On pourrait penser que les positions politiques et sociales de l'aristocratie, fondées sur l'hérédité et la propriété foncière, ont été balayées par la Révolution, et que la bourgeoisie domine le XIXe siècle, imposant le passage d'une société de caste à une société de classes, les statuts sociaux étant définis non plus par la naissance, mais par la fortune. Il y a bien eu, avec la Révolution, une déféodalisation politique et juridique, et l'abolition des privilèges, l'égalité de tous devant la loi. Il y a eu aussi l'émigration, la vente des biens nationaux et plus tard, en 1830, le repli de la noblesse légitimiste sur ses terres en province, puis en 1848 l'abolition des titres nobiliaires, interdits d'utilisation publique, puis en 1850, 1871 et 1873 les échecs des tentatives de restauration monarchique, en 1875 et 1884 la démocratisation de la Haute assemblée (le Sénat) désormais soumis au suffrage universel, même indirect, puis, sous la IIIe République, la montée de l'anticléricalisme marginalisant une noblesse qui a lié son sort à celui de l'Église, et dans les années 1880-1893, une crise agricole, liée entre autres à l'importation massive de céréales et de viandes bon marché, et qui porte un coup sévère aux fermages et à la rente foncière, bases des revenus d'un groupe lié à la propriété terrienne.
[...] En fait, toute la fonction publique voit ses effectifs augmenter, entre autres dans les postes, les ponts et chaussées (des ingénieurs aux cantonniers) l'administration centrale et locale, etc. Avec les employés de bureau du privé, banques, chemin de fer ; c'est de la population active en 1911, moins qu'aujourd'hui, mais leur expansion a commencé (cela dit, se méfier des estimations ; celles des fonctionnaires en 1845 varient de à 250 000). Ce qui est gagné en poids dans la population l'est aussi, souvent, en quiétude née de la sécurité. [...]
[...] III) Émergence de la petite bourgeoisie ? Petite bourgeoisie ancienne et nouvelle À côté de la bourgeoisie, et en développement constant au XIXème siècle, la petite bourgeoisie est aussi hétérogène qu'elle. Dans ses rangs, on trouve une petite bourgeoisie traditionnelle, commerçants, artisans, petits entrepreneurs, souvent sans salariés, et des groupes dont l'émergence est liée aux progrès de l'instruction et au secteur tertiaire, les services, publics ou privés : journalistes, enseignants, employés municipaux, petits et moyens fonctionnaires, avocats ou ingénieurs, etc. [...]
[...] Il y a embourgeoisement de la noblesse ; mais bien plus, fascination de la haute bourgeoisie, volonté d'intégration, imitation des façons de l'aristocratie. Le résultat, vers 1900, c'est une haute société un monde un Tout-Paris où les deux groupes ont fusionné. On peut cependant débattre pour savoir lequel a eu le dessus. Ajoutons que l'imitation de l'aristocratie n'est pas le fait de la seule haute bourgeoisie, et que les officiers, moins souvent issus qu'on ne croit de la première, tend à adopter ses opinions, où celles qu'il suppose les siennes. [...]
[...] Par ailleurs, les frontières sont poreuses ; la circulation entre monde ouvrier et travail indépendant est fréquente, et pas toujours ascendante (on peut être à son compte faute d'emploi stable). D'autre part, vers le haut un métier comme celui d'avocat peut être une activité officielle, laissant des loisirs pour une carrière différente ; comme pour Ferry, qui, plus qu'un petit bourgeois, est un bourgeois qui vit de la fortune familiale. Dernière remarque : il faudrait inclure dans la petite bourgeoisie les paysans propriétaires, voire des fermiers ou de métayers, mais les modes de vie les en distinguent trop. [...]
[...] Par ailleurs, on peut se demander jusqu'à quel point, en copiant l'aristocratie, la bourgeoisie n'en épouse pas la cause, et ne condamne pas après coup des révolutions qu'elle a faites. Il y aurait un traumatisme initial, vers 1792-1793, réactivé par les révolutions, émeutes qui réussissent, ou les émeutes, révolutions qui échouent. Quelles qu'en soient les causes, il y a une vive hostilité aux classes laborieuses assimilées aux classes dangereuses (Classes laborieuses, classes dangereuses est le titre d'un livre fondamental de l'historien Louis Chevalier). [...]
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