Le caractère extrême du gaitanisme s'explique en grande partie par l'ouverture du système politique colombien au cours des années 30, grâce à la « révolution en marche » de Lopez. Gaitan voulait faire appel, au delà des limites d'un système déjà ouvert, au pays réel contre le pays politique, afin de sortir de l'opposition entre les deux partis traditionnels. Ce n'est, en termes de stratégie politique, qu'une tentative de débordement. Gaitan ne s'appuie pas sur des marginaux, mais sur des artisans, des commerçants . Ce mouvement a une idéologie moralisatrice, qui en appelle à l'ordre, l'unité, l'intégration nationale.
Jorge Eliécer Gaitàn Ayala (1898-1948) incarne au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale le sentiment populaire en sortant du système bipartisan classique dans les Etats d'Amérique latine. Son aura doit beaucoup à sa fin tragique : il meurt assassiné, le 9 avril 1948, quelques temps avant les élections de 1948 qu'il aurait vraisemblablement gagnées. Sa fin provoque de sanglantes émeutes à Bogotà (le Bogotazo) et ouvre une période de violences politiques (la violenza).
[...] Gaitan dénonce à de nombreuses reprises la mainmise de l' « oligarchie » sur toutes les sphères de la vie publique, donnant l'image d'un pouvoir étranger au peuple. Je ne reviens pas sur ce terme, déjà commenté au travers d'autres textes. Toutefois, Gaitan comprend aussi bien sous ce terme le pouvoir politique en place que les forces classiques, y compris celles qui sont loin d'être compromises par leurs liens avec le personnel politique actuel. Libéraux, socialistes et communistes sont eux aussi combattus comme des représentants de l'étranger, qui contribuent à maintenir une situation subordonnée, une prolongation de la colonie. Il s'inscrit ainsi contre Lopez, contre les communistes, contre la CTC (Confederacion de Trabajadores de Colombia).
[...]Ce discours repose sur une forte identification de l'orateur aux douleurs et aux aspirations des masses. Les allusions à sa vie personnelle sont nombreuses. Gaitan joue tout d'abord de son physique : la couleur de sa peau est un élément essentiel de son image. Elle donne du poids à son appel aux mulâtres. Lui-même se vit refuser l'entrée au Jockey Club, parce que métis. Pour dépeindre la souffrance des masses, il fait référence à son propre passé d'étudiant, personnellement confronté aux brimades de l'oligarchie blanche, et à la douleur personnelle qu'il a pu ressentir face à la destinée politique de l'Amérique latine avant guerre (...)
[...] Il retrouve ici les accents qu'on lui connaît depuis le massacre des bananeraies. C'est une prouesse oratoire d'arriver à mettre en avant la fierté de ces tâches pénibles, tout en montrant la nécessité de faire cesser cette situation. Gaitan tente ici de capter une part des soutiens de la CTC et d'autres organisations ouvrières, en inscrivant dans son programme des revendications syndicalistes. Notons encore une fois que Gaitan ne précise absolument pas de quel type de travail il s'agit, et qu'un ouvrier comme un paysan peut se reconnaître dans ce discours reposant sur une opposition à une modernisation venue de l'étranger, pernicieuse par essence. [...]
[...] Pour rendre réellement possible la nouvelle ère annoncée, Gaitan entend constituer le peuple, entendu comme masse, en une communauté, organiser les multitudes qui doivent être menées par des chefs, capitaines ou gonfaloniers Ce vocabulaire emprunte au lexique guerrier et en particulier aux milices populaires ; il rappelle l'époque des révolutions d'indépendance, avec des références implicites ou explicites à Bolivar ou Rosas. C'est donc un idéal du chef qui est mis en avant, avec des références qui confinent au mythe national. Ce discours repose sur une forte identification de l'orateur aux douleurs et aux aspirations des masses. Les allusions à sa vie personnelle sont nombreuses. Gaitan joue tout d'abord de son physique : la couleur de sa peau est un élément essentiel de son image. Elle donne du poids à son appel aux mulâtres. [...]
[...] L'opposition déjà soulignée entre oligarchie et peuple traduit les tensions du programme de Gaitan, qui entend mener de pair modernisation et réformes égalitaires, défense de l'essence nationale et nécessité du changement. Dans son discours, ce qui permet d'intégrer tous ces éléments est la référence à l'éthique : en transformant les problèmes politiques en choix éthiques, il s'identifie au bien et condamne les défenseurs du mal. A. Une volonté de rassemblement Gaitan, en tant qu'homme politique, est confronté à la diversité des intérêts populaires. Sa force repose avant tout sur sa capacité à prendre la parole, à improviser devant des foules de plus en plus nombreuses. [...]
[...] Ce discours est un exemple remarquable de rhétorique populiste au lendemain de la Guerre. Le charisme personnel de l'orateur est un élément essentiel de rassemblement populaire. Les espoirs et les défis lancés dans une opposition entre un passé d'oppression et un futur prometteur, lient à la fois des messages conflictuels et conciliants. La principale particularité de Gaitan est qu'il est à la fois membre actif du système politique et organisateur des masses populaires. Il apparaît clairement ici que Gaitan n'est pas un révolutionnaire, malgré le caractère radical de ses affirmations. [...]
[...] Une volonté de rassemblement B. L'unité des peuples d'Amérique : la spécificité du gaitanisme C. Un programme flou Le peuple est supérieur à ses dirigeants Le thème de l'oligarchie contre le peuple traverse la rhétorique de Gaitan. Ce discours aux Vénézuéliens reprend, de ce point de vue, les thèmes qu'il avait développés au théâtre municipal de Bogotà, le 20 avril 1946, sur la différence et les contradictions fondamentales entre l'oligarchie et le pueblo. Gaitan tente ici de sortir des structures représentatives. A. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture