Au Pérou, l'armée est indissociable de l'évolution de la vie politique. Pour les officiers de l'armée péruvienne, il est clair que leur mission ne se résume pas à assurer militairement la défense de l'Etat mais beaucoup plus largement, à une défense de l'Etat dans sa dimension politique, économique ou sociale. L'armée péruvienne veut être un acteur de la vie politique et c'est pour cette raison que la présence de l'armée est constante dans l'espace politique du pays. Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le général Odria, après un soulèvement du parti apriste rapidement réprimée, prend le pouvoir. Jusqu'en 1956, celui-ci prive les masses populaires de toute expression politique avec l'interdiction de l'APRA. Durant huit ans, le général Odria va consolider le système oligarchique mais aussi favoriser les investissements nord-américains : en 1960, 36% des actifs bancaires sont détenus par le capital étranger, en 1966, 62% ; 47% des exportations sont le fait des capitaux américains en 1965. En 1956, Odria est battu aux élections par Manuel Prado qui s'est engagé à légaliser l'APRA. Ce pacte, La Convivencia, est une alliance d'un secteur de l'oligarchie et du partie apriste, disposés l'un et l'autre à des concessions en vue d'instituer un régime démocratique stable au Pérou. Mais de nouvelles forces émergent, comme l'Accion Popular de Fernando Belaunde Terry, qui sont animées par un sentiment nationaliste et souhaitent la mise en œuvre d'une politique réformiste. Aux élections de juin 1962, Haya de la Torre obtient une courte majorité des suffrages, mais celle-ci est insuffisante et l'armée s'oppose à son accession à la présidence et met en place un gouvernement militaire. Les militaires ont pris conscience de la contagion révolutionnaire qui a gagné l'Amérique latine à la suite du triomphe de la Révolution cubaine – et notamment le Pérou avec Hugo Blanco. De nombreuses grèves et des occupations de terres ont perturbé l'agriculture dans la sierra ; les ouvriers, employés et étudiants organisent des manifestations d'appui au mouvement paysan. Afin de prévenir une possible contagion révolutionnaire, les militaires préfèrent se saisir du pouvoir. En invoquant la défense de l'intégrité du processus électoral et des intérêts du peuple, les forces armées prétendent se placer au-dessus des intérêts partisans et se poser en arbitre de la vie politique.
[...] Vargas Caballero est à la tête du ministère de l'Habitation de 1969 à 1972 et il se fait le défenseur des intérêts d'une certaine couche de propriétaires terriens, en fermant la porte à l'adoption d'une réforme qui aurait freiné la spéculation et empêché l'urbanisation d'un bon nombre de terres cultivables. En plus de se diriger vers certains membres du gouvernement, les pressions de ces groupes s'exercent directement sur le haut commandement militaire. En témoigne la présence du général A. Cavero Calixto, président du commandement conjoint des forces armées, aux côtés des fermiers venus présenter leurs doléances au général Velasco Alvarado en juillet 1973. On voit combien les militaires au pouvoir sont divisés, entre la tendance vélasquiste et la tendance conservatrice ou encore une tendance plus modérée. [...]
[...] Le but de ces idéalistes de gauche : conduire les réformes décrétées par les militaires tout en organisant les mouvements de masse pour appuyer la révolution. Les militaires se méfieront toujours de cette agence qui pouvait à tout moment se transformer en un lieu de contestation anti-gouvernementale (Sinamos peut aussi se lire Sin amos, sans maîtres ) c. Des idéologies diverses, sources de divisions Afin de donner au gouvernement une base institutionnelle, le général Velasco Alvarado et son premier ministre le général Ernesto Montagne s'entourent de membres en vue de l'establishment militaire et particulièrement d'officiers de l'armée commandant les principales régions du pays. [...]
[...] Peut-on alors faire du régime de Velasco Alvarado une expérience emblématique des liens existant entre nationalisme et réformes en Amérique latine ? Pour essayer de répondre à cette question, nous allons étudier l'évolution de ce régime. D'abord, en s'intéressant à l'armée : quelles en sont les composantes ? Qui sont les acteurs privilégiés du pouvoir ? I ) L'armée : une force revolutionnaire a. Aux origines de la révolution des forces armées Le coup d'Etat de 1968 s'inscrit dans la durée. [...]
[...] Mais en 1930, si l'APRA était perçu comme un mouvement d'extrême gauche, trente ans plus tard, il a suffisamment évolué pour laisser un vide à gauche ; vide que les militaires s'efforcent de combler. Comme en témoignent les discours de Velasco Alvarado, l'idéologie de l'armée s'apparente à un certain humanisme social. Celui-ci s'est nourri des doctrines du fondateur de l'APRA comme la création d'un Etat fort, d'un secteur coopératif et d'un secteur privé contrôlé. Le nationalisme exprimé par le régime rappelle par ailleurs les prises de position anti- impérialiste de Raul Haya de la Torre. [...]
[...] En 1956, avec Treinta años de aprismo, après avoir stigmatisé l'impérialisme des Etats-Unis en Amérique latine, Haya de la Torre explique que l'impérialisme n'est pas le stade suprême du capitalisme mais comme, dans tous les pays non industrialisés, l'étape première ou inférieure du capitalisme Mais ces théories ne dépassent pas le stade théorique, ce qui explique que Haya de la Torre se soit mué en un réformiste prudent. Révolutionnaire, anti-impérialiste et anti-oligarchique, le parti regroupe tous les éléments pour une opposition franche de l'armée à toute tentative de prise de pouvoir de ce parti. Mais celui-ci évolue, en même temps que l'armée elle-même. Peu à peu, l'armée redéfinit sa place dans la société. [...]
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