Mucha, peintre tchèque et fer de lance de « l'Art Nouveau », émigre en 1879 à Vienne pour travailler sur une grande entreprise de décors de théâtre. En 1900, Vienne est la capitale de l'Empire austro-hongrois. Entre les trois villes que sont Vienne, Prague et Paris, sa venue à Vienne témoigne de l'intérêt porté à la ville d'art et de modernité artistique à la fin du XIXè siècle. Vienne s'affirme en effet, au tournant du XXè siècle, comme une ville de modernité. L'Europe est en effet engagée dans la modernité par le capitalisme industriel, la révolution des transports et un nouveau mode de vie.
A l'image de Paris et de Haussmann, la ville de Vienne se métamorphose dans un dessein modernisateur. Mais la ville autrichienne se pose la question de son identité sociale, culturelle et artistique. A la suite de la défaite contre la Prusse et de la fin de l'idée de la « Grande Allemagne », réunissant l'Allemagne autour de l'Autriche, et face à l'unité allemande, l'Autriche est confrontée à l'obstacle de l'identité autrichienne. Vienne cherche à définir son identité propre, par la différence de l'identité allemande. Même si Vienne apparaît comme une ville moderne par l'avant-gardisme intellectuel, scientifique et artistique, la ville demeure engluée de ses inégalités sociales et est confrontée à l'antisémitisme, comme solution au problème identitaire. Vienne se distingue en réalité de Paris, en ce qu'elle n'a pas connu la démocratisation du régime. Le régime est en effet une un empire qui allie une double monarchie : l'Autriche et la Hongrie, avec pour empereur François-Joseph.
On peut donc se demander quelle identité possède Vienne au tournant du XXè siècle. S'agit-il réellement d'une identité qui rompt avec le passé ou n'est-ce pas uniquement une volonté d'afficher la modernité comme progrès et insertion dans l'Europe ? Nous analyserons donc de quelle manière Vienne conjugue une diversité culturelle et des inégalités sociales, mais aussi quelle image et quelle identité la reconstruction de Vienne a pu créer et enfin, nous étudierons comment la ville de Vienne a pu être qualifiée de « berceau de la modernité » intellectuelle.
[...] Rapidement, ils sont écartés de la sphère politique. L'antisémitisme se diffuse largement chez les étudiants. Mais alors que l'antisémitisme en France s'illustre par des critiques religieuses, l'antisémitisme autrichien reste tout de même essentiellement économique à l'origine. Il faut rappeler que 1866 a marqué la victoire de la Prusse sur l'Autriche, ce qui impliquait la ruine de la Grande Allemagne rassemblant l'Allemagne autour de l'Autriche. L'Allemagne s'est construite dès à présent autour de la Prusse par le personnage de Bismarck. Mais l'unification de l'Allemagne attise le sentiment national en Autriche. [...]
[...] Mais la Vienne sociale est divisée. Il existe, en Autriche, une grande fracture entre la bourgeoisie et l'aristocratie. En réalité, il faut rappeler que la bourgeoisie autrichienne n'a jamais vaincu l'aristocratie. Deux cultures se sont ainsi développées en opposition : la culture bourgeoise, et la culture aristocratique. Les ouvriers, artisans et paysans forment un troisième groupe social, mis à part. Toutefois, la ville multiethnique et multiculturelle, divisée, cherche à diffuser son identité propre. On exalte en effet la spécificité viennoise, avec des formules telles que l'humour viennois l'air de Vienne Pour Emile Durkheim, pionnier de la sociologie, Vienne est la représentation du malaise social. [...]
[...] Dans la nouvelle Vienne, les cafés ont une fonction sociale. Le café viennois sert de modèle aux capitales européennes depuis l'exposition universelle de 1878. Se réunissaient des représentants de tous milieux, même si la clientèle est plutôt bourgeoise. Les conversations, jeux et journaux sont sujets à la rencontre d'une certaine couche de la population viennoise. On y diffuse le Feuilleton français, qui est repris encore dans les journaux germanophones en tant que page de culture. Ainsi, considérée comme une métropole où les choses se passent et par son prestige culturel, Vienne devient une ville de mode en Europe. [...]
[...] Ainsi, le microcosme qu'est devenu la ville de Vienne tend à s'effriter par la complexité des structures sociales et par sa stratification rigide, donnant lieu à de nombreuses et grandes inégalités sociales. Ainsi, le durcissement des frontières sociales entraîne un mouvement de recherche identitaire. Les inégalités sociales sont effectivement très fortes à Vienne. On peut voir par les loisirs et divertissements viennois la différenciation qui est faite entre catégories sociales. Le Prater illustre bien cette idée. Les jardins du Prater suscitaient beaucoup d'intérêt et la haute société s'y pavanait. [...]
[...] En 1897, l'empereur en est contraint. En 1900, les libéraux sont écrasés par les mouvements de masse modernes : chrétiens, antisémites et socialistes et nationalistes. Karl Lueger parvient au pouvoir grâce à une forte tradition catholique, il envisage par ailleurs une rechristiannisation de l'Empire. Toutefois, des associations et groupes viennois luttent contre l'antisémitisme prôné par Karl Lueger, comme le Verein Abwehr des Antisemitismus communauté de chrétiens, dès 1891. La société autrichienne stagne dans une impasse politique, sociale et nationale. Les échecs de l'unité nationale, de la justice sociale, mais aussi de la prospérité économique au sein de l'Autriche entraînent une grave crise de confiance dans le libéralisme. [...]
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