"De ce jour date une ère nouvelle de la politique française", s'exclame le nouvel occupant de l'Élysée, Valéry Giscard d'Estaing, à 48 ans, après sa victoire aux élections présidentielles de 1974. Il remporte l'élection d'une étroite avance au second tour sur le candidat de gauche, François Mitterrand, ce qui révèle la bipolarisation de la vie politique française, et augure d'une césure avec la pratique de la Ve République : pour la première fois depuis 1958, un Président de la République n'est pas gaulliste, mais issu des républicains indépendants, groupe qu'il a fondé en 1962.
[...] En outre, il explique : "J'agis en tant que chef de l'État et selon ma conscience". Il exerce ainsi une dissociation entre le Président et entre l'individu qu'il est aussi, tout en s'autorisant à parler dans une allocution présidentielle en tant qu'individu. Cette possibilité aurait été inconcevable avant lui, De Gaulle ayant à chaque occurrence électorale remis en jeu sa légitimité. Il associait sa personne à la politique de la nation, et quand les Français rejettent un projet de référendum, il démissionne au lendemain des résultats. [...]
[...] Il insiste également sur le "désordre économique" que le Programme Commun amènerait s'il était mis en oeuvre. Il évoque notamment la question du "déficit budgétaire", et celle de la dépréciation du franc, ou encore du "déficit extérieur" qu'il illustre aussitôt par des précisions d'ordre pratique, en indiquant que les conséquences de ces questions économiques auront un impact sur tous. Il prend pour exemple "le revenu des agriculteurs et le prix du pétrole", qui dénotent la visée didactique de Giscard d'Estaing, soucieux d'interpeller les Français, et pour ce, se glissant dans leur quotidien de manière un peu artificielle, car les conséquences qu'il cite sont loin d'être immédiates. [...]
[...] La Constitution fait du Président un gardien, un garant et un arbitre. Giscard d'Estaing apporte une coloration bien personnelle à ce dernier terme qui peut englober plusieurs acceptions. Traditionnellement, on considérait que l'arbitre était, par définition, neutre, c'est-à-dire extérieur aux luttes de partis, De Gaulle tenant ceux-ci responsables des faiblesses des IIIè et IVè Républiques. Dans son discours, Giscard d'Estaing interprète le mot "arbitre" d'une façon différente, l'assortissant d'un rôle de régulation des conflits, et donc de jugement des écarts. [...]
[...] Certains iraient même jusqu'à lui rappeler ses propres échecs, au vu notamment de la situation économique déplorable de la France, malgré le plan de rigueur mis en place par Barre, et ses conséquences fâcheuses sur l'opinion française. Il a peut-être participé à la victoire de la majorité aux élections, et a sans aucun doute contribué à l'évolution de la pratique présidentielle, en préparant les esprits à ce que l'on appellera plus tard la "cohabitation", qui aurait été inconcevable sous l'ère gaullienne. [...]
[...] En mars 1977 ont lieu des élections municipales où Jacques Chirac, devenu dès décembre 1976 président du RPR, est élu à la mairie de Paris aux dépens de Michel d'Ornano, candidat de la majorité désigné par le Chef de l'État lui-même. Les municipales infligent une sévère défaite à la majorité dans toute la province, et mettent en lumière les rivalités de la majorité. Or, se profilent les élections législatives, qui constituent la prochaine échéance électorale . Une question lancinante apparaît alors dans le champ politique : quels seront l'attitude et le rôle du Président de la République si se produit un changement de majorité à l'Assemblée? [...]
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