Rétablie le 8 juillet 1815, après le bref intermède napoléonien des Cent-Jours, la Restauration consacre une forme de régime inédite en fonctionnement en France: la monarchie constitutionnelle. Cette nouvelle configuration politique, associée aux libertés garanties par la Charte de 1814, sera le terreau de la naissance d'un espace public, défini par Habermas comme « espace où l'individu éclairé peut faire un usage public de sa raison », c'est-à-dire un espace où la liberté d'opinion et leur confrontation sont garanties juridiquement.
On peut ainsi envisager la Restauration comme un « dégel de la vie intellectuelle », pour reprendre les mots de Bertier de Sauvigny. Divisées entre ceux qui veulent effacer les 25 dernières années et ceux qui souhaitent conserver ces libertés si chèrement acquises, il s'agit pour toutes les couches de la société de laisser s'exprimer leur opinion raisonnée sur le pouvoir: comment et dans quelle mesure peuvent-elles participer à la vie politique à travers l'expression publique de leur opinion ?
Nous verrons donc dans un premier temps en quoi la Restauration peut être considérée comme le cadre de l'émergence d'une véritable opinion publique, bien que celle-ci ne soit encore que partiellement libre, et nous nous attacherons ensuite à distinguer les diverses modalités d'expression de cette opinion pour les Français, modalités qui sont encore conditionnées par leur appartenance sociale.
[...] De plus et ce pendant toute la période, les libraires doivent être brevetés, sous peine de condamnation. Nous verrons tout à l'heure le succès des cabinets de lecture, que le pouvoir tentera également d'enrayer en en interdisant l'ouverture de nouveaux en 1823. Il faut aussi noter l'absence des libertés de réunion et d'association (toute réunion régulière de plus de vingt personnes devait avoir reçu une autorisation des autorités). Enfin, toutes les nouvelles représentations théâtrales sont contrôlées par un commissaire de police, qui doit vérifier qu'elle ne comporte pas de passage pouvant choquer la décence publique ni d' allusions politiques ou autres que la malveillance pourrait saisir Il ne faut pas non plus oublier que la vie politique est strictement réservée aux privilégiés. [...]
[...] L'instauration du parlementarisme permet donc l'émergence d'une réelle opinion publique politique ainsi que l'invention du pluralisme. Pour la première fois en effet l'on parle à l'Assemblée d'une majorité confrontée à une opposition Même s'il n'existe pas encore de réels partis au sens où l'on l'entendrait aujourd'hui, trois grandes tendances se distinguent alors : les ultras(- royalistes), les constitutionnels et les libéraux. Les premiers, menés par Louis de Bonald, plus royalistes encore que Louis XVIII plus que le Roi voudraient revenir à la société de l'Ancien Régime, supprimer les libertés acquises et redonner toute sa place au clergé. [...]
[...] Pendant toute cette période, seuls des journaux publiés à l'étranger, comme Le Nain Jaune Réfugié à Bruxelles, permettent une expression libre des partis de l'opposition. La censure sera en outre rétablie pour un an en 1820, par une loi d'exception, à la suite de l'assassinat du duc de Berry, imputé à une trop grande permissivité. Enfin, en 1822 est instauré le ‘délit de tendance', autre nom pour désigner en réalité le ‘délit d'ipinion'. Outre l'interdiction de tout propos subversif, critiquant le régime ou un de ses représentants, la censure prend aussi la forme d'une autorisation royale préalable à toute publication. [...]
[...] En outre, les ouvriers parisiens n'hésitent plus à se regrouper dans des sociétés de secours mutuel, tolérées, voire même encouragées à partir de 1815. Des grèves sont même régulièrement conduites, protestations que le pouvoir ne cherche pas à étouffer ; on constate même une certaine mansuétude envers les coalitions ouvrières de la part des autorités, qui n'interviennent qu'en cas de violences et qui semblent considérer les revendications ouvrières comme justifiées : L'exigence des ouvriers est la meilleure preuve de l'activité des fabriques indique ainsi un rapport de police daté de 1822. [...]
[...] C'est ainsi à la tribune que se manifeste enfin une réelle liberté d'expression. A côté de ces courants que l'on pourrait qualifier d' officiels subsistent dans l'ombre des opposants au régime, que ce soient des républicains ou des nostalgiques de l'ère napoléonienne (ceux que l'on appellera les bonapartistes). Ces divers courant peuvent s'exprimer à travers la presse politique florissante. Chacun a ses journaux, comme Le Journal des Débats, La Quotidienne pour les ultras, Le Journal de Paris, Le Moniteur pour les constitutionnels ou enfin La Minerve, Le Constitutionnel, d'opinion proche des libéraux. [...]
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