A l'article intitulé « Paysan » du Dictionnaire Larousse du XIXème siècle on peut trouver ces mots : « la Grande Révolution fit du paysan français un homme libre, de la bête de somme attachée à la glèbe, un propriétaire du sol ». Si on s'attache au sens premier du mot émancipation (la sortie d'un état de tutelle, le fait d'acquérir son indépendance), le paysan français est donc un homme émancipé dès la fin de la Révolution selon Pierre Larousse. En effet, depuis l'abolition des privilèges lors de la nuit du 4 août 1789, le paysan français n'est plus systématiquement au service du seigneur local et ne doit plus s'acquitter des travaux de corvées et autres charges seigneuriales. Pour ce qui est des paysans des contrées germaniques, cette émancipation juridique n'interviendra que plus tard : le servage n'est aboli en Prusse que le 9 octobre 1807, le 1er mai 1808 en Bavière. Dans la réalité, l'ensemble des anciens serfs allemands ne seront véritablement libres qu'à partir des années 1820.
Si le terme « paysan » désigne initialement « l'homme du pays », c'est-à-dire, celui qui vit à la campagne, nous emploierons ce mot uniquement pour désigner les cultivateurs, ceux qui travaillent la terre de leurs mains. Ainsi, seront exclus du champ de notre analyse les bourgeois ruraux (médecins, notaires commerçants…) ainsi que les très grands propriétaires fonciers, qui ne sont pas exploitants de leur propres terres mais qui se contentent de les faire cultiver par d'autres pour en dégager une rente foncière (mêmes si ces hommes aiment à se faire appeler, à l'époque, « agriculteur »).
Si les paysans français et allemands sont juridiquement des hommes libres au milieu du XIXème siècle, sont-ils pour autant débarrassés de toutes formes de dépendance ? Les paysans sont certes juridiquement émancipés, mais on pourra se demander si leurs anciens maîtres n'exercent pas encore une certaine forme de tutelle sur eux. De même, si on considère que la faim et la misère auxquelles sont confrontés les paysans au XIXème est une forme de dépendance, alors les progrès de l'agriculture et l'augmentation des rendements de la production agricole entrent dans notre analyse comme une voie que les cultivateurs empruntent pour s'émanciper de la misère.
Quels moyens emploient les paysans français et allemands du XIXème siècle pour se débarrasser de toutes les formes de tutelles qui pèsent encore sur eux au lendemain de la Révolution ?
Nous verrons tout d'abord les voies qu'utilisent les paysans allemands et français du XIXème siècle pour s'émanciper de la misère qui sévit à cette époque dans les milieux ruraux, puis nous verrons par quels moyens ils échappent progressivement à la tutelle de leurs anciens maîtres avant de nous intéresser aux formes de revendications collectives qui se mettent en place dans le monde paysan du XIXème siècle.
[...] En Allemagne, la Prusse sert d'exemple avec un taux d'alphabétisation de 91% en 1841, alors que la France connaît encore 40% d'analphabètes : Parallèlement : recul de l'influence des Eglises au fur et à mesure que progresse l'instruction Publications agricoles se multiplient : ex. Journal d'agriculture pratique Le développement du courant agronome qui se bat pour la modernisation de l'agriculture incite à la création d'un enseignement professionnel agricole : Les premiers Instituts agronomiques (privés) sont réservés aux enfants des très riches propriétaires (Roville, Grignon, Grand-Jouan : fondés dans les années 1825-1830) Loi du 3 octobre 1848 : organisation de l'enseignement agricole : 3 niveaux : les fermes-écoles par département ; formations d'ouvriers et contremaîtres ; l'Etat prend en charge les dépenses d'enseignement et la pension des apprentis) ; écoles régionales (formation des chefs d'exploitation) ; Institut National Agronomique (ingénieurs ruraux) ; mais INA fermée en 1852 Second Empire : cour d'agriculture dans les écoles normales pour que les instituteurs donnent des leçons à tous les enfants L'extension progressif du suffrage à l'ensemble de la population permet aux paysans de s'émanciper progressivement de la tutelle de leurs anciens maîtres Suffrage censitaire : paysans n'ont pas le droit à la parole et doivent subir la double autorité du grand propriétaire local qui est souvent le maire ou le député. [...]
[...] Très souvent ces grands propriétaires sont les descendants des anciens seigneurs, surtout depuis la loi de 1924 dit du milliard des émigrés qui indemnise les nobles émigrés de la Révolution En Allemagne (notamment en Prusse avec le poids politique des grandes familles : les Junkers), la situation est encore pire : à la création de l'Empire allemand, dans la région de l'ancienne Prusse, sur 159 propriétaires de + de hectares sont nobles Les liens de subordinations aux anciens seigneurs n'ont pas disparu : En France, environ 3/4 des exploitations sont gérés en faire-valoir direct : c'est-à-dire que le propriétaire cultive lui-même sa terre. [...]
[...] Les paysans vont sortir vainqueurs du combat entre rentier et propriétaires exploitants Tout au long du XIXème : bataille autour de la propriété des biens communaux : dès la Révolution, les agronomes (courant qui prône le développement de l'agriculture) souhaite la disparition des droits et biens communaux (vaine pâture, droit de parcours des bêtes sur les friches, droits forestiers) : petits paysans refusent la vente de ces biens avec vigueur (plusieurs oppositions : ex Code Forestier de 1827 : Guerre des demoiselles de 1829 à 1831 en Ariège). Au cours du XIXème : communaux de l'Ouest et du Nord sont largement vendus, ceux de l'Est et du Sud se maintiennent. [...]
[...] Si le terme paysan désigne initialement l'homme du pays c'est-à-dire, celui qui vit à la campagne, nous emploierons ce mot uniquement pour désigner les cultivateurs, ceux qui travaillent la terre de leurs mains. Ainsi, seront exclus du champ de notre analyse les bourgeois ruraux (médecins, notaires commerçants ) ainsi que les très grands propriétaires fonciers, qui ne sont pas exploitants de leur propres terres mais qui se contentent de les faire cultiver par d'autres pour en dégager une rente foncière (mêmes si ces hommes aiment à se faire appeler, à l'époque, agriculteur Si les paysans français et allemands sont juridiquement des hommes libres au milieu du XIXème siècle, sont-ils pour autant débarrassés de toutes formes de dépendance ? [...]
[...] Progressivement ils se sont débarrassés des derniers vestiges de l'ordre féodal tout en s'émancipant de la misère. Devenus des professionnels indépendants, ils s'organisent et développent de nouvelles formes, parfois violentes, de revendications. [...]
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