[...] S'y ajoutent des lois affirmant la laïcité de l'Etat, avec en 1880 la fin du repos légal le dimanche, et en 1884, l'abolition des prières publiques au début des sessions parlementaires, plus la fermeture des écoles et des couvents appartenant à des congrégations religieuses non explicitement autorisées. Les tribunaux sont laïcisés, même si on continue à y prêter serment "devant Dieu et devant les hommes". La même année, la loi Naquet ré-autorise le divorce, non pas dans une optique libérale (les conditions pour l'obtenir sont draconiennes, et la loi réprime plus sévèrement l'adultère quand il est le fait de la femme) mais par opposition au principe catholique de l'indissolubilité du mariage.
Les mesures scolaires (cf. Jules Ferry), volet capital de l'oeuvre de la Troisième République, ont aussi un net aspect anticlérical : affaiblir une Eglise qui a pris le parti des ennemis de la République, et dont les conceptions sont antilibérales. On ne peut cependant les réduire à cela. Elles sont, pour les républicains, héritiers des Lumières, le complément du suffrage universel : chacun doit pouvoir se faire une opinion avant de voter, donc savoir lire. Enfin, les progrès de l'enseignement doivent déboucher sur un progrès matériel général.
En pratique, sous la houlette de Ferry, qui cumule significativement présidence du Conseil et ministère de l'Instruction publique, il s'agit d'abord de débloquer des crédits ; entre 1879 et 1883, le budget de l'Instruction triple ; avant de rendre l'école obligatoire, il faut la mettre à la disposition de tous, en en créant là où il n'y en pas. Il faut aussi, en 1881, la rendre gratuite pour tous et pas seulement, comme avec la loi Falloux, pour les indigents. Il faut enfin la rendre laïque, pour accueillir tous les enfants, quelle que soit leur religion ou leur absence de religion, et leurs convictions ou celles de leur famille (...)
[...] Par ailleurs, les opportunistes se présentent désormais comme conservateurs. Le syndicaliste rural Emile Guillaumin dans La vie d'un simple, biographie d'un paysan du Bourbonnais, note que "L'ancien républicain intransigeant qui faisait jadis à l'empire une opposition farouche était devenu le bon bourgeois de gouvernement ayant la crainte et le mépris des extrêmes, du côté rouge comme du côté blanc". II) Divergences et crises Quoi qu'on pense de ce bilan, il est mis en danger par la situation économique, des tensions chez les républicains, et surtout la crise boulangiste, qui, un moment, paraît pouvoir emporter le régime. [...]
[...] la politique de Ferry) un moyen d'évangélisation. Il peut s'entendre avec les opportunistes, pour qui l'anticléricalisme n'est pas produit d'exportation. Léon XIII précise l'engagement social de l'Eglise, en condamnant le socialisme et le libéralisme capitaliste, avec l'encyclique Rerum novarum en 1891. Pour lui, aucun régime n'est mauvais en soi, et ce sont les législations qui doivent être combattues ou amendées (Encyclique Libertas, 1888) C'est inciter les catholiques à accepter la République. En 1890, Monseigneur Lavigerie, évêque d'Alger, recevant des officiers de marine, porte un toast demandant une "adhésion sans arrière pensée" à la République. [...]
[...] Ils sont pour les compromis. Ils ont accepté un Sénat, un président de la République, voulus par les orléanistes, étrangers à la tradition républicaine, mais qui étaient le prix à payer pour établir le régime. Ils acceptent le Concordat, entorse à la laïcité de l'Etat, mais qui permet un contrôle sur l'Eglise. Les radicaux, eux, veulent forcer les choses, réviser la constitution pour l'épurer des scories monarchistes, séparer l'Eglise de l'Etat, abolir l'armée permanente, remplacée en cas de guerre par la levée en masse, faire élire les juges. [...]
[...] Ce massacre est resté longtemps le symbole de la répression par une République plus dure aux ouvriers que le Second Empire. Cela dit, il ne faut pas caricaturer, des lois sociales sont votées : à la suppression du livret ouvrier s'ajoutent en 1892 la réglementation du travail des femmes et des enfants dans l'industrie, la retraite, mais des seuls mineurs en 1894, un système d'assurance, en 1898, contre les accidents du travail, dont la responsabilité est attribuée (sauf preuve du contraire) aux employeurs, et avec une loi de 1893 l'assistance médicale gratuite, premier élément du dispositif d'assistance publique d'Etat en place jusqu'à 1914. [...]
[...] En fait, il réunit ceux qui détestent les opportunistes. C'est "le grand dégoût collecteur". Son style et les circonstances en font l'homme du nationalisme, de l'antiparlementarisme (car les opportunistes dominent l'Assemblée), bref d'un néo-bonapartisme cocardier et autoritaire. L'alerte est chaude. On serre les rangs. En décembre 1887, lorsqu'il faut remplacer Grévy, Clemenceau a poussé le polytechnicien Sadi Carnot, petit-fils de Lazare, fils d'Hippolyte ; la République s'offre une dynastie : Ferry, dont on oublie aujourd'hui qu'il était détesté par beaucoup, est écarté; Clemenceau, l'homme de la gauche radicale, donne l'exemple de l'unité en poussant un homme favorable à l'apaisement religieux et dont il dit qu'il n'est pas très intelligent, que c'est un réactionnaire, mais qu'il un beau nom républicain"; ce que l'on traduit par la formule "je vote pour le plus bête". [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture