Les pays ibériques, soit l'Espagne et le Portugal et leurs dépendances insulaires (Baléares, Canaries, Açores, Madère) appartiennent géographiquement à l'Europe du Sud et entrent - avec quelque inexactitude - dans ce que la Communauté Européenne a convenu d'appeler aussi « l'Europe méditerranéenne ». Longtemps restées à l'écart de l'Europe, les nations au sud des Pyrénées sont devenues tardivement, en 1986, des membres de la CEE, au cours du second élargissement qui avait vu aussi la Grèce rejoindre l'Europe communautaire (en 1979), conduisant ainsi à la formation de l'Europe des Douze. Plus difficile que le premier, ce second élargissement a été un succès à la fois pour la Communauté - qui y a vu une partie importante de la « relance européenne » et pour les deux pays, dont l'histoire singulière au XXe siècle, sans commune mesure avec celle du reste de l'Europe occidentale, se conclut par une pleine intégration, ou réintégration, dans l'Europe en construction et quelques années plus tard, par leur entrée dans la zone euro.
Parmi les singularités qui distinguent l'Espagne et le Portugal dans le concert européen, et en font un « cas à part », « à contretemps de l'Europe » selon la formule de Crespo Maclennan, deux méritent d'être signalées d'emblée car elles ont longtemps pesé sur leur « ostracisme » : 1°) la très longue survie de dictatures de droite nées dans l'avant-guerre, jusqu'en 1974 pour le Portugal et 1975 pour l'Espagne, et par conséquent leur accès tardif au régime de la démocratie libérale qui prévaut dans le reste de l'Europe occidentale depuis 1945 ; 2°) le relatif retard de leurs économies respectives, associé depuis l'après-guerre à une forte dépendance commerciale à l'égard de l'Europe du NW.
Pour ces deux raisons, plus encore que pour leur situation géographique, il est légitime d'aborder les deux pays ensemble et selon la même problématique concernant leur rapport à l'Europe, en les comparant constamment. En signalant d'emblée que l'approche ne peut pas être aussi riche que pour les autres pays occidentaux, car la bibliographie reste très limitée sur le sujet des relations entre pays ibériques et Europe, et de nombreuses zones d'ombre subsistent. La bibliographie fournie par Historiens et Géographes concernant ces deux pays est assez restreinte. Je signale une lacune majeure : Julio Crespo Maclennan, España en Europa, 1945-2000. Del ostracismo a la modernidad, Madrid, Marcial Pons Historia, 2004, un ouvrage un peu touffu, où la synthèse n'est pas suffisamment aboutie mais qui fourmille de données extrêmement intéressantes. Je m'en suis largement inspirée s'agissant de l'Espagne. Le cas est plus grave s'agissant du Portugal : ici les ressources historiographiques sont des plus limitées, il y aura donc un déséquilibre, à certains moments de mon exposé, entre les données sur l'Espagne, plus abondantes, et celles concernant le Portugal (...)
[...] L'européisme constitue, pour les exilés π, un mécanisme par lequel exprimer l'opposition au régime franquiste devant la communauté internationale. Le fait que la démocratie soit une condition sine qua non de la participation au processus d'intégration permet aux groupes en exil de combiner la propagande européiste avec les activités anti-franquistes. La contribution la plus importante à l'activité européiste en exil est celle de Madariaga (et de Enrique Adroher Gironella à ses côtés). Ils ont été les deux seuls représentants espagnols à la conférence de Genève en 1948 (création du Mouvement Européen). [...]
[...] Mais dès 76, il reprend à son compte l'idée de l'intégration (pour, selon ses termes, éliminer la misère, l'ignorance et sous-développement) : Europa Connosco (L'Europe est avec nous) est le slogan central de la campagne socialiste aux élections de 1976. L'Europe devient la solution des problèmes du Portugal : c'est la rupture définitive avec le tiers-mondisme et l'anti-européisme des dirigeants portugais. Lorsque Soares dépose la demande d'adhésion du Portugal en 77, il la présente comme la décision d'un peuple la rencontre d'une nation avec son destin D'où une question : comment le PSP anti-impérialiste de 73 et 74 est-il devenu européen en 76 et 77 ? [...]
[...] Les partisans de l'adhésion envisagent une clarification du système économique grâce à Europe et soulignent ses avantages (aide financière, notamment). L'opinion communiste mène, dès lors, un combat d'arrière-garde en v d'une part une connaissance très limitée de ce qu'est la CE et, parmi ceux dont le niveau d'éducation permet l'accès à cette connaissance, on constate une évolution dans le sens de l'espoir que l'intégration améliore la situation de la société portugaise, notamment dans le domaine du chômage et de l'économie. [...]
[...] Son leader historique de 1941 à 1992, Alvaro Cunhal, a vécu 13 ans en prison et 14 en exil. De son léninisme absolu et de sa stratégie de révolution démocratique et nationale contre le régime de Salazar (insurrection populaire et lutte armée), il a gardé une opposition radicale à l'intégration entre 1975 et 1985. Or, c'est le seul parti doté d'une base sociale solide et d'une capacité d'action, qui jouit d'une grande stabilité électorale jusqu'en 1986 (oscillant entre 12 et 19% des voix). [...]
[...] Le Portugal, selon une partie de l'historiographie, aurait cédé aux pressions britanniques pour préserver son empire africain, menacé par l'Allemagne ; selon une autre historiographie, le Portugal aurait surtout eu pour objectif de reconquérir un rang international, d'écarter la menace espagnole (l'Espagne étant toujours soupçonnée de vouloir unifier la péninsule sous son hégémonie) et d'assurer sa primauté face à la neutralité espagnole, pour obtenir une place dans le concert des nations après la guerre, et une reconnaissance de jure du régime républicain. Quoi qu'il en soit, les deux pays ont adhéré à la SDN. L'Espagne y déploie une activité assez intense, avec son représentant Salvador de Madariaga (de 1922 à 1929), européen convaincu. [...]
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