1789, une année cruciale, une référence incontournable de l'histoire de France, dont la dimension symbolique tient au fait que cette date témoigne d'une jonction primordiale dans le déroulement de l'histoire de notre pays : elle signe la fin de la monarchie absolue et le début d'une nouvelle ère républicaine. De ce fait, nous avons tendance à associer cette date clé à l'idée d'une rupture nette, d'un changement et d'un basculement complet. Aussi pouvons-nous nous poser une question légitime : 1789, du passé faisons table rase ? Cette date consomme-t-elle une rupture absolue avec le passé ?
Afin de cerner les limites de cette interrogation et de l'expliciter, il est important de préciser ce que l'on entend par l'idée de "table rase" ; nous en retiendrons deux sens : d'une part, "faire table rase" signifie "mettre de côté", "considérer comme nul" ce qui a été dit ou fait auparavant et d'autre part le sens philosophique de la "table rase", une tablette dont la cire est égalisée et sur laquelle rien n'est encore écrit.
Aussi se poser la question « 1789, du passé faisons table rase ? » revient à se demander si en cette année on rejette totalement le passé et on fait de 1789 un nouveau départ, vierge de tout évènement ou bien au contraire si cette année n'est pas celle d'une rupture totale avec le passé.
[...] Toutes ces rébellions qui parcourent le territoire français à la veille de la Révolution à proprement parler se dirigent contre les impôts, l'arbitraire des faveurs, l'étalage du luxe à la Cour, le prix du pain thèmes qui ne sont autres que ceux qui seront développés en 1789 ! Jean Nicolas a d'ailleurs illustré cela par un graphique très pertinent, illustrant le fait que 1789 est bien à l'issue d'un processus de maturation, d'un développement progressif des mouvements de contestation : Par ailleurs il est important de noter qu'avant 1789 il existe des contre- pouvoirs à l'autorité du roi qui participent à ce mouvement de contestation en se dressant contre l'absolutisme du roi et en tentant de faire passer des réformes sur les impôts mais qui se heurtent au lit de justice du monarque. [...]
[...] Cette idée ressort particulièrement à l'issue des Journées d'Octobre avec la mise en place et le renforcement des mesures répressives prévues par l'Assemblée contre les mouvements populaires. Le 19 octobre, l'Assemblée quitte Versailles pour Paris à la suite du roi dans un contexte économique difficile où le prix du pain est toujours très élevé. Or, le lendemain, un boulanger est pendu et décapité sur la place de Grève après avoir été accusé d'être un accapareur. Craignant pour sa sécurité, l'Assemblée utilise le prétexte de ce meurtre pour resserrer les mesures répressives des troubles : un décret est voté avec le plein accord du roi qui s'empresse de transformer ce dernier en loi qui devient la loi martiale organisant de façon très stricte la surveillance et la répression des émeutes populaires. [...]
[...] Des relents du passé Enfin l'idée selon laquelle en 1789 on fait table rase du passé peut être nuancée par le fait qu'à cette date il subsiste encore de nombreux éléments qui caractérisaient la société d'Ancien Régime. Tout d'abord, de nombreuses pratiques caractéristiques de l'Ancien Régime sont conservées. En premier lieu, la convocation des Etats Généraux, qui a lieu au tout début de l'année 1789, est une pratique qui existe depuis très longtemps et dont la dernière réunion date d'il y a 175 ans, c'est une procédure traditionnelle des institutions monarchiques. [...]
[...] Conclusion 1789 ne serait pas une année restée gravée dans nos mémoires depuis 220 ans si elle n'était pas une date clé hautement symbolique. Tout de suite, presque par réflexe, on l'associe à l'idée de rupture avec l'Ancien Régime et donc de table rase du passé dont on conserve une vision assez négative voire diabolisée par contraste avec l'engouement que suscite en nous, citoyens français, la Révolution : les évènements de 1789 sont devenus pour nous des symboles et les idées et conceptions véhiculées pendant cette année demeurent aujourd'hui encore au fondement de notre conception moderne du droit. [...]
[...] Or cette expression d' Ancien Régime , porte une connotation assez négative qui signifie clairement une rupture avec le passé. Ces termes apparaissent dès 1789 dans le Journal de Paris qui parle des abus de l'ancien régime pour les opposés à l'idée d'un système fiscal plus justement réparti. Ainsi, en 1789 on a le sentiment d'une période révolue définitivement puisque déjà ancienne Par ailleurs, en 1789, cette expression à la dénotation péjorative est inséparable d'un autre terme qui témoigne également d'un certain dégoût pour le passé : la féodalité En effet, en cette période, le mot féodalité est entaché d'une vision très négative. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture