de la Grande Bretagne ou même de la France pour les Américains, ou de la Hongrie81 pour les Soviétiques. Ce qui valut à Raymond Aron cet amer constat : connivence des Grands m'apparut pour ainsi dire évidente. [...]
[...] cit., pp. 181- MILZA Pierre, Les relations internationales 1945-1973. Paris : Hachette p FERRO Marc, Op. cit., p destitution de ce personnage devenu encombrant était l'une des conditions pour une victoire contre la résistance dans sa dernière colonie nord africaine9. Pourtant, le gouvernement français (et son Premier ministre Guy Mollet en tête) avait conservé ses vieux réflexes d'avant la Seconde Guerre mondiale, et son opposition farouche à l'empire britannique. Elle souhaitait donc poursuivre sa politique arabe anti-anglaise, tradition française au Moyen-Orient10. [...]
[...] cit Ibid LLOYD Selwyn, Op. cit., p MILZA Pierre, Op. cit., p FERRO M., Op. cit., p Ibid Loc. cit., p Les Français, pas plus que les Anglais, n'étaient prêts à une guerre immédiate, mais les contacts furent pris avec Foster Dulles, chargé par Eden de s'occuper de surveiller les Russes tout en se tenant à l'écart des combats. Après tout, lui rappela Pineau, les Américains, en refusant de financer Assouan, étaient en partie responsables de la crise51. Dulles accepta l'intervention franco-britannique tout en mimant une vertueuse indignation C'est seulement le 17 octobre que Shimon Pérès annonça à Ben Gourion que les Français et les Britanniques préparaient une intervention armée à Suez, et suggéraient la participation active des Israéliens. [...]
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