Dans l'Empire ottoman, l'Islam domine la vie sociale dans son ensemble. Il perce à travers tous les principes, les décisions politiques, juridiques, culturelles et sociales. L'Empire ottoman reconnaît toutes les religions et leurs droits respectifs. Dès la deuxième moitié du XIXe siècle, l'Empire ottoman prend le chemin d'une sécularisation progressive du régime.
Durant le XIXe siècle, les idées de la Révolution française pénètrent au sein des élites ottomanes qui essayent de comprendre les raisons de la suprématie de l'Occident, ces idées offrent un cadre plausible. Le pouvoir Jeune-Turc, plus radical, sécularise davantage pendant la période des guerres. Ce siècle a préparé le terrain aux réformes radicales du kémalisme.
La sécularisation de la Turquie et de la société turque ne date pas de la République. En Turquie, la laïcité ou laiklik est considérée comme la raison de la modernité plutôt que de la démocratie. La laïcité en Turquie suit un tout autre chemin que de celui de son modèle français. En France, la laïcité se caractérise par la séparation des affaires de l'État et de l'Église, par la neutralité de l'État envers les autres religions et par la sécularisation de l'espace public.
En Turquie, les affaires religieuses ne sont pas autonomes, mais sont réglementées par l'État. Mustafa Kemal (1881-1938) impose donc la modernité de façon autoritaire à partir de l'abolition du califat, le 3 mars 1924. Atatürk souhaite une rupture radicale avec le passé ottoman et souhaite prendre ses distances avec les pays musulmans, notamment avec les pays arabes. Il souhaite faire entrer la Turquie dans la civilisation occidentale. Dans les années 1950, avec l'avènement de la démocratie, l'Islam resurgit dans la vie quotidienne des Turcs.
[...] Les ulémas contrôlent une bonne partie des écoles et les lois concernant la famille et les questions personnelles. Leur autorité leur permet de défier la République. Le laïcisme devient l'idée fondatrice de la République turque. Pour les kémalistes, le modernisme rime avec le sécularisme, voire l'irréligion. Ils voient en l'Islam la principale cause du retard de la société turque dans tous les domaines. L'abolition du Califat en 1924 est l'acte le plus symbolique de la politique kémaliste et celui qui a le plus grand retentissement dans le monde musulman. [...]
[...] Un regain d'intérêt croissant pour le culte implique de reconsidérer l'enseignement religieux dans le supérieur, la faculté de théologie rouvre ses portes en octobre 1949 à Ankara et relève du ministère de l'Éducation nationale. Pourtant le manque d'hommes capables d'enseigner la religion à l'école et d'exercer des fonctions religieuses laisse le champ libre aux fanatiques. La fréquentation des mosquées s'accroît. Les textes en arabe réapparaissent dans les lieux publics. Les publications religieuses ne cessent de se multiplier comme les ouvrages de piété populaire, les essais sur l'Islam, les biographies du prophète, les commentaires du Coran, etc. [...]
[...] Le caractère séculaire et même anti-religieux est adouci dans les années 1950, lorsque le passage du multipartisme amène, au pouvoir de 1950 à 1960, le parti Démocrate dont les bases électorales sont issues des couches populaires conservatrices du pays. Le succès du parti Démocrate en 1950 est vu par les islamistes comme le succès de l'Islam. La religion devient un argument électoral de poids, utilisé par tous les partis. La restauration de la démocratie permet à presque toutes les tendances de l'opinion de s'exprimer avec plus de liberté. Les dirigeants religieux en profitent pour proclamer leur hostilité à la laïcité et exiger le rétablissement de l'Islam. [...]
[...] Les réformes kémalistes entre 1924 et 1938, une rupture radicale 1. Une rupture nette avec le passé Mustafa Kemal souhaite construire un nouvel état non fondé sur une dynastie, un empire ou sur une foi mais fondé sur la nation turque. Idéologiquement Kemal est l'héritier des Jeunes-Turcs ; comme eux, il est partisan de l'occidentalisation du pays. Ainsi la laïcité relève d'un mouvement d'occidentalisation par la voie législative sans tenir compte de l'avis du peuple. Selon les kémalistes, le principe de la laïcité est la condition de l'indépendance de la nation. [...]
[...] Le Parti de la Justice et du Développement dispose de la majorité nécessaire pour procéder à des réformes constitutionnelles et à la démocratisation du pays. L'Islam fait désormais partie intégrante de la vie politique. Lors des élections de juillet 2007, le Parti de la Justice et du Développement est réélu. Selon un sondage pour des Turcs, la laïcité ne semble pas menacée par le Parti de la Justice et du Développement. Pourtant en avril-mai 2007, des millions de Turcs manifestent à Istanbul, Ankara, Izmir pour défendre la laïcité et expriment diverses craintes. [...]
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