En août 1868, en pleine nuit, dans le Mississippi, une troupe de cavaliers encagoulés et vêtus de longues tuniques blanches s'arrête devant la demeure d'une famille noire. Ils y maltraitent les enfants, attachent le père à un poteau, le soumettent à un simulacre de procès puis finissent par le torturer avant de l'achever par balle. Le lendemain matin son corps est retrouvé accroché à la porte de sa maison, avec en bandoulière, la sinistre signature « KKK ».
À la même époque, en Russie, la masse rurale sombre dans la prolétarisation. Ce paradoxe montre toute l'ambiguïté de l'émancipation des serfs en 1861 et des esclaves en 1863: alors que l'émancipation est censée faire accéder les affranchis à leurs pleines capacités juridiques, ils s'en trouvent entravés.
Il convient de s'interroger sur les modalités et la forme d'émancipation des serfs en Russie et des esclaves aux États-Unis.
[...] L'émancipation est compromise par l'inexistence d'une réforme de l'administration pour permettre aux d'individus libérés d'exercer leurs droits civils. Aux Etats-Unis, les anciens esclaves maintenant libres sont aussi victimes de la grande déception consécutive à l'émancipation: les conditions de vie sont tout aussi difficiles que pendant l'esclavage. La dépression agricole aggrave les tensions sociales: les Noirs sont tenus responsables de cette période de déflation, ce qui a pour conséquence l'émergence d'un violent racisme. Les propriétaires tentent de reprendre le dessus et d'établir leur autorité. [...]
[...] Koselev, lui, veut accorder un lot de terre aux paysans en garantissant un dédommagement aux propriétaires. Cette élite russe est vite relayée par les catégories concernées, les serfs. Même si les seigneurs n'ont pas le droit de vie ou de mort sur eux, mais seulement un droit de propriété, les serfs sont souvent victimes de punitions, telles que les coups de fouet ou les coups de bâton. Ce genre de remontrances les poussent à prendre conscience de leur sort. Les premiers soulèvements se produisent lors des guerres napoléoniennes, lorsque les seigneurs décident de déplacer les serfs vers le centre du pays. [...]
[...] Le 15e amendement est la consécration de l'émancipation. Il indique que le droit de vote des citoyens des Etats-Unis ne sera dénié ou limité par les Etats-Unis, ou par aucun Etat, pour des raisons de race, couleur ou de condition antérieure de servitude. Les affranchis se lancent désormais avec enthousiasme dans la lutte politique. Cet éveil politique est activé par de nombreux Noirs libres venus du Nord: pasteurs, éducateurs, aventuriers, tout républicains comme James Lynch venu du Mississippi, et des carpetbaggers des blancs venus participer à l'émancipation dans le Sud ou recruter des Noirs dans les partis républicains du Sud. [...]
[...] Il est également victime des pressions des républicains radicaux de son parti, qui sont de fervents abolitionnistes. L'émancipation des esclaves est un moyen d'atteindre des objectifs de guerre: grâce à elle, des Noirs sont ainsi recrutés dans les milices et dans les rangs de l'Armée fédérale. En Russie, Alexandre Ier, arrivé au pouvoir en 1855, prend vite conscience que le système de servage rend les masses paysannes très pauvres et peu productives, souvent alcooliques, et que la minorité aristocratique profite de la situation pour vivre dans le luxe. [...]
[...] D'un point de vue politique, les anciens esclaves aspirent à devenir des citoyens américains à part entière, mais ils ne veulent pas se mêler socialement aux Blancs, préférant rester entre eux. Les Noirs ne sont majoritaires qu'en Caroline du Sud, et la participation politique des Noirs est marginalisée dans la plupart des Etats, où ils sont écartés des commissions importantes et systématiquement exclus de toute fonction locale. De 1870 à 1890, alors que fermiers blancs et fermiers noirs se côtoyaient pour faire pression sur le gouvernement des Etats, à partir de 1890 les Noirs servent de bouc émissaire. [...]
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