Si la question de la politique migratoire en France n'a pas toujours été apparente, il n'en demeure pas moins qu'elle a toujours existé. On en trouve d'abord les prémices dans les années 1930 avec des choix décisifs qui visent à l'organiser et à la coordonner. Objet de nombreux débats, comme la question de la distinction des réfugiés selon des critères politiques ou économiques, la politique de l'immigration française trouve une première orientation à la Libération, avec l'affirmation d'une éthique républicaine par le gouvernement provisoire issu de la Résistance. Mais c'est la pratique qui tranche ces principes, avec pour résultat une politique qui finalement n'a de cesse de se chercher pendant quarante ans. Ainsi, alors qu'au milieu des années 1970, certains veulent des retours massifs forcés face à la crise, au début des années 1980, d'autres acteurs politiques désirent au contraire libéraliser les flux. Ce n'est qu'au cours des années 1980 qu'enfin on semble aboutir à un consensus, et à l'élaboration d'une règle du jeu commune. Cette politique française de l'immigration est singulière, parce qu'elle a été produite par son histoire.
[...] Elle est notamment due à l'attribution le 20 septembre 1947 de la citoyenneté aux musulmans d'Algérie, qui légalise leur liberté de circulation en métropole. C'est donc toute la politique migratoire qui peu à peu se réorganise autour du problème algérien. Entre 1949 et 1955, l'inefficacité des planifications ainsi que le ralentissement de l'activité économique freinent l'arrivée d'autres travailleurs, au bénéfice des Algériens. En 1956, en réaction à ce phénomène, l'Etat décide alors de favoriser l'arrivée spontanée d'autres nationalités en permettant d'embaucher sur place les travailleurs arrivés par leurs propres moyens, pour tenter de résorber l'immigration algérienne. [...]
[...] Avec l'article 6 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, une définition juridique de l'immigré est mise au point, et le définit comme la personne née étrangère à l'étranger qui s'installe sur le territoire national, au-delà d'une durée de trois mois, de façon continue et pour une période indéterminée Cette ordonnance affiche la France comme un pays désireux d'accueillir des immigrés. Elle prend le contrepied de l'épisode de Vichy et réaffirme ses principes républicains. Pourtant, l'application concrète de ces ordonnances va provoquer des arrivées en masse, à un point tel qu'en 1974, lorsque l'immigration sera stoppée, on comptera 3,5 millions d'étrangers. [...]
[...] Ainsi, si entre 1940 et 1945 s'opère une rupture dans la manière de traiter les immigrés, avec une logique de hiérarchie ethnique qui s'impose, la tradition républicaine est rétablie à la Libération. C'est donc à partir 1945 que se produit officiellement l'avènement du principe républicain, dont l'on peut observer l'application tout au long des Trente Glorieuses. Une véritable politique d'immigration se structure peu à peu. Par la circulaire du 21 décembre 1944, les droits des réfugiés d'avant- guerre sont rétablis. Le principe ethnique est sévèrement dénoncé et abandonné. Par ailleurs, la protection du réfugié politique, dans ce difficile contexte international, reprend la place centrale des débats. [...]
[...] C'est l'application des principes clamés à la Libération qui montre vite les obstacles auxquels la France doit se confronter. Pourtant, parler d'une politique de l'immigration proprement dite, c'est avant tout reconnaitre l'existence d'orientations officielles qui organisent l'action publique et qui doivent être autonomes par rapport au combat politique, aux cycles électoraux notamment. Ainsi, ce n'est que par la constitution au cœur de l'Etat d'un secteur avec ses propres caractéristiques que cette autonomie peut être reconnue. La difficulté réside alors dans le fait que l'immigration a un statut très particulier : en plus de focaliser le débat politique, les décideurs sont nombreux et dispersés. [...]
[...] Selon l'historien Patrick Weil, ce n'est qu'en 1984 que se met réellement en place le consensus national autour de la question des politiques migratoires. La maitrise des entrées sur le territoire se fait plus ferme, la stabilisation des étrangers installés en France est recherchée, et la politique d'aide au retour est abandonnée. Avec l'arrivée cependant au sein de la sphère politique du Front National, le débat politique se cristallise autour des idées propagées par ce parti. Si aujourd'hui on peut estimer qu'il n'y a plus, excluant le Front National, de clivage réel entre gauche et droite sur le traitement à infliger aux immigrés, on remarque que la différence se situe surtout dans le degré d'application de ces principes. [...]
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