Dans la période des Trente Glorieuses, la France est entrée dans une politique bien plus volontariste que dans l'Entre-deux-guerres dans la construction européenne. Par le rôle inspirateur de Jean Monnet, par l'initiative de Robert Schuman en 1950, elle passe même pour un des initiateurs de cette construction. Pour autant, plus d'une fois, la France des années 1945-1975 a entravé cette construction. Cette double posture d'initiateur et d'entrave témoigne d'une ambiguïté, voire d'une contradiction des gouvernements français successifs. Comment expliquer cette contradiction?
I. Les pères fondateurs
1°) Un héritage européiste
La France s'enorgueillit d'une tradition de construction européenne ancienne : Napoléon avait construit par la force une Europe convergente sur le plan du droit, Victor Hugo avait appelé à l'instauration d'États-Unis d'Europe en 1849; entre les deux guerres, Aristide Briand avait mis le rapprochement franco-allemand au coeur de sa politique étrangère. Mais la France n'a pas le monopole de cette idée : à la fin du XVIIIe siècle, le philosophe allemand Emmanuel Kant avait rédigé un Projet de Paix perpétuelle; entre les deux guerres, l'écrivain autrichien Stefan Zweig avait appelé à la construction d'une Europe des intellectuels, et depuis les années 1920, le publiciste tchécoslovaco-autrichien Richard Coudenhove-Kalergi avait sans relâche appelé à la construction de la Paneurope.
2°) Le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale
Le choc de la Seconde Guerre mondiale et les atrocités commises sur le sol européen ont accéléré la prise de conscience. Il devenait nécessaire de sortir des antagonismes bellicistes et mortifères. La Guerre froide qui s'ouvre après la Seconde Guerre mondiale rend encore plus vitale la mise en commun des outils de la reconstruction et du développement économique de l'Europe. Les États-Unis, via le plan Marshall, poussent à partir de 1947 à la coordination des efforts de reconstruction des pays européens. C'est l'origine de la constitution de l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE) (...)
[...] La politique européenne demeure en lisière des débats politiques français. La complexité technocratique L'amoindrissement électoral des chrétiens démocrates, le poids politique des communistes (entre 20 et 25% des voix) et des gaullistes au pouvoir font passer au second plan la construction européenne. La politique de détente des deux super-puissances, l'Ost-Politik menée par l'Allemagne, la digestion de l'adhésion britannique atténuent l'urgence de la construction d'une Europe politique. Les décisions sont monopolisées par des technocrates bruxellois qui se cantonnent dans des décisions complexes qui échappent au plus grand nombre. [...]
[...] (vision d'un technocrate, inspecteur des finances) Biographies Gérard Bossuat & Andreas Wilkens, Jean Monnet, l'Europe et les chemins de la paix, actes du colloque de 1997 organisé par l'Institut Pierre Renouvin de PARIS I & l'Institut historique allemand de Paris, Paris, Publicatioons de la Sorbonne p. (portraits croisés, voir surtout les contributions de Wilfried Loth et de Pierre Gerbet sur les rapports Monnet / de Gaulle) Jacques Dalloz, Georges Bidault, biographie politique, Paris, L'Harmattan p. Raymond Poidevin, Robert Schuman, Paris, Imprimerie nationale p. Pierre Maillard, De Gaulle et l'Europe, Paris, Tallandier p. [...]
[...] Vantant "l'Europe des patries", de Gaulle n'a eu de cesse de faire oublier les déconfitures coloniales par une politique mondiale ambitieuse mais aussi très verbale. De la sorte, il mit à plusieurs reprises la France en porte-à-faux vis-à- vis de ses partenaires européens: sortie du commandement intégré de l'OTAN en 1966, diplomatie isolée des voisins européens (Proche-Orient, Québec, Viêt-nam), refus forcené de laisser entrer la Grande-Bretagne dans la CEE. Cette politique n'était pas sans cohérence, mais fit de la France un obstacle boudeur à la construction européenne dans les années 1960. [...]
[...] C'est l'origine de la constitution de l'Organisation Européenne de Coopération Economique (OECE). Un Conseil de l'Europe, organe bien platonique, est créé dans la foulée à Strasbourg en 1949. Les esprits sont mûrs pour une accélération de la concertation. La déclaration Schuman Robert Schuman est né en Lorraine, symbole de l'antagonisme franco- allemand. C'est un démocrate chrétien (MRP) épris de paix et qui trouve dans cette mouvance des interlocuteurs allemand (Konrad Adenauer), belge (Paul-Henri Spaak), italien (Alcide de Gasperi). Pour désamorcer l'antagonisme encore récent, ces hommes inspirés par le Français Jean Monnet choisissent la voie de la construction européenne par l'économie. [...]
[...] Pour autant, plus d'une fois, la France des années 1945-1975 a entravé cette construction. Cette double posture d'initiateur et d'entrave témoigne d'une ambiguïté, voire d'une contradiction des gouvernements français successifs. Comment expliquer cette contradiction? I. Les pères fondateurs Un héritage européiste La France s'enorgueillit d'une tradition de construction européenne ancienne: Napoléon avait construit par la force une Europe convergente sur le plan du droit, Victor Hugo avait appelé à l'instauration d'États-Unis d'Europe en 1849; entre les deux guerres, Aristide Briand avait mis le rapprochement franco-allemand au cœur de sa politique étrangère. [...]
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